Carte postale 4 /...?

Publié le 24 novembre 2021 par Alexcessif

Résumé

Pendant ce temps j'étais dans les pommes, ignorant le brain–storming dont j'étais l'objet...

Le percussionniste du Vancouver Island Symphony, Gaël Chabot-Leclerc.

Thomas Benjamin Dunid – car c’était lui, l’homme en quête du Moi –  avait passé le test du chat !

Ce petit homme toujours en travaux était sur le point de renoncer devant l’ampleur du chantier et nous avions pour mission de sauver le dernier des Romanov. Tom était depuis toujours calibré sur le format dix bons points= une image. 

Si la récompense n'advenait pas au terme d'un effort raisonnable, il laissait tomber et prenait une autre voie. Trop vite, il s'engageait souvent sur des raccourcis qui allongeaient la route au moment où la nuit tombait. Tu penses bien que si l'évolution de l'humanité  se fait tranquillou Bilou, ou pas, avant une quatrième extinction de masse,  l'épanouissement personnel le temps d'une existence d'un milliardième individu perdu dans le gros des troupes pèse peu. 

Il y avait dans ce mental suffisamment d’immaturité et de prétention pour ne pouvoir accepter une aide, exceptée celle de la Tsarine en personne.

Cette foi inébranlable d’une probité effort/résultat auto proclamée n’était qu’opportunisme, mais, comme disait Brassens, il ne faut jamais humilier un adversaire. Pour accréditer la version de la chance dans son logiciel, l’intervention du deus ex machina/webmaster s’imposait encore.

La suite des travaux demandait un courage physique authentique, pas de l’inconscience d’aventurier de pacotille. On l’a compris, ce mec prenait ses vices pour des vertus et sa désinvolture de ne pas vouloir savoir ce qui coulait dans ses veines ne devait rien à la fierté et tout à la crainte des piqûres.

Ses résistances étaient chronophages, il se faisait tard, la fondation ne payait pas les heures sup et y avait du taf. Ne pouvant compter sur sa collaboration nous l’avons déconnecté. La vue d’une aiguille dans son bras avait suffit

Puis, son enveloppe charnelle  conservée nous l’avons téléporté chez l’urologue, l’implantologue et procédé à quelques investigations sanguines. Nous trouvâmes un peu de sang dans le café.

La fondation n’avait pas souscrit à sa requête d’une taille au dessus et d’un âge moins canonique. Il restait à télécharger le logiciel complet de Christophe André sur l’acceptation, la rumination, la déception  et une petite rénovation chez le kiné compléterait le tout.

L’effacement des souvenirs faisait encore l’objet de quelques négociations.

Souvenir poisseux ou pas, nous votâmes à mains levées de trois voix des romantiques pour l’archivage contre deux voix des pragmatiques pour l’oubli.

Une femme entra dans la pièce.

Le silence fut aussi absolu que le zéro éponyme. Notre C.O.M, fraîchement nommée fut amicalement surnommée GéGé ou double G quand elle passait dans le couloir. Le cryptage et la discrétion étaient nécessaires si chaque membre de son équipe, essentiellement masculine, voulait garder son job et sa place dans le staff en sauvegardant la personnalité de chacun y allant de sa petite vanne ironique .

Son autorité était intacte. Elle eut pu être altérée par ce que nous savions de sa relation avec le sujet grâce à l’accès à l’historique de navigation  dans le cerveau de Thomas Benjamin-Button Dunid mais cette femme, cassante parfois, s’était imposée par sa compétence.  C’était un animal à sang froid et nous nous étions amusés de connaitre celui qui avait trouvé dans ses circuits de la chaleur humaine puis la décevoir et sans doute abimé son cœur dans la foulée. On s'égratigne toujours un peu.

Quand ils se rencontrèrent sur un chemin de traverse, double G était au carrefour de sa carrière,  Tom au bout de la sienne.

Gégé prenait la décision de sa vie dans un village oublié et lui faisait un tour de France pour virer de sa play list des liaisons dont on confie au temps, entre gens bien élevés, le pourrissement avant qu’elles ne deviennent fatales. Ce fameux  ...

"... il suffisait d’attendre sans bouger qu’il ne se passe… rien… et que ça ne se passe… pas…"

Tom attendait-il de cette tournée d’adieu qu’une persévérante  le retienne ?

Qu’importe!

Celle qui ne rencontrait que des aventuriers dont la témérité consistait à entreprendre un plat de spaghettis Bolognaise avec une chemise blanche trouvait pittoresque celui qu’elle dépassait tous les jours et qui se retrouvait devant elle le lendemain.

Elle s’intrigua, s’amusa, s’émut d’apprendre par radio randonneur qu’il couchait à la belle étoile. En ville, en hiver un clodo inspire l’indifférence. A la campagne en été, ça fait la différence.

Toutes les quinze minutes un boléro de Ravel commence quelque part dans le monde, dit-on!

Le Boléro, une histoire crescendo. Chaque étape ajoutait un instrument à la musique de leur rencontre. Du vent, des percussions, des cordes, un chef d'orchestre inconnu les menait à la baguette, tout cela était une mécanique irréversible menant lentement de la curiosité au désir. D'en savoir plus, pour commencer.

Ce mec était le triangle de l’orchestre. Cet instrument pittoresque dont le seul objet est d’intervenir à un moment où  personne ne l’attend pour une note unique.  L’œuvre pourrait se passer de lui sans incidence mais sa note s'entend nettement au-dessus de tout l'orchestre symphonique  au bon endroit, au bon moment. Toute ressemblance …

L’irruption de Gégé dans la pièce valait un arbitrage et nous jetâmes l’urne de la concertation en procédant à l’effacement illico presto !

En n’omettant surtout pas d’updater le programme «loyauté» indispensable avant la page blanche.

–Les garçons, nous sommes d’accord : souvenirs au panier (trop tard Gégé !),  dit–elle en posant une fesse et son Starbuck sur l’angle du bureau, et vous placez les filtres.

Elle était laconique comme d’hab. Pour entrer dans son équipe, il fallait souvent monter au filet et savoir renvoyer pour y rester.

C’était une joueuse de fond de court ! Une joueuse qui avait remarqué un ramasseur de balles.

Nous avions étudié la psyché du cobaye tombé du nid qu’elle nous avait chargé de reconditionner et nous savions ce que «placer des filtres» signifiait.

A l’entrée, celui du discernement semblait indispensable pour lui éviter de s’enthousiasmer à la moindre rencontre et, à la sortie, celui de la pertinence était utile afin qu’il tourne  sept fois sa langue dans sa bouche avant de l’ouvrir.

Des filtres costauds car une rencontre avec double G avait de quoi cramer tous les fusibles.

– Il écrit un roman … entre les deux filtres !

– Je sais !

Son expression en disait long …

Elle avala une gorgée de café en quittant la pièce.  

Nous allions lui implanter l’oubli de cette idée saugrenue quand elle "suggéra" :

– S’il reste un peu de place sur le disque dur téléchargez–lui l’essentiel d’Epictète, Marc Aurèle … Sénèque.

Un Bescherelle aussi, ajouta–t–elle !

Et réveillez–le dès que possible, il commence à faire du gras.

Celle qui avait de grands pouvoirs  venait de signer la levée d’écrou mondiale en quelques mots.

Le système pouvait reprendre son cours normal.

Capable de mettre en pause sept milliards d’individus pour en sauver un seul. A moins que ce ne fussent les déplacements en trottinette électrique qui  lui manquaient… 

A cet instant Pierre entra ...