Un chateau médiéval sans pont-levis. Un reportage de Sophie Laurant

Par Benoit De Sagazan

Ma consoeur de l'hebdomadaire Pèlerin, Sophie Laurant, spécialiste en archéologie et patrimoine, me confie un reportage qu'elle a réalisé sur une fouille archéologique menée par l'Inrap en Essonne.

Le chantier a mis à jour un manoir qui abat quelques clichés et idées reçues sur les chateaux médiévaux :

Château de Chaland : le Moyen Age sans pont-levis

Une fouille archéologique menée en urgence ce printemps par l’Institut national de recherches préventives, a mis au jour, en banlieue parisienne un manoir qui témoigne que le mode de vie des seigneurs du XIIIe siècle n’était pas toujours tourné vers la guerre.

Le Moyen-Age, ses châteaux-forts, ses chevaliers… Une image d’Epinal que l’archéologie est en train de mettre à mal : les châtelains du XIII e siècle ne se barricadaient pas toujours derrière leur pont-levis ! Une fouille menée à Lisse, dans l’Essonne vient de confirmer des indices déjà glanés sur d’autres sites.

Au lieu-dit de Bois-Chaland, la campagne francilienne n’est déjà plus qu’un souvenir. Partout, des immeubles de bureaux poussent autour de rond-points à peine aménagés. Tout à coup, incongrue dans cette zone de grande banlieue, surgit une magnifique grange du XVIIe siècle, promise, dans un avenir très proche, à la démolition. Et c’est précisément parce que des promoteurs attendent d’aménager ce terrain que les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont pu intervenir en urgence.

Ce qu’ils ont découvert n’est pas spectaculaire à l’œil : quelques fossés, des fondations de murs très arasées…Pourtant, ces professionnels savent « lire » le terrain ingrat. Laure Cissé, qui dirige le chantier retrace son histoire : « Nous avons pu retrouver le plan d’une habitation seigneuriale du XIII e siècle. Or, contrairement à l’idée reçue qui veut qu’à cette époque, les aristocrates élèvent des murailles imposantes autour d’un donjon, celle-ci est composée de bâtiments éclatés dans une cour fermée par des fossés de drainages. »

Un bâtiment tout en longueur formait le logis. Les fragments de vaisselle qui y ont été découverts témoignent de la richesse de la famille : « ce sont les mêmes céramiques qu’à la cour de France » précise l’archéologue. Une tour de 12 mètres de diamètre, installée sur une hauteur, confirme le caractère féodal de la propriété. Mais en l’absence de rempart, elle ne devait avoir qu’un rôle de prestige. Une grange imposante (sous la grange actuelle), munie de contreforts épais, servait à stocker céréales et denrées. « Pendant très longtemps on a cru qu’à cette époque, seuls les monastères avaient développé une agriculture suffisamment rentable pour posséder de telles granges. Or l’archéologie est en train de montrer qu’elles sont beaucoup plus répandues qu’on ne l’imaginait, sur les domaines agricoles. » précise Joëlle Burnouf, spécialiste d’archéologie médiévale à l’université Paris I et au CNRS.

Déjà au XIIIe siècle, les progrès techniques avaient permis une modification de l’économie agricole. Sur les grands domaines d’Ile de France, une partie de la production est destinée à la vente. Il faut bien nourrir les habitants de la plus grande ville d’Europe : Paris !

Une étude des textes est en cours pour tenter d’en savoir plus sur les premiers propriétaires des lieux. Un écuyer ou chevalier nommé Girard-Chalam est mentionné. Etait-il le cadet d’une famille noble, doté d’un grand domaine ? Ou un notable en train d’accéder à l’aristocratie ? Impossible de trancher pour l’instant. Mais l’exploitation du Bois-Chaland va se poursuivre jusqu'à la fin du Xxe siècle. Huit siècles d’histoire rurale attendent d’être reconstitués par les chercheurs.

Sophie Laurant
sophie.laurant@bayard-presse.com

La fouille du Bois Chaland en vidéo.