Antoine Dole – Six pieds sur terre

Par Yvantilleuil

Ayant déjà souvent eu envie de lire les romans pour ados d’Antoine Dole, je n’ai pas longtemps hésité en voyant ce titre parmi ceux de la rentrée littéraire 2021.

« Six pieds sur terre » invite à suivre les pas de Camille et Jérémy, dont les destinées s’unissent après avoir vécu une jeunesse difficile. Malgré tout l’amour qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, les deux trentenaires ne parviennent cependant pas à être heureux ensemble. Le jour où Camille lui annonce qu’elle désire un enfant, les démons qui dévoraient Jérémy refont brutalement surface… Comment donner la vie alors que l’on peine soi-même à trouver sa place parmi les vivants ? Comment transmettre le goût de vivre quand on a soi-même envie de disparaître ?

En plongeant dans l’intimité de deux écorchés vifs, l’un ne trouvant pas sa place dans son couple et dans la vie, l’autre colmatant les brèches avec un surplus d’amour, Antoine Dole nous emmène sur le chemin de la dépression. En disséquant les émotions de ces deux personnages meurtris depuis la plus tendre enfance, il lève le voile sur cette gangrène invisible qui ronge lentement l’espoir, l’envie d’avancer… l’envie de vivre. Mieux vaut prévenir le lecteur qu’en se mettant à table, il risque l’indigestion car le menu proposé par l’auteur sera particulièrement lourd à digérer : Traumatismes de l’enfance, mal-être, maladie mentale, dépression et idées suicidaires, le tout servi dans un environnement sombre et baignant dans une grande tristesse.  

Si je referme ce roman totalement abattu, percuté par l’écriture poignante et riche en métaphores d’Antoine Dole, il me manque cependant un ingrédient pour pouvoir parler de véritable coup de cœur. J’ai en effet eu trop souvent l’impression d’assister au naufrage de ce couple en tant que spectateur. Pourtant, régulièrement, au détour de quelques phrases en italique prononcées par les personnages on se rapproche un peu d’eux, mais sans avoir le temps de s’attacher de trop, car l’auteur effectue très vite un zoom arrière, revient à une narration à la troisième personne et nous éloigne à nouveau de la scène. Alors même si le cadrage est excellent et que le narrateur qui se substitue aux protagonistes utilise des mots extrêmement justes pour décrire cette lente descente aux enfers, je regrette tout de même cette distance qui empêche le véritable coup de cœur…

Un roman très sombre que l’on referme au bord de la dépression… malgré ce mince filet de lumière offert par l’auteur en fin de roman, donnant tout son sens à ce titre finalement très beau de l’ouvrage.

Six pieds sur Terre, Antoine Dole, Robert Laffont, 252 p., 18€

Ils en parlent également : Florence, Amendine, Parfums de livres, Mademoiselle lit

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