"Dieu s'est fait homme pour que l'homme soit fait Dieu", disaient les Irénée, les Athanase, repris par un Thomas d'Aquin. Cette spirale spirituelle de l'esprit à la chair et de la chair à l'esprit est un mouvement de synthèse, un élan vers un horizon inédit, un point oméga, si l'on veut, où l'individuel et l'universel seront pleinement réconcilier, sans que rien de beau ni de bon ne soit jamais nié.
Au XIVe siècle, Ruysbroeck écrivait :
"Dans l'unité essentielle de Dieu, tous les esprits fervents et recueillis sont un avec Dieu, par leur immersion amoureuse, leur fusion en lui ; et par la grâce ils sont ce même Un qui l'essence divine est en soi...
Saisir et comprendre Dieu au-delà de toute image, tel qu'il est en lui-même, c'est en quelque sorte être Dieu avec Dieu, sans médiation ou, pour ainsi dire, sans altérité sensible...
Quand l'esprit de l'homme s'est perdu lui-même par l'amour de fruition, il reçoit la clarté de Dieu sans médiation ; et il devient même, autant qu'il est possible à une créature, sans cesse cette clarté qu'il reçoit".
Préface au Chérubin voyageur, trad. Renouard
Dans le Tantra, de même, la Triade, Trika, proche de la Trinité chrétienne et des grandes triades platoniciennes et proclusiennes (Être, Vie, Intellect), est à la fois Manifestation, Conversion, et Individuation.
"A" est la Manifestation, Lumière primordiale, vaste ouverture, clairière en laquelle toutes choses viennent au jour. "HA" est Conversion, ressaisissement, pensée, réalisation, ressenti de cette Lumière qui s'éprouve ainsi de mille manières. "M" est Individuation, progéniture unique de l'Un et de l'Une, de Dieu et de la Puissance, de l'Être et de la Pensée.
Il est ainsi suggéré que l'individu est synthèse en cours, de même que toute chose est un moment du mouvement vers cette synthèse. Le minéral, le végétal, l'animal, l'humain, l'angélique, sont autant de visages de cette synthèse, de cette réalisation du Réel.
Or, ce mouvement, pris en son total, est AHAM, "je", prise de conscience totale de soi. Cependant, en chacun même de ces degrés, il y a cette conscience totale. Présente au début et à la fin, elle est présente aussi dans l'interlude, en Mâyâ, bien que la totalité finale soit enrichie de toutes ces étapes, de toutes ces individuations partielles.
Ainsi donc, en ce progrès, tout est en tout et rien ne se perd.