Mourir au travail à 20 ans : l’histoire tragique de Teddy Lenglos

Publié le 13 janvier 2021 par Lepinematthieu @MatthieuLepine
Il y a un an, Teddy Lenglos, 20 ans, partageait ces mots sur son compte Facebook : " Il est inconcevable que je sois né juste pour travailler, payer des factures et mourir ". Quelques jours plus tard, il mourrait dans un tragique accident du travail à Béthune (Pas-de-Calais). Voici son histoire.

Teddy Lenglos est né le 24 octobre 1999 à Béthune. Avec ses sœurs ainées, dont il est très proche, il grandit dans le Pas-de-Calais. " Petit il avait beaucoup d'énergie. C'était un enfant qui réclamait de l'attention. Il n'avait pas forcement confiance en lui ", se souvient Séverine Delestrez, sa mère. Cette confiance, il apprend à la développer sur les rings lors de ses entrainements et compétitions de boxe. En grandissant, il se passionne aussi pour le motocross et la pêche. Sa scolarité est compliquée cependant. Teddy ne donne pas de sens à sa place en classe. " Il n'aimait pas l'école et avait un problème avec l'autorité. Il a été exclu à de ne nombreuses reprises ".

Tout juste âgé de 16 ans, le jeune se détourne des enseignements scolaires, sans formation ni diplôme. On lui propose alors d'intégrer le dispositif Garantie jeune. Il s'agit d'un " droit ouvert qui s'adresse aux jeunes de 16 ans à 25 ans, en situation de précarité qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en étude " (travail-emploi.gouv.fr). Mise en œuvre par la mission locale, la Garantie jeune permet de bénéficier de formations, de stages en milieu professionnel mais aussi d'une allocation allant jusqu'à 497 euros. " Teddy a pu faire des stages en maçonnerie, en mécanique ou comme plaquiste ".

" A l'aube de sa majorité, il avait décidé de se racheter une conduite "

En septembre 2018, il parvient à trouver son premier emploi. " A l'aube de sa majorité, il avait décidé de se racheter une conduite " explique sa mère avec qui il entretient une relation fusionnelle. Il intègre une entreprise du BTP en tant que travailleur intérimaire. " Il me disait faire des travaux de terrassement de routes, de goudronnage ou de rénovation de maisons ". Quatre mois plus tard, Teddy signe un CDD puis enfin un CDI. Une ascension rapide au sein de l'entreprise. " Il en voulait. C'était un courageux. Il se consacrait au travail à fond. Certains de ses collègues disaient même qu'il fallait dix bras pour suivre Teddy ".

Le jeune manœuvre ne se voit cependant pas faire carrière dans le BTP. " Il voulait devenir chauffeur-routier mais en attendant de passer le permis poids-lourd il lui fallait travailler pour payer ses charges ". En effet, au-delà de sa réussite professionnelle, Teddy s'épanouit en couple et emménage avec sa copine dans un appartement à Nœux-les-Mines. En octobre 2019, il passe le permis et achète sa première voiture. Son premier gros achat. " Il avait fait son petit crédit pour s'acheter la BMW de ses rêves. Une BMW équipée sport. Il l'appelait son bijou. Il en était fier ".

Mourir à 20 ans dans un accident du travail

Le 10 janvier 2020, Teddy est présent sur un chantier privé à Béthune. Il s'affaire à la rénovation d'une maison avec plusieurs collègues. Mais sur les coups de 15 heures, un mur de clôture, haut de quatre à cinq mètres, s'effondre. Teddy est enseveli sous les décombres. Ses collègues retirent les gravas en urgence. Rapidement sur place, les secours tentent de le réanimer. Mais le jeune ouvrier fait plusieurs arrêts cardio-respiratoires dont un qui dure de longues minutes.

" J'ai reçu un appel vers 16h mais je n'ai pas répondu " se souvient sa mère. " Puis ma sœur m'a contacté. Son ami venait de croiser un collègue de Teddy qui l'avait mis au courant pour l'accident. J'ai alors rappelée le numéro. On m'a dit de me rendre en urgence au CHU de Lille ". A son arrivée sur place, son fils est en état de mort cérébrale. " Il était branché de partout. Je suis restée avec lui de longues heures. Je l'ai accompagné jusqu'à la fin ". Cindy et Lucie, les sœurs de Teddy, sont aussi présentes dans ce moment douloureux.

Le lendemain, le jeune pas-de-calaisiens part en salle d'opération pour la réalisation d'un prélèvement d'organes. " C'était vraiment quelqu'un de généreux. Je sais que c'est ce qu'il aurait voulu ". Teddy meurt le 11 janvier 2020 à tout juste 20 ans. " Il venait de signer un CDI et de trouver un logement avec sa copine. J'aurai voulu le sauver. Mais je ne pouvais rien faire. Personne ne mérite de vivre ça ".

" Je ne peux pas dire que je vais mieux, car ma vie est détruite "

Teddy est enterré le 18 janvier 2020 au cimetière de Bruay-là-Buissière. Une marche blanche en son hommage a lieu quelques jours plus tard. " Il y avait un monde de fou à l'enterrement, ça m'a fait chaud au cœur. On me dit souvent qu'on lui a rendu un bel hommage ". Depuis, sa mère et ses sœurs se rendent régulièrement sur sa tombe. " On ne sait pas faire autrement. On ne veut pas l'oublier. " Le 24 octobre dernier, jour de l'anniversaire de Teddy, un lâché de ballon est organisé au cimetière en présence de sa famille et de ses proches.

Sur le plan judicaire, l'enquête ouverte au lendemain du drame est encore en cours. Celle-ceci devra déterminer les circonstances de l'accident et répondre à des nombreuses questions : pourquoi ce mur s'est-il effondré ? y-a-t-il eu un manquement aux règles de sécurité ?... " J'ai besoin de savoir ce qui s'est passé. Pourquoi ce mur est tombé ? Pourquoi mon fils est mort ? " explique Séverine. " Je ne pense qu'à ça. La nuit je m'imagine la scène. Il me faut des réponses. "

De son côté, l'inspection du travail a rendu son rapport mais la famille de la victime n'en connait pas encore les conclusions. " Je me suis entourée d'un avocat mais il n'a pas encore accès aux éléments du dossier car nous attendons les conclusions de l'enquête judicaire pour savoir si une plainte doit être déposée ". Un an après la mort de Teddy, la douleur de Séverine et de ses filles, Cindy et Lucie, reste encore vive. " Je ne peux pas dire que je vais mieux, car ma vie est détruite. "