Roland BARTHES, Charles PANZERA

Par Obadia

Le lundi 8 mars 1976, Roland Barthes, 61 ans, alors directeur du séminaire de " sociologie des signes, symboles et représentations " à l'Ecole pratique des hautes études, était l'invité d'une après-midi de France Culture. Comme de coutume pour ce programme, il s'était quelques jours auparavant prêté au jeu de " l'autoportrait radiophonique ", enregistré au préalable et diffusé en ouverture de l'après-midi. Étonnant exercice pour lequel l'invité se racontait seul, dans un studio plongé dans le noir. Barthes, qui commence par rappeler qu'il serait bien incapable d'écrire quelque chose comme ses Mémoires, y évoque ses premières années d'enfance dans un univers exclusivement composé de femmes, au sein d'un milieu pauvre et bourgeois ; il se souvient de son rapport à l'ennui et à la lecture, et parle, pour définir son caractère, d' "une angoisse de délicatesse" . Il évoque aussi la joie du travail créateur, et nous fait entendre en guise de final La vie antérieure mise en musique par Duparc et chantée par le baryton Charles Penzérat, auprès de qui le jeune Roland apprit à chanter, quelques temps après sa première attaque de tuberculose. Sur son enfance, il disait :

Mon père est mort à l'autre guerre mondiale, la guerre de 14-18, il est mort quelques mois après ma naissance. J'ai donc eu une enfance, même une première enfance, sans père. J'ai vécu avec ma mère, et dans la famille de mon père, très vite il n'y a plus eu que deux femmes : ma grand-mère et ma tante. Et donc ma famille au sens traditionnel du terme a été une famille essentiellement féminine dans laquelle n'est passée, pour ainsi dire, aucune silhouette d'homme. J'ai connu un peu mon grand-père paternel et mon grand-père maternel mais aucune de ces silhouettes ne m'a vraiment marqué.

A propose des cours de chant qu'il a pris avec Panzéra :

J'avais à ce moment-là un ami très cher, Michel Delacroix, ensemble nous avons décidé d'apprendre le chant [...] il y avait deux chanteurs qui nous séduisaient par leur style dans la mélodie, dans le lied, c'était d'une part Pierre Bernac et d'autre part. Charles Panzéra. Nous nous sommes finalement adressés à Charles Panzéra [...] Charles Panzéra, avec une extrême générosité, nous a proposé de nous faire travailler lui-même. De la sorte j'ai travaillé le chant deux ans avec Panzéra. Depuis j'ai gardé une profonde admiration pour Panzéra il m'a appris beaucoup de choses, bien au-delà de la musique, il m'a appris des choses qui concernent l'essentiel de mon travail, à savoir le texte, la textualité. Je ne peux pas repenser à cette époque, immédiatement antérieure à la guerre, sans entendre, par une sorte d'anamnèse extrêmement forte et presque violente, cette voix inimitable de Panzéra.

  • Production : Michel Gonzales et André Mathieu
  • Extrait : " Les après-midi de France Culture, l'invité du lundi : Autoportrait de Roland Barthes "
  • 1ère diffusion : 08/03/1976
  • Indexation web : Documentation sonore de Radio France
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