Le rapport Mazeaud

Publié le 31 juillet 2008 par Juan

La commission "sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique de l’immigration", présidée par Pierre Mazeau a rendu un rapport très peu commenté sur la politique migratoire de Nicolas Sarkozy. On se souvient que le Figaro en avait publié opportunément quelques fuites pour désamorcer une éventuelle polémique quelques jours plus tard.
De ce rapport, le ministère de l'Identité Nationale ne retient que "le monopole" de la CIMADE. Pas un mot sur le reste. Incroyable ? Il est vrai que l'association est très critique de la politique de rétention.
"Notant les remarques exprimées par Pierre Mazeaud au sujet de la CIMADE et de la position de monopole que cette association détient au sein des centres de rétention administrative, le ministre a indiqué que le moment était venu d’introduire davantage de diversité dans l’accomplissement de la mission d’assistance juridique des étrangers placés en centre de rétention. Le Conseil d’Etat sera saisi, dans les prochains jours, d’un projet de décret en ce sens."
Voici les recommandations du rapport, que vous pouvez télécharger à cette adresse. Elle se prononce contre les quotas ethniques mis en place par le gouvernement, contre le durcissement du regroupement familial, et contre des juridictions spécifiques au droit des étrangers, l'un des projets de Rachida Dati et Brice Hortefeux.
La Commission formule en conséquence les propositions suivantes :
- Doter la France d’un appareil statistique fiable en matière migratoire afin de mieux
connaître les caractéristiques de la population de notre pays et d’adapter en conséquence les politiques publiques, notamment celle de l’intégration.
- Permettre au Parlement de se prononcer sur l’ensemble de la politique migratoire en
débattant d’un rapport annuel sur les migrations plus complet que celui que lui remet chaque année le Gouvernement et en examinant périodiquement un projet de loi de programme qui organise ces migrations sur la base d’objectifs chiffrés indicatifs.
- Mieux définir et contrôler l’entrée et le séjour dans le respect des droits des étrangers. Il s’agit d’ajuster la délivrance des visas, de vérifier les conditions d’ouverture du droit à la vie familiale et de lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière.
- Poursuivre avec les pays d’origine, dans le respect du principe d’égalité et dans des
conditions de plus grande clarté, la conclusion d’accords de gestion concertée des flux migratoires au service d’un développement solidaire.
- Promouvoir, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, une
politique commune en matière de migrations. Cela implique le renforcement de l’acquis communautaire et l’adoption d’initiatives nouvelles comme la création d’un Office européen des migrations.
(...)
Sont ainsi proposées les mesures suivantes :
- Renforcer la formation et les effectifs du personnel des services des étrangers dans les préfectures. Il doit en effet prendre à meilleur escient les décisions relatives au séjour et à l’éloignement des étrangers, mieux motiver ces décisions et mieux les défendre devant les juridictions ;
- Supprimer l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), sans rétablir la
notification de l’arrêté de reconduite à la frontière (ARF) par voie postale. Seuls feraient l’objet de mesures d’éloignement les étrangers appréhendés, sur le territoire français, en situation irrégulière et sous main de police ;
- Instituer un recours administratif obligatoire avant tout recours contentieux contre un refus de séjour opposé à un étranger résident. Ce recours serait examiné par une commission placée au niveau départemental et composée de façon à se prononcer avec l’autorité suffisante, après avoir entendu l’intéressé, au vu de l’ensemble de sa situation et en particulier de son insertion dans la société française ;
- Remplacer la règle selon laquelle le juge des libertés et de la détention (JLD) doit se prononcer dans les 48 heures du placement en rétention par celle selon laquelle il est saisi par le préfet dans les 24 h (ou 48 h) et dispose de 24 h (ou 48 h) pour se prononcer sur la première prolongation. Il s’agit de laisser au JLD plus de temps pour prendre connaissance du dossier et de lui éviter de se prononcer avant le juge administratif ;
- Vaincre la réticence des magistrats à tenir des audiences délocalisées ou des « vidéo- audiences », comme le permet la loi et dans les conditions admises par le Conseil constitutionnel. Les escortes seront ainsi évitées et la dignité des étrangers retenus sauvegardée ;
- Introduire dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) des dispositions permettant de distinguer les formalités substantielles des formalités non substantielles et de notifier ses droits à l’étranger retenu lors de son arrivée dans le centre de sa rétention. Il convient d’éviter des vices de procédure conduisant à la libération automatique d’étrangers dont la situation, sur le fond, justifie l’éloignement;
- Inciter les parquets à exercer effectivement leur faculté de faire appel contre les
décisions infondées des JLD en demandant au premier président de la cour d’appel qu’il donne à cet appel un effet suspensif ;
- Rendre la Cour nationale du droit d’asile compétente, à terme, pour se prononcer sur les recours suspensifs formés par les demandeurs d’asile à la frontière afin d’éviter de faire jouer au tribunal administratif de Paris un rôle de juge de l’asile qui n’est pas le sien ;
- Elargir les cas d’examen simplifié et de dispense de conclusions devant la juridiction
administrative afin d’alléger sa tâche.