Leila Olivesi Trio emballe le Café Laurent

Publié le 29 août 2021 par Assurbanipal

Le Café Laurent

Paris, Ile de France, France

Samedi 28 août 2021, 21h

Leila Olivesi: piano, compositions, direction

Yoni Zelnik: contrebasse

Donald Kontomanou: batterie

Mon premier concert au Café Laurent, 33 rue Dauphine, 75006 Paris, France. Il s'agit du salon d'un hôtel 5 * , lui même installé dans un hôtel particulier du XVIIe siècle, rive gauche, entre la Seine et la place de l'Odéon. C'est dire si le lieu est élégant et confortable mais tolérant. J'ai pu entrer en tenue de cycliste sans difficulté ce qui n'aurait pas été possible dans une église italienne ou au Cercle national des Armées à Paris.

Pour commencer , " Sugar Ray " (Phineas Newborn). Un hommage au boxeur Sugar Ray Robinson (1921-1989), je présume. Poids moyen, Sugar Ray Robinson est unanimement considéré comme le plus Grand boxeur de l'histoire. Même Mohamed Ali plaçait Sugar Ray au dessus de lui. " Le rythme est la chose la plus importante en boxe. Chaque mouvement que l'on fait commence avec le coeur " (Sugar Ray Robinson). Ce qui vaut pour la boxe, vaut pour le Jazz. Ca balance comme les pas de Sugar Ray sur le ring. Léger et puissant en même temps. Assez d'énergie pour nous réveiller mais sous contrôle pour ne pas sortir du cadre. Sur un petit geste de tête de Leila, solo de Yoni à la contrebasse et Donald passe aux balais. Petit break de batterie aux baguettes. Chacun son tour.

Un hommage à la pianiste Geri Allen avec une de ses compositions, " Drummer Song ". Oh, le piano chante sous les doigts de Leila! Un son de ritournelle rythmée. Batteur aux baguettes. La pianiste joue en boucle et le batteur apporte les variations. Puis la pianiste se lance, ponctuée par la contrebasse et la batterie. Puis l'air en boucle revient main gauche dans les graves alors que la main droite parsème des aigus. C'est de la mécanique de précision avec de l'émotion. Bref, c'est de la musique.

" Danse pour Nefertiti " (Leila Olivesi). Cf extrait audio au dessus de cet article. Ca marche. Je hoche doucement la tête au rythme de la musique. Batteur aux baguettes. Solo de contrebasse. Ponctuation souple aux balais. La pianiste joue mezzo voce. Ca tient chaud à l'âme. Fauteuils confortables. Cadre agréable. Le trio repart avec le batteur aux baguettes.

" Dat Dere " (Bobby Timmons). Une composition du pianiste d' Art Blakey & The Jazz Messengers. Oscar Brown Jr y ajouta des paroles de comptine intelligente. Rickie Lee Jones la chante de façon charmante. Batteur aux balais. Un bijou funky. Solo bien grave et souple de la contrebasse. Ponctuations funky du piano et du batteur aux balais.

" Missing C.C ", un hommage de Leila Olivesi à Claude Carrière(1939-2021), grande voix du Jazz sur Radio France. Solo de piano pour commencer. Une ballade. Un Blues lent même. Donald Kontomanou aux baguettes. Solo de contrebasse qui résonne bien dans mon ventre. Batteur tout doux aux balais. Le Blues se poursuit au piano. Le trio repart sur un air plus joyeux avec Donald aux baguettes. C'est dans l'esprit de Claude Carrière qui aurait, je le parie, aimé que l'on rit en sa mémoire. Courte citation de " Take the A train " de Billy Strayhorn, l'indicatif du grand orchestre de Duke Ellington, dont Leila Olivesi est une digne disciple.

" Nica's Dream ", composition du pianiste Horace Silver en hommage à la baronne Pannonica de Koenigswarter (1913-1988), née Rotschild de Londres, grande mécène du Jazz. Un petit feeling latino comme c'est souvent le cas chez Horace Silver (1928-2014), de père Cap-Verdien, et très influencé par les musiques caribéennes et sud-américaines. Batteur aux baguettes. Ca pulse bien. Ici, l'entrée est libre. Deux coquetèles sans alcool vous coûtent le prix d'une entrée dans un club de Jazz de la rue des Lombards, 75001 Paris, France mais avec un cadre et un confort pour le spectateur tout autre. Belle cavalcade du trio.

Une version en trio d'un morceau composé par Leila Olivesi pour un nonet. Tiré de la Suite Andamane, album applaudi sur ce blog. Solo rebondissant de Yoni Zelnik pour commencer. Le shaker du barman fournit une curieuse ponctuation rythmique. " Le batteur est un barman de sons " ( Jean Cocteau). Le batteur vient s'ajouter aux balais et le piano vient chanter la chanson. Charmante ballade.

" Caravan " ( Duke Ellington). Joliment masqué mais le thème est vite reconnaissable. Batteur aux balais. Ca aussi, c'est un hommage à Claude Carrière qui diffusa sur Radio France l'intégralité de l'oeuvre enregistrée de Duke Ellington en 400 émissions. Le public n'est pas ici par hasard. Ce ne sont pas seulement les clients de l'hôtel d'Aubusson venus jeter un oeil et une oreille. Ils sont là pour écouter et, quand ils parlent, ils le font sotto voce. Solo de batterie tout en souplesse. Donald, avec ses balais, égrène le sable sur ses tambours. Le trio repart en caravane guidée par la pianiste.

PAUSE

Pas de microphone. Pas de haut parleur. Pas de sonorisation. Pas de Larsen. Chaque instrument a son son naturel. Ca sonne mat avec le sol et les murs en pierre du XVIIe siècle. " Night and Day " un standard de Cole Porter. Donald Kontomanou est aux baguettes. La musique chante d'elle-même, sans paroles. Solo de contrebasse. Batteur aux balais. Quelques spectateurs sont partis à la pause mais ceux qui restent sont toujours aussi attentifs.

" Aung San Suu Kyi " ( Wayne Shorter). Un hommage à la femme politique birmane qui a sa part d'ombre et de lumière et qui est, pour l'instant, dans l'ombre. Wayne Shorter a eu 88 ans le 25 août 2021. Cela se célèbre. Un air léger, bondissant, aux couleurs orientales. Batteur aux maillets.

" Firm Roots " (Cedar Walton). Un morceau aux racines solides en effet. Batteur aux baguettes. Ca pulse bien. Solo de contrebasse toujours bien ponctué par la pianiste et le batteur aux balais.

" Révolutions " tiré de l'album ' " de Leila Olivesi, célébré sur ce blog. Cf vidéo sous cet article. Solo de piano pour commencer. Le trio démarre avec le batteur aux baguettes. Solo de contrebasse. Donald tapote ses tambours à mains nues. Une chaleur répond à l'autre. La pianiste ponctue. En ce lieu, se tenait du temps de Boris Vian mais à la cave alors que le Café Laurent se trouve au rez-de-chaussée de l'hôtel d'Aubusson.

" In a sentimental mood " (Duke Ellington). Solo de piano en intro bien entendu. Le trio enchaîne avec le batteur aux balais, tout aussi logiquement. Ca masse bien le cerveau. Passage aux baguettes puis retour aux balais. Le shaker du barman accompagne bien le final.

" African Song " (Leila Olivesi). Pianiste, contrebassiste, batteur aux baguettes se succèdent. Solo de contrebasse ponctué aux baguettes pour une fois. Jolie marche énergique en piano solo.

" Winter Flower " écrit par Leila Olivesi pour fêter la naissance de sa fille un 24 décembre. Une ballade. Batteur aux maillets. Ballade pleine de l'amour et de la tendresse d'une mère pour sa fille. Les tambours de la batterie vibrent à l'unisson avec le piano. Fin en piano solo.

Let's go back to Duke Ellington annonce Leila Olivesi. En fait, " Take the A train " est une composition de Billy Strayhorn, devenue l'indicatif du grand orchestre de Duke Ellington. Même les Rolling Stones l'utilisèrent pour ouvrir leurs concerts. Sûrement à la demande de leur batteur Charlie Watts, un fou de Jazz, récemment décédé.

Pour finir, " Moanin " d' Art Blakey & The Jazz Messengers. Une autre composition du pianiste Bobby Timmons. Leila Olivesi implique le public et sépare la salle en 2 pour chanter " Oh Lord " en réponse à la phrase du piano selon le vieux principe des musiques traditionnelles du " Call and Answer " ( " Chjam'è rispondi " dans le chant corse, antiphonie dans la musique dite classique, Coro Pregon dans la musique cubaine, système utilisé aussi dans la musique africaine, la Cumbia colombienne...). Après tout, il s'agit d'une sorte de Gospel. Quoiqu'impie et masqué, je chante aussi. Donald Kontomanou distribue les pains à la batterie en fidèle disciple d'Art Blakey.

Je suis déçu en bien, comme disent les Suisses, tant par le lieu que par le public. La musique est au niveau que j'attendais de tels musiciens.