Ailefroide, altitude 3954

Par Belzaran

Titre : Ailefroide, altitude 3954
Scénaristes : Jean-Marc Rochette & Olivier Bocquet
Dessinateur : Jean-Mars Rochette
Parution : Mars 2018


Jean-Marc Rochette a fait un retour remarqué dans le monde de la bande-dessinée suite au film « Snowpiercer » qui remettait au goût du jour « Le Transperceneige », un de ses premiers projets. Outre la reprise de la série éponyme et de spin-off, l’auteur a aussi développé des projets plus personnels. Avec « Ailefroide », c’est une autobiographie pure et dure qui nous est proposée. Coécrite avec Olivier Bocquet (qui officice sur l’album « Terminus » du « Transperceneige »), elle s’intéresse à la passion du jeune Rochette pour l’escalade. Le tout est un véritable pavé de 290 pages et est publié chez Casterman.

Quand la montagne fascine…

À l’adolescence, Rochette est fasciné par Soutine. Mais c’est l’alpinisme qui va le capturer. Un de ses amis, membre du club alpin français, va lui apprendre les rudiments et ils vont commencer à monter ensemble. Très vite, cela devient une passion. Une drogue même. Le genre qui fait prendre des risques insensés à des gamins d’à peine 15 ans. Au fur et à mesure, les années passent, et le jeune Rochette gagne en assurance, change de binôme, monte en solo…

Si je vous une passion pour la montagne, mon vertige m’a toujours interdit l’idée de faire de l’escalade. Ce que fait Rochette et les autres dans cet ouvrage me fascine tant les prises de risques me paraissent folles. Si la première partie est un peu trop didactique, elle permet aussi de fixer les règles de sécurité qui nous permettront de mieux comprendre les incidents qui arriveront par la suite. Car Rochette ne ment pas sur la réalité : escalader la montagne, ça peut vite mal se terminer. Et après des débuts inconscients, on découvre un gamin qui « sent » la montagne et qui n’est pas le plus fou de tous.

Au-delà de la montagne en elle-même, Rochette raconte aussi sa trajectoire de vie : pupille de nation, vivant une relation très conflictuelle avec sa mère, le lycée à l’internat, l’amour du dessin… Tout est lié et se rejoint sur la fin, donnant une force supplémentaire à l’ouvrage qui évite ainsi l’écueil du la seule série d’anecdotes. Les auteurs ont sélectionné les montées qui ont de l’intérêt de par la construction du personnage ou de ce qui s’y passe. Il en résulte parfois une impression d’accumulation. Cependant, le plaisir de lecture reste intact, mais comme toute autobiographie, il y a un petit côté décousu. On conseillera d’ailleurs une lecture en plusieurs fois afin de bien apprécier l’ouvrage.

Pour cet ouvrage, Jean-Marc Rochette nous propose son trait gras et épais. Expressif, il a toute la puissance nécessaire pour le récit. Les visages savent renvoyer la colère, intériorisée ou rejetée à la face de l’autre. La mise en page et la narration sont d’ailleurs parfaitement maîtrisées. Les silences y sont plus forts que les cris. Difficile de ne pas signaler évidemment le travail réalisé pour la représentation de la montagne, magnifique. On retrouve les travaux de peinture de Rochette dans ces planches.

« Ailefroide » est un bel ouvrage. Puissant, assez addictif dans sa lecture, il construit le portrait d’un auteur en devenir qui avait envisagé une autre voie. Sans concession, mêlant la dureté de la vie avec des moments de franche camaraderie, c’est une lecture à faire pour tous ceux que la montagne fascine.