[Critique] MOXIE

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Moxie

Note:

Origine : États-Unis

Réalisateur : Amy Poehler

Distribution : Hadley Robinson, Lauren Tsai, Alycia Pascual-Pena, Nico Hiraga, Patrick Schwarzenegger, Sabrina Haskett, Sydney Park, Amy Poehler, Ike Barinholtz, Josephine Langford, Clark Gregg…

Genre : Drame/Comédie/Adaptation

Durée : 1h51

Date de sortie : 3 mars 2021 (Netflix)

Le Pitch :

Alors qu’elle fait son entrée en classe de première, Vivian découvre par hasard que quand elle était jeune, sa mère était à la tête d’un mouvement militant pour l’égalité des sexes. Inspirée, elle décide alors de publier une revue afin de dénoncer le sexisme dans son lycée…

La Critique de Moxie :

C’est pendant ses années Parks and Recreation qu’Amy Poehler, la célèbre comédienne du Saturday Night Live, a fait ses débuts à la réalisation. Une expérience qui l’a poussée à se retrouver à la tête d’Un week-end à Napa, une comédie qu’elle emballe pour Netflix, dans la droite lignée des films dans lesquels elle a l’habitude d’apparaître. Pour son second long-métrage en revanche, Amy Poehler a décidé de montrer les dents et de sortir un peu des clous en adaptant le roman de Jennifer Mathieu, afin de traiter du sexisme persistant dans le système scolaire…

À contre-courant !

D’emblée, Moxie annonce la couleur. Le personnage principal, Vivian, une jeune fille plutôt discrète, entre en Première et se voit à nouveau contrainte d’observer le cirque machiste autour duquel s’articule toute la vie scolaire. Le roi du lycée, un athlète aussi populaire que misogyne, accapare toute l’attention, chacun tient son rôle avec application, comme programmé à l’avance pour répondre à toute une batterie de codes presque séculaires, et les filles font l’objet d’un classement visant à élire celle qui à la plus belle poitrine, qui a les plus belles jambes, etc. Très vite donc, Amy Poehler place ses charges autour d’une structure que l’on connaît bien pour l’avoir observé à maintes reprises dans des teen movies de tous horizons. Bien sûr, ce n’est pas la première à se donner pour but de dynamiter ce schéma qui forcément, n’a pas cours que dans la fiction. Avant elle, d’autres s’y sont essayés. Certains s’y sont cassés les dents et certains ont réussi à faire entendre leur voix. Ce qu’Amy Poelher fait en revanche, c’est de presque totalement refuser de s’attarder trop longtemps sur ces fameux clichés teen movies pour vite les briser. Le gars populaire, incarné par Patrick Schwarzenegger, par exemple, n’est jamais sympathique. On voit de suite qu’il s’agit d’un salopard. Pas de faux-semblant ici et au fond, mais nous y reviendrons, c’est peut-être l’un des reproches que l’on peut faire au film.

Girlzine

L’introduction de Moxie, plutôt réussie, laisse aussi planer le doute : va-t-on assister à un film bien policé, façonné pour exploiter avec un certain opportunisme, une dynamique brûlante ? Heureusement, la suite vient nous rassurer. Car au fond, Moxie parvient à imposer autre chose. Et cet autre chose, c’est la sincérité. Et cela fait toute la différence. Même s’il est indéniable qu’Amy Poehler se cherche ici une légitimité en dehors du cadre de la comédie (même si le petit rôle qu’elle s’est réservé reste assez dans les clous) en abordant une question qu’il convient de prendre à bras le corps pour enfin y répondre, son film évite les écueils de la charge morale. Bien heureusement, Moxie ne se pose pas en donneur de leçon, même si le discours qu’il illustre avec ferveur entend bien entendu dénoncer des inégalités et démonter brique après brique la domination du mâle alpha au sein du système scolaire. Ici par exemple, ce même beau gosse, quarterback de son équipe de foot, a tous les droits et tous les privilèges, quand bien même il enchaîne les défaites sur le terrain. Dans ce système moisi, même le plus pathétique et le plus superficiel des sportifs a plus d’importance que la plus valeureuse des sportives, garante de son côté de toutes les victoires. Le sexe n’étant pas la seule composante car Moxie aborde aussi les questions relatives au racisme et à cette propension du système à conditionner les élèves pour faire d’eux plus tard des adultes bien installés dans des cases dont il est par la suite beaucoup plus difficile de s’extraire.

Vivian rising

Vivian, la jeune fille incarnée par Hadley Robinson (16 ans à l’écran, 27 dans la vie, belle performance) incarne en cela la volonté du film à inciter ceux qui sont harcelées, brimés ou moqués, à crier pour faire savoir qu’ils existent. Et là encore, le film brille car finalement, il ne limite pas son discours aux femmes mais à tous ceux qui refusent de jouer leur rôle dans ce cirque malsain où les faibles sont désignés à l’avance par des forts auto-proclamés.

Alors bien sûr, il est regrettable, malgré toutes ses qualités et ses bonnes intentions, qu’à la fin, le film charge la mule et vienne un peu lorgner du côté de la série bancale 13 Reasons Why. Ce n’était pas utile car tout ce qu’il avait à dire avait déjà été dit et bien dit. Grâce aux acteurs, tous formidables et pleins d’entrain mais aussi grâce à l’écriture, intelligente et nuancée. Moxie qui jouit également d’une rythmique impeccable. À tel point qu’on ne voit pas passer le temps. Et Amy Poehler ? Et bien force est de constater que sa mise en scène est plus ambitieuse que prévue. Oh bien sûr, on va attendre un peu avant de proposer son nom pour les prochains Oscar mais au détour d’une scène ou deux, grâce à un montage également pertinent, la réalisatrice fait montre d’un talent presque insoupçonné pour la mise en image. De quoi finir de faire de son deuxième long-métrage un des incontournables de ce début d’année.

En Bref…

Moxie n’aurait pu être qu’un pamphlet opportuniste abordant des questions relatives au féminisme dans le seul but de se faire mousser auprès d’une fange de spectateurs avides de se donner bonne conscience mais non… Moxie est bien plus que cela. Une charge virulente et incarnée. Un film inspiré et inspirant, porté par un casting admirable, très bien écrit et joliment réalisé. De quoi nous inciter à lui pardonner ses quelques petits travers et sa propension à parfois manquer de nuance…

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Netflix
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