Politiquement correct : l'hypocrisie va-t-elle exploser ?

Publié le 29 juillet 2008 par Micheljanva

Siné est dessinateur à l'hebdomadaire satirique de mauvais goût Charlie Hebdo. Philippe Val en est directeur et éditorialiste. Depuis 3 semaines, l'affrontement de ces deux anarchistes fait rage. L'affaire Siné donne lieu à un déluge d'articles et de tribunes. Bernard-Henri Lévy dans Le Monde, Alexandre Adler dans Le Figaro, les directeurs de Libération et du Nouvel Observateur, Laurent Joffrin et Denis Olivennes; Philippe Cohen sur l'écran du site Marianne2, Edwy Plenel sur Mediapart, l'ont tous commentée, sans oublier Rue89. La presse étrangère (de la FAZ allemande au Quotidien d'Oran) et les dessinateurs - Plantu dans L'Express ou Killoffer dans La Vie - ne sont pas en reste.

L'effet déclencheur est une chronique de Siné parue le 2 juillet dans Charlie. Spécialiste du dessin de mauvais goût qu'il pratique depuis plus de 50 ans en brocardant toutes les religions (surtout une...) et les pouvoirs jusqu'à faire dans le porno-scato, Maurice Siné, alias "Bob", était surtout connu pour son anticléricalisme. A 79 ans, ce libertaire, qui fut porteur de valises pour le FLN, admirateur de la révolution cubaine et publia le journal L'Enragé en 1968 avec Jean-Jacques Pauvert, a commis une erreur : il est sorti du politiquement correct. Extrait de sa chronique :

"Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le parquet (encore lui !) a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n'est pas tout : (Jean Sarkozy) vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie ce petit !"

Enfin, à propos d'un article de Christophe Barbier dans L'Express qui, selon lui, enjoint "brutalement les musulmans d'abandonner leurs traditions", Siné s'interroge : aurait-il écrit la même chose s'agissant de juifs ? Et il clôt ainsi sa chronique :

"Moi, honnêtement, entre une musulmane en tchador et une juive rasée, mon choix est fait !"

Sur le coup, personne n'est choqué. Et pour cause, tout est permis chez Charlie. Mais Philippe Val reconnaît :

"Cela fait longtemps que je ne lis plus la chronique de Siné. On a commis une faute de relecture. Ce texte méritait au moins une mise au point afin de lever l'ambiguïté. Le lien judaïsme-argent, ce n'est pas rien".

Par comparaison, le même journal ne se prive pas de faire le lien sida-Eglise, clerc-pédophilie... Mais cela, ce n'est vraiment rien. Le 8 juillet, Claude Askolovitch, journaliste au Nouvel Observateur, lance l'hallali :

"C'est un article antisémite."

Désireux de ne pas voir Charlie traîné devant les tribunaux, Val convainc Siné de s'excuser. Le dessinateur obtempère puis se ravise. Après un entretien orageux, Val explique à Siné qu'il n'a plus sa place au journal. La Licra et SOS Racisme défendent la position de Val. Dans l'autre camp, une pétition de soutien à Siné dénonçant un "procès en sorcellerie" réunit 3 000 signatures, dont celles des philosophes Daniel Bensaïd et Edgar Morin, d'Olivier Besancenot, de Rony Brauman, du DAL, de l'avocate Gisèle Halimi, de l'écrivain Gilles Perrault...

Devant cette division du milieu politiquement correct, on se dit que ce 'ciné' a du bon.

Michel Janva