Felix bazinet: cameraman

Publié le 25 novembre 2021 par Ziril

Dans les films de pêche, on regarde les pêcheurs et les poissons (et encore pour le dernier, on est sûr de rien). Mais on en oublie les hommes et les femmes grâce à qui la magie est possible (boîte de production, chef opérateur, réalisateur...). Aujourd'hui, j'ai décidé de vous faire découvrir une personne en particulier au travers cette interview.

Félix, peux-tu te présenter, s'il te plait ?

Salut Greg, je suis Félix Bazinet, j'ai 30 ans, j'habite les Bauges en Savoie, et je travaille (sur des films animaliers et de nature, mais aussi sur des films de pêche et de chasse pour Seasons,) principalement comme chef opérateur ou caméraman. J'ai cependant eu le plaisir de réaliser le film "la perle des Bauges" pour Seasons en 2019.

En devenant vidéaste, c'est un peu un rêve de gosse qui s'est réalisé ou pas du tout ? Quand est-ce que tu as commencé à te passionner pour la prise d'images ? As-tu fait des études spécifiques ?

Bizarrement, pas du tout. Mon père travaillait dans l'image, il était régisseur général sur des films cinéma. Donc, probablement aussi par esprit de contradiction, plus jeune je ne voulais pas entendre parler d'images et de films.

Ça m'est venu assez tard, en fait. J'ai commencé à me passionner pour la photographie animalière vers 20 ans, lorsque je faisais un BTS gestion forestière. La vidéo est arrivée encore quelques années après. Quand c'est devenu un projet professionnel, j'ai décidé de me former.

Je suis vraiment rentré dans l'image par les animaux. Et ensuite, j'ai redirigé mes études vers ce secteur en postulant à un master d'écriture et de réalisation de documentaire animalier, l'IFFCAM dans le Poitou-Charentes. En France, c'est le seul master cinéma orienté nature et environnement. C'était deux années réellement passionnantes, durant lesquelles j'ai réalisé un film sur la chouette chevêche, puis un autre, sur le martin pêcheur.

Quel type de film fais-tu principalement ?

Ce qui me plaît avec ce métier, c'est justement que je ne suis pas sûr qu'il y ait quelque chose que je fasse principalement. Je peux participer dans une année aussi bien à un film pur animalier, à un documentaire scientifique et à des films de pêche et de chasse. Il m'arrive aussi des réaliser des films institutionnels, ou de vendre des images animalières additionnels pour d'autres films. Pour moi, c'est justement la variété des projets et des sujets qui rend le métier passionnant.

Ce n'est pas trop compliqué à gérer les films ou documentaires animaliers ?

Ça peut ! On travaille avec des animaux, donc il y a un côté aléatoire et imprévisible. Après tout, l'intérêt de la tâche est de réduire ces imprévus au maximum, par la connaissance des milieux et des espèces ciblés, en s'entourant de spécialistes ou de naturalistes locaux, et parfois par le contrôle de l'environnement de travail. Construire des terrariums ou des aquariums peut être une solution, par exemple. Mais, ce n'est possible qu'avec des petits animaux : des insectes au petits mammifères en passant par les reptiles ou des petits poissons.

Donc de manière générale, on passe beaucoup de temps sur le terrain, pour parfois peu d'images, c'est vrai.

Peux-tu nous raconter ton meilleur tournage ? Et inversement ?

J'ai beaucoup de très bons souvenirs de tournages. Pour n'en citer qu'un, c'était sur le tournage du film "le lynx et la fraise" dans le sud de l'Espagne. On faisait beaucoup d'affûts avec l'équipe, en se relayant sur des points de passages connu du lynx pardelle (un félin endémique dont il ne reste que très peu d'individus à l'état sauvage). Après un mois de tournage, on était très peu à l'avoir vu et on avait toujours peu d'images. Un soir, il est même passé à deux mètres derrière mon affût, sans que je ne le voie ou l'entende ! Mais, le dernier soir, avant de remballer, il a fini par sortir à une trentaine de mètres devant moi. J'avais beau être derrière des filets de camouflage, il m'a repéré tout de suite. Sans me quitter des yeux, il s'est assis sur le chemin et est resté quelques secondes à me regarder avant de se relever et de partir tranquillement. C'était vraiment un moment très fort. Ma première rencontre avec un grand prédateur.

Un mauvais souvenir de tournage, c'est plus difficile à trouver. C'est un peu le lot quotidien de prendre la pluie, d'attendre des heures dans le froid pour finalement ne rien voir, d'avoir un problème de matériel. Mais c'est comme à la pêche, dès qu'on rompt le cycle des bredouilles par une belle prise, tous ces moments sont oubliés. Plus que ça, ils valent le coup et font partis du processus.

Quels sont tes futurs projets ?

J'espère d'autres réalisations de films de pêche pour Seasons. C'est pour moi un bon moyen d'allier travail et passion. De rencontrer des gens et d'apprendre des choses. Sinon, je ne suis pas très difficile, il suffit de m'envoyer filmer n'importe quel animal, et je suis content.

En plus d'être bon avec une caméra, tu es aussi doué avec une canne à mouche. C'est pas un peu frustrant de voir les autres pêcher et prendre du poisson alors que tu es derrière la caméra ?

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, pas tellement. On vit la pêche très différemment. On se concentre sur le pécheur et c'est l'image qu'on a en tête et qui devient la cible. C'est aussi satisfaisant de faire son cadrage, ses réglages, de se concentrer pour rester stable sur un personnage, de le voir ferrer au moment où on s'attendait à ce qu'il le fasse, que de prendre le poisson soi-même. Être pécheur est pour moi un énorme atout dans l'anticipation et la compréhension des actions de pêche. Et puis, en aimant sont sujet, on le rend beau à l'image.

Tu trouves quand même le temps pour aller au bord de l'eau ?

Ça dépend des années et des périodes, mais globalement je ne suis pas à plaindre. Je suis au bord de l'eau dès que je ne suis pas au travail. Je dois pêcher entre 50 et 80 fois par ans. J'ai aussi la chance d'habiter en Savoie et d'être entouré de belles rivières à truites, donc même avec seulement une heure devant soi, on peut déjà se faire plaisir.

Comment as-tu découvert la pêche ?

La pêche m'est venue presque bébé. J'étais fasciné par l'aquarium du salon et de ses occupants. Du coup dès que j'étais au bord de l'eau, je voulais absolument voir ce qu'il s'y cachait. Du coup, j'ai commencé comme beaucoup d'entre nous avec une canne à coup et des vers de terre pour attraper... tout ce qui voulait bien mordre ! Ensuite, j'ai voulu pêcher les espèces que je n'arrivais pas à prendre. La tanche, le brochet, la truite. J'ai eu ma première canne à mouche entre les mains à 11 ans, et cette technique a tout de suite pris une place particulière dans mon cœur...

Qu'est-ce que tu aimes et/ou ressens quand tu pêches ?

Je pêche beaucoup seul. J'aime le degré de concentration que ça permet d'atteindre. On ne pense plus qu'à ce qu'on est en train de faire, toute l'attention est portée sur le geste et la tentative de compréhension du milieu et des poissons. J'aime le sentiment de plénitude qu'on ressent à la pêche. Je me sens à ma place, débarrassé des tracas de la vie et du quotidien.

Mais, même si je pêche seul, je ne suis pas solitaire pour autant ! J'ai des amis avec lesquels on débriefe nos sorties et nos prises, pour comprendre, progresser et s'encourager. Ces moments d'échanges font pour moi intégralement partie de l'activité.

Te souviens-tu de ton premier poisson ?

Mon premier poisson je ne pense pas, c'était probablement une perchette du lac d'Annecy vers 4 ans. Par contre, ma première truite à la mouche très clairement. C'était en nymphe avec un indicateur dans un ruisseau. L'eau était très teintée à cause d'un orage la veille, je lançais ma mouche, appliqué sur le mouvement mais sans imaginer qu'une truite pourrait mordre. Et d'un coup mon indicateur a plongé et disparu. C'était un petit poisson, mais ça m'a marqué. Après, j'ai continué à pêcher de cette façon avec une nymphe et un indicateur en pâte pendant des années avant de découvrir la pêche en sèche.

On a tous plus ou moins une liste d'espèce de poisson qu'on aimerait attraper. C'est quoi la tienne ?

Globalement, on peut dire que je suis attiré par tout ce que je ne connais pas... Mais, s'il fallait en choisir, je resterais sur des salmonidés. La Marmorata et la truite Lenok, pour leurs couleurs, les pays où on les trouve, et leur taille qui doit rendre les combats passionnants.

Tu écoutes quoi comme musique ? Et côté lecture ?

Côté musique, j'écoute beaucoup de musique classique et baroque, du folk, du funk et du rock. Un peu de tout quoi.

Coté lecture, de la SF (Damasio) et des auteurs de pêche américains comme John Gierach. Sinon je suis un gros consommateur de romans graphiques et de bande dessiné. D'ailleurs, à quand un beau roman graphique sur la pêche à la mouche ?

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