L'égo est vu...

Publié le 11 août 2021 par Eric Acouphene

 

Vous pourrez comprendre aussi ce que signifie réellement « être un avec ». 

L’ego même calme, même paisible, même serein, même non égoïste ne peut jamais être parfaitement un avec. Il apporte toujours sa coloration, il se sent toujours quelqu’un en face de quelque chose d’autre. Quand vous vous sentez « quelqu’un », vous ne pouvez pas être un avec. Mais il y a en vous, ou vous êtes, une conscience qui n’est ni quelque chose ni quelqu’un (ce serait encore un objet), qui est vraiment comparable à un miroir, qui est seulement conscience, seulement lumière rigoureusement incolore. Ce n’est pas « moi » qui prends conscience de l’interrupteur ou de la poignée de porte ou du trou de serrure que j’ai là sous les yeux. Il serait peut-être juste, pour essayer d’exprimer l’inexprimable, de dire non pas : « Je vois la poignée de porte », mais simplement : « La poignée de porte est vue. » Et vous noterez, en effet, les différences de formulation entre l’école hindoue et l’école bouddhiste. Certains diront


: « Nous pouvons employer l’expression “je vois la poignée de porte”, à condition que ce je ne soit pas le moi ou l’ego, mais le pur témoin sans aucune définition ou limitation d’aucune sorte. » Et d’autres rétorquent : « Non, ce pur témoin est tellement incompréhensible à l’expérience ordinaire que si vous dites : “Il s’agit du pur je et non pas du petit moi”, le petit moi va immédiatement annexer ce pur je et ne comprendra pas. » C’est la formulation bouddhiste et certaines formulations hindoues. 

Il n’est pas juste de dire je, au sens le plus ultime du mot : je vois la porte. Il faut dire : la porte est vue, c’est tout. Mais tous reconnaissent qu’il y a bien une certaine conscience qui est là. La porte est vue et n’en disons pas plus sous peine de nourrir l’ego dans ses illusions et ses incompréhensions. La formulation hindoue paraît plus positive, la formulation bouddhiste paraît plus négative, mais elles pointent vers la même direction. Les bouddhistes disent : « La rivière disparaît dans l’océan. » Et les hindous disent : « La rivière se jette dans l’océan. » « La rivière disparaît dans l’océan », l’ego prend peur : je vais disparaître. Tandis que : « la rivière se jette dans l’océan », l’ego trouve ça magnifique. « Je vais atteindre la grande Réalité suprême. » Il semble qu’une formulation soit plus négative et effrayante pour l’ego, mais la réalisation est exactement la même. Dans les deux cas la rivière a disparu et l’eau est élargie à l’infini, à l’immensité de l’océan.

Arnaud Desjardins, Le vedanta et l’inconscient, À la recherche du soi, tome III

************