Rétrospective de la peinture italienne à la Fondation de l’Hermitage

Publié le 30 juillet 2008 par Francisrichard @francisrichard

L’Accademia Carrara de Bergame a prêté 70 des 1800 œuvres qui composent son immense patrimoine à la Fondation de l’Hermitage ( ici ) à Lausanne. Ce sont de véritables morceaux de choix sur lesquels les visiteurs sont amenés à poser les yeux et à s’émerveiller. Mais peut-être que le voyage à Bergame pourrait me persuader du contraire et me convaincre que c’est le patrimoine entier de cette académie qui est exceptionnel.

Le comte Giacomo Carrara, collectionneur et mécène, a fondé à Bergame l’institution qui porte son nom en 1796. Le comte Guglielmo Lochis, autre collectionneur émérite, et Giovanni Morelli, grand historien d’art, ont complété judicieusement la collection de ce musée pour en faire, dit-on, une pinacothèque extraordinaire, d’où ont été extraits les purs joyaux exposés en ce moment à Lausanne.

Ces joyaux sont représentatifs de l’art pictural italien du XVème au XVIIIème siècle. Il est donc loisible aux visiteurs de parcourir le temps et de se rendre compte que, si les techniques, les talents, les sujets de ces joyaux sont différents, il émane de l’art pictural italien une unicité d’esprit dont il est compréhensible que tant d’artistes non italiens aient voulu s’inspirer. Je pense en particulier à Balthus qui est exposé en ce moment à Martigny (voir mon article Quand Balthus eut les cent ans ).

Au cours des premiers siècles de cette rétrospective les sujets sont pour la plupart religieux, ce qui n’est pas pour me déplaire. Il y a bien sûr des « Vierge à l’enfant » de toute beauté. J’ai une particulière affection pour celle de Giovanni Bellini, peinte sur bois, où l’enfant Jésus a l’air de vouloir échapper des bras de sa mère qui reste impassible. Celle du Titien (photo ci-dessus) également peinte sur bois donne une impression de tendresse que les teintes douces employées confirment, avec un paysage apaisant situé en arrière-plan.

Le Saint Sébastien de Raphaël laisse songeur. Il tient négligemment une flèche, symbole de son martyre. Il n’a pas l’air de souffrir plus que cela, mais son regard perdu nous indique que malgré ses riches habits il n’appartient déjà plus à ce monde-ci. Si Vittore Carpaccio a choisi de représenter la naissance de la Vierge, Sandro Botticelli nous raconte sur le même tableau plusieurs épisodes de la vie de Virginie et Lorenzo Lotto nous peint une Sainte Catherine inclinée pieusement devant l’enfant Sauveur, qui lui glisse une bague au doigt.

Mais il ne faut pas croire que l’Italie ait complètement abandonné les sujets religieux au fil des siècles. Au deuxième étage de l’hôtel particulier, où la Fondation de l’Hermitage abrite ses expositions temporaires, un « Saint Jérôme en méditation », peint par Pietro Paolini, éclairé d’étrange façon, apporte un démenti cinglant et admirable, en provenance du XVIIème siècle, et ce n’est pas seulement le saint auteur de la Vulgate qui en reste méditatif.

Le portrait de Lionello d’Este par Pisanello illustre les affiches de l’exposition. C’est, avec le « Vir dolorum » de Lorenzo Monaco, l’œuvre la plus ancienne de l’exposition. Elle est du XVème siècle et est emblématique de ceux qui pouvaient à l’époque se faire faire le portrait. Son allure altière et ses vêtements somptueux montrent bien que nous avons affaire là à un personnage important, qui semble le savoir et qui en exprime toute la sérénité acquise.

En dehors des portraits, sont exposés quelques natures mortes, dont les instruments de musique d’Evariste Baschenis, couverts d’un peu de poussière oubliée, comme s’ils étaient abandonnés réellement sous nos yeux, et quelques paysages dont deux d’anthologie. 
« Le Grand Canal vu du Palais Balbi » de Canaletto (photo ci-contre) – qui immanquablement m’a fait penser, par le même processus que la madeleine de Proust, à l’exposition Canaletto de la National Gallery de Londres, il y a dix ans – et « Vue de la place Saint-Marc en direction de la basilique » de Francesco Guardi se tiennent en effet côte à côte pour que Venise ne soit pas seulement présente à Lausanne par son école de peinture.

Si vous n’avez pas de temps à perdre, que vous vous trouvez du côté de Lausanne et que vous voulez vous remplir les yeux d’images vraies, bonnes et belles, ne tardez pas et rendez vous à la Fondation de l’Hermitage. La peinture italienne de la Renaissance au XVIIIème siècle vous y attend jusqu’au 26 octobre 2008. Vous ne serez pas déçus, ou sinon en bien, comme on dit ici.

Francis Richard