et de partout nous repartons
nous montons théâtre et décors
mais le destin est le plus fort
et les balaie et nous balaie
tous, à tous vents et sans délai,
l’imprésario et les acteurs
les musiciens et le souffleur.
Chairs, toiles, bois, fard colorés,
rimes, passions, voiles, colliers,
masques, couchants, cris de chagrin,
exclamations, petits matins
et nous aussi, jetés en tas
(où allons-nous, dis-moi ? Et toi ?)
sur notre peau les nerfs à nu
comme d’un zèbre les rayures
nus, desséchés dans l’air brûlant
(mis au monde et enterrés quand ?)
comme les cordes d’une lyre
qui résonnent, tendues. Le pire :
notre cœur, éponge traînée
partout, dans la rue, au marché,
qui boit la bile et boit le sang,
celui d’Hérode et du brigand.
Moyen-Orient, août 1943
***
Georges Séféris (1900-1971) – Anthologie de la poésie grecque contemporaine, 1945-2000 (Poésie/Gallimard, 2000) – Traduit du grec par Michel Volkovitch.