L’état de nature selon jean-jacques rousseau

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam

L’ÉTAT DE NATURE SELON JEAN-JACQUES ROUSSEAU

Jean-Jacques Rousseau construit progressivement et par étapes sa pensée pour nous faire admettre que :
D’une part l’homme est libre par nature.
D’autre part, aucun être humain n’a de pouvoir légitime sur un autre être humain.
Se pose impérativement la question suivante :  pourquoi l’homme qui est libre naturellement se trouve emprisonné dans la tyrannie d’un système qu’il a créé lui-même ?

Pourquoi l’homme accepte-t-il la tyrannie d’un autre homme ? Tyrannie qui n’a aucune légitimité que celle créée par lui-même, ou que lui donnent ses semblables par esprit de servilité.

Ceci ouvre une autre interrogation :  d’où provient cet état de servitude, de servilité qui conduit l’homme à s’enchainer lui-même ?

Dans le raisonnement de Rousseau, la première étape consiste d’abord à démontrer que l’homme est libre. C’était l’objet de mon précédent article : en quoi l’homme est libre.

https://c4infinity.wordpress.com/2021/02/03/jean-jacques-rousseau-en-quoi-lhumain-est-libre/

Demeure donc cette grande interrogation ; à quel moment est apparu un pouvoir strictement illégitime ? À quel moment sont apparues les inégalités entre les êtres humains ?

Pour faire sa démonstration, Jean-Jacques Rousseau recourt à une fiction qui est l’état de nature. Il dit de façon claire que cet état n’a jamais existé, et pourtant beaucoup de philosophes vont lui dire que cet état de nature qui n’a jamais existé avec le ton du reproche. C’est souligné, combien est retors l’esprit de certains philosophes qui ont cette particularité de se cacher en temps de grisaille, c’est-à-dire en temps de problèmes et d’apparaître en temps de clarté, c’est-à-dire en l’absence de problème, pour nous faire la morale, pour dénigrer, et pour culpabiliser. Je ne porte pas dans mon cœur ce genre de philosophes.

L’état de nature n’est pas une invention de Rousseau, les penseurs, les philosophes juristes, les jurisconsultes ont en déjà fait référence auparavant.

Qu’est-ce que l’état de nature selon Rousseau.

Auparavant, il y a très longtemps, Rousseau ne précise pas quand, les hommes vivaient de façon isolée. Ils ne se rencontraient que rarement. Ces humains, hommes et femmes, enfants, parents présentaient au moins trois vertueux : l’amour de soi, la pitié, et le fait d’être libre en s’arrachant à son instinct naturel.

Première vertu : l’amour de soi

D’emblée Rousseau fait la différence entre amour de soi et amour-propre. L’amour-propre est source d’une majorité de problèmes des humains : c’est la vanité, c’est l’orgueil, c’est le fait de vouloir posséder ce que les autres n’ont pas, c’est le fait de vouloir être différents, voire supérieurs aux autres. L’amour de soi, selon Rousseau, est cette qualité qui fait que l’homme œuvre pour conserver ce qu’il est, c’est-à-dire de persévérer  dans son intégrité humaine. Ou de façon beaucoup plus simple, l’instinct de conservation. Cet instinct de survie va faire que l’homme va œuvrer de stratagème, d’ingéniosité pour survivre, pour se nourrir, pour garder sa forme, pour fuir en cas de danger. Ainsi, il doit trouver un moyen de se prémunir du froid en se couvrant de peaux d’animaux entre autres, trouver un moyen de cueillir des fruits perchés haut dans un arbre. La femme à l’époque était agile même quand elle est enceinte, même quand elle portait un enfant. Bref, l’amour de soi, ce sont tous les moyens mis en œuvre par l’homme avec plus ou moins d’ingéniosité pour survivre dans un monde qui parfois est hostile. Je vous invite à lire le second discours, c’est-à-dire discours sur les fondements et les origines de l’inégalité parmi les hommes de Rousseau. ’est un livre qui est très bien écrit de façon claire, sans jargon.

Seconde vertu : la pitié.

La pitié, ici, est comprise au sens de compassion, c’est-à-dire que l’homme de l’état de nature éprouvait pour un autre homme pour un autre animal un certain sentiment où il partageait sa souffrance. Ce sentiment de compassion de pitié naît parce que l’homme voudrait éviter à d’autres hommes ou à des animaux, la peine et la souffrance qu’il éprouve lui-même. C’est quelque chose qui est naturel, non seulement chez l’homme, mais également les certains animaux. Puisque, nous dit Rousseau, beaucoup d’animaux ne font pas de mal à d’autres, et dans certaines situations, les aident même à surmonter leurs souffrances.

Les philosophes qui se cachent pendant la grisaille, et qui apparaissent subitement au temps d’apaisement, reprochent cette idée à Rousseau. Ils se moquent de lui en disant, voyez-vous, Rousseau nous parle du bon sauvage. Ils se sont complètement trompés, je dirais même qu’il le fait délibérément du fait de leur esprit retors.

Ce que voudrait dire Jean-Jacques Rousseau, c’est qu’à l’époque les hommes n’avaient pas de morale à proprement dit, c’était quelque chose de naturel que de rentrer dans un sentiment de compassion et de partage de la souffrance.

Troisième vertu, la liberté de l’homme.

L’homme est libre du moment qu’il arrive à quitter l’instinct naturel même si cela doit le conduire à l’excès. Au contraire l’animal lui obéit à son instinct tout le temps. J’ai déjà développé ce sujet dans un article ultérieur que vous trouverez en suivant le lien suivant.

https://c4infinity.wordpress.com/2021/02/03/jean-jacques-rousseau-en-quoi-lhumain-est-libre/

Première apparition de la sociabilité

Le nombre des humains, progressivement, va s’accroître, multipliant ainsi les occasions de rencontres. Finalement, ils vont se regrouper dans un premier état primitif. Ils mettent leurs ressources en commun, habitent dans des cabanes, chaque famille connaît les enfants des autres, premiers liens de camaraderie, voire d’amitié. Nous ne sommes pas encore dans un état politique, et aucune personne de ce groupe n’a de pouvoir sur un autre. Il y a une sorte d’entente naturelle pour faire des échanges, entreprendre en commun certaines actions pour le bienfait de tout le monde.

Ces grandes idées de Rousseau seront reprises ultérieurement par Karl Marx quand il parle des différents systèmes de production, à savoir système de production asiatique, antique, féodale, etc. des articles ultérieurs sont consacrés à Marx et au marxisme.

La propriété privée : naissance d’un état civil corrompu.

Le premier homme, selon Rousseau, qui va entourer un champ d’un enclos, et dire que cela m’appartient, à contribuer à la naissance d’un État civil corrompu et a contribué de même à la naissance des inégalités parmi les êtres humains. Rousseau insiste sur le fait, qu’à ce moment-là aucun autre homme ne s’est dressé contre lui pour lui dire vous n’avez pas le droit de faire ceci et tous les fruits, tous les arbres de ce champ appartiennent à tout le monde.

C’est probablement cette lâcheté initiale qui va conduire les humains à la servitude. C’est de la propriété privée, associée à l’amour-propre, à la vanité, au fait de vouloir être meilleur que les autres, au sentiment d’être supérieurs aux autres, que va naître le sentiment de vouloir dominer les autres pour acquérir encore plus de richesses. Apparaîtront dès lors une classe de riches, et une classe de pauvres. Karl Marx parlera plus tard de lutte des classes en reprenant les grandes idées de Rousseau.

Ceux qui sont devenus riches vont obliger les autres à travailler dans les champs, dans l’agriculture pour leur produire, non seulement ce dont ils ont besoin, mais de même le superflu. Le superflu évoluera vers le luxe que Rousseau déteste comme je l’ai déjà dans un article précédent. En voici le lien : https://c4infinity.wordpress.com/2021/01/31/jean-jacques-rousseau-linfame/

Au début de leur servilité, les hommes travaillaient de façon laborieuse avec une hache de pierre, puis va naître la tâche de fer, ce qui va accentuer davantage la servilité, le malheur des humains, et leur exploitation par un groupe de personnes de plus en plus restreint et de plus en plus riche. C’est le début de l’ère industrielle avec des hommes de plus en plus soumis, de plus en plus serviles, de plus en plus exploités, de plus en plus productifs. Ces humains pour subsister auront recours à diverses actions malhonnêtes, à des bassesses, ce qu’on appellera de façon commune la lie de la société. Les gens civilisés, quant à eux, perdent leur pitié naturelle pour l’échanger contre une indifférence à l’égard des autres. Ainsi, un homme cloîtré dans sa maison ne prêtera pas secours à un homme qu’on égorge en bas de sa fenêtre parce que son raisonnement, ses spéculations philosophique l’empêcheront d’intervenir. C’est la naissance de l’État civil tel que nous le connaissons, mais avec un contrat social corrompu, injuste, inique et surtout illégitime. Illégitime est le mot-clé de la pensée de Rousseau. Tout le pouvoir que les uns ont sur le autres n’a aucun fondement naturel, il n’est que le fruit de circonstances particulières. Cette idée sera développée et reprise dans le contrat social.

Un contrat social juste, voulu par tous, est la réponse au pouvoir illégitime

l’idée majeure de Rousseau est qu’aucun pouvoir, s’il n’est librement consenti par tous toutes les personnes, n’a aucune légitimité. Aucun être humain n’a de pouvoir naturel sur d’autres humains, aucun être humain n’a le droit de commander les autres, leur donner des ordres; saufs dans un contrat social juste, voulu par tous.

En conclusion de ces observations de Rousseau, deux éléments majeurs se dégagent :

en première intention : quelle éducation donner à des gens libres pour qu’ils persistent dans leur liberté, c’est le sujet de l’Émile ou l’éducation.

En seconde intention : quel état civil, supérieur à l’état de nature, proposer aux humains, pour qu’au final, ils ne s’enferment pas sous les chaînes de La Tyrannie. C’est le thème de l’ouvrage de Rousseau DU CONTRAT SOCIAL. Ce sera le sujet de mon prochain article, pour le moment, je fais l’impasse sur Émile ou l’éducation.