Inflorescence, de Raluca Antonescu

Publié le 20 septembre 2021 par Francisrichard @francisrichard

Elle pensa à une inflorescence, un petit élément indissociable d'un tout, et nécessaire à l'enchevêtrement de l'ensemble.

Cette définition que livre au passage une des quatre protagonistes du roman de Raluca Antonescu en donne le sens figuré. Au sens propre, ce terme de botanique est défini ainsi par le Larousse: Disposition des fleurs sur la tige d'une plante.

Le livre est une illustration de ces deux sens. Ainsi dans le récit s'enchevêtrent les temps, les voix et les lieux des protagonistes: de 1922 à 1924, celle d'Eloïse, dans le Jura; en 1967, celle d'Amalia, en Seine-et-Marne; en 2008, celle de Catherine, en Patagonie; de 2007 à 2009, celle de Vivian, à Genève.

Ce n'est que peu à peu que l'auteure révèle au lecteur qu'elles font partie d'une même tige et que leurs vies sont indissociables, même si elles vivent séparément.

Le point commun à toutes les quatre est que chacune à sa façon cultive un jardin: Éloïse, en apprenant de Mademoiselle Suzie; Catherine, en initiant Julian; Amalia, en suivant les règles du lotissement où elle réside; Vivian, en renouant avec son beau-père François et son fichu jardin.

Il y a une cinquième présence, obsédante, dans ce roman, qui est de rouille et d'os (je ne vois pas d'autre expression, empruntée au titre du film de Jacques Audiard, pour le caractériser simplement). C'est un gouffre au sens propre dans lequel on jette tout ce qu'on ne veut plus voir...

Ce gouffre se trouve dans le Jura, tout près de là où Éloïse a toujours mené, et mène encore, son existence. Il apparaît dans le récit en 1911, 1923, 1924, 1976 et 2009. Il symbolise ce que l'on veut cacher, ce qui est indicible et difficilement avouable.

Les quatre femmes, elles aussi, ont quelque chose à cacher et, notamment, Éloïse, son boitement; Amalia, son origine paysanne; Catherine, son unique enfant; Vivian, sa main meurtrie on ne sait quand ni comment.

Bien qu'en apparence le récit semble morcelé, il a un fil conducteur. Ce n'est pas un hasard si c'est Vivian, la plus jeune pousse, qui s'exprime à la première personne tandis que les trois autres sont racontées à la troisième.

Vivian, émerveillée par le jardin de son beau-père François, dit à son propos: Il n'y a aucun mouvement brusque, c'est une continuelle métamorphose. Le lecteur, s'il s'en souvient finalement, peut penser que cette petite phrase résume assez bien son ressenti à la lecture de ce roman efflorescent.

Francis Richard

Inflorescence, Raluca Antonescu, 268 pages, Éditions la Baconnière

Livres précédents:

L'inondation (2014)

Sol (2019)