JOUR J pour les JO: Respecter 1, 3 milliards de Chinois!

Publié le 07 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Jeudi, 07 Août 2008 21:06

Sarkozy en voyage de pénitence  à Pékin : Ayant trop chanté, le coq  s'est transformé en tigre de papier... 

L'éditorial de Relatio-Europe par Daniel RIOT

« On en boycotte pas un quart de l'humanité ». Cette « raffarinade » de plus ne justifie pas que l'Hyper-Président français décerne une « médaille d'or »  à la Chine pour la qualité de l'organisation des Jeux alors qu'elle ne remplit pas ses engagements en matière d'accès à l'information , de droits de l'homme et de normes de pollution...Les Chinois doivent être les premiers à en sourire : ils méprisent les flatteurs. Qui sont en fait des gaffeurs : Raffarin sous-entend ainsi que Sarkozy fait le voyage de Pékin, par obligation, comme une corvée, à contrecœur. C'est très désobligeant pour les Chinois. Et c'est un aveu d'impuissance pour nous ...

Comme ils  sont experts en détection de l'hypocrisie, les Chinois ont du rire aussi en apprenant que c'est au nom de la laïcité que Sarkozy, chanoine d'honneur de Saint-Jean de Latran,  ne rencontrera  le dalaï lama que par procuration donnée à Carla Bruni... La gêne est telle que l'UMP éprouve le besoin d'annoncer qu'une rencontre entre Sarkozy et le chef du Tibet sous la botte aurait lieu avant la fin de l'année...Encore un effet d'annonce qui fait mauvais effet.

Les diplomates chinois ont du pouffer de rire davantage encore quand ils ont su  que le chef suprême de la « patrie des droits de l'homme »  avait  fait interdire une manifestation pacifique devant leur ambassade parisienne...L'antique  « trêve olympique » évoquée par Raffarin, décidément très en verve ce matin sur RTL, prend des allures surprenantes.

LA LISTE DE COHN-BENDIT

Espérons seulement que les mêmes dirigeants chinois prendront au sérieux la liste de « dissidents » que Sarkozy, très solennellement, va leur soumettre. Conformément à la promesse faite à Strasbourg à Daniel Cohn-Bendit.

 Au moins, il montrerait que l'hypocrisie aussi peut sauver quelques vies et il pourrait revenir de son voyage-éclair à Pékin avec le bénéfice de quelques retours en « bonne image » si l'un ou l'autre des prisonniers désignés pouvaient sortir de leur disgrâce...

Mais les Chinois ne font que ce qu'ils veulent bien faire...Si cela peut servir leurs propres intérêts. Faire oublier le scandale des scandales chinois, par exemple : la situation des prisonniers des laogaï. De  ces camps dans lesquels  l'inhumanité est mise au service de la prospérité clandestine chinoise : travail forcé, expériences médicales, trafics d'organes... C'est nettement plus grave que la censure de quelques sites internet, que les mouchards dans les taxis chinois, que les surveillances exercées par quelque 40 000 cyberpoliciers, que des visas refusés à des champions olympiques trop engagés pour le Darfour.

Le comble, et le plus attristant dans la situation française, c'est que Sarkozy est lui-même victime de l'effet boomerang de ses propres  déclarations arrogantes et de ses promesses inconsidérées de ces derniers mois.

MERKEL PLUS RESPECTÉE

Madame Merkel est plus respectée par les Chinois que le Président Sarkozy non en raison du poids commercial et des « machines  outils » de l'Allemagne, comme tente de l'expliquer « Le Monde » dans son éditorial, mais parce qu'elle plaide la cause des droits de l'homme sans effets de manche, avec calme mais détermination, comme... Raffarin dit qu'il importe de le faire : « droit dans les yeux, en face à face ». Sans  rouler les mécaniques et bomber le torse en pensant aux médias plus qu'à l'efficacité des démarches. Sans menace impossible à exécuter, sans chantage ridicule et  sans fanfaronnade du type : « Ce n'est pas à la Chine de fixer mon agenda et mes rendez-vous. »  

Cela dit, n'accablons pas Sarkozy en cette affaire. Son « voyage à Canossa », comme écrit le Monde dans l'éditorial déjà cité, doit être pour lui une leçon de conduite utile pour l'avenir.

TIGRE DE PAPIER

Il est obligé « d'assumer des choix »...qu'il n'a pas fait. Parce qu'il a manqué de tact politique et de réalisme diplomatique. Parce qu'il n'a pas eu une véritable stratégie de comportement et d'action. Parce qu'il croit trop que son pouvoir lui donne « une baguette magique », comme dit Cohn-Bendit sur Rue  89. Parce que le « coq »  se croyant capable d'influencer le Dragon s'est fait « tigre de papier ».

En allant ce vendredi à la cérémonie d'ouverture des JO, Sarkozy effectue un voyage de pénitence. Il tente de se rattraper. Et de sauver ce qui peut l'être. Ce n'est jamais très glorieux. D'autant plus qu'il doit savoir que  les défis chinois posés à la communauté internationale sont d'abord des défis pour les Chinois eux-mêmes : les Tibétains, les Ouïghours, le mouvement Falung Gong, les révoltés de la misère et des injustices, les intellectuels brimés, les ouvriers exploités, les paysans écrasés posent des problèmes graves à un régime plus fragile qu'on peut le croire.

Dans la forme et sur le fond, Sarkozy qui a tort d'intervenir en permanence sur tout en fonction de l'humeur et de la météo médiatique du jour, en éditorialiste superficiel plus qu'en Président de la république, a trop oublié, dans cette « affaire chinoise » que l'homme d'Etat doit toujours aller au-delà de « l'écume des choses ». En se plaçant dans la perspective de l'Histoire en mouvement non dans celle des mouvements d'humeur, des pressions contradictoires et des variations « sondagières ».

LES INTÉGRISTES DE L'IDÉAL

Qui ne rêve d'une mondialisation des Droits de l'Homme et d'une démocratie pluraliste réelle et non seulement formelle, fondée sur le droit comme outil de la Justice ? Qui ne rêve d'une planète qui ne connaisse ni guerres entre Etats ni violences à l'intérieur des Etats, ni totalitarisme, ni autoritarisme, ni « exploitation de l'homme par l'homme », ni liberté muselée, ni « principe d'humanité » bafoué, ni « égale dignité » non  respectée, ni inégalités favorisées ? Le rêve du paradis sur terre...Qui ne rêve d'un esprit olympique authentique où l'essentiel serait de participer, en se dépassant soi-même,  et non de gagner en triomphant des autres ?

Restons sérieux....L'idéalisme n'est en rien le culte  intégriste d'un Idéal  posé en Absolu ... absolument inaccessible. La quête du Graal n'a de sens que si elle vise à la conquête de soi-même, non quand  elle consiste à conquérir ou à convertir les autres.

Ce n'est pas en donnant des leçons aux autres que l'on œuvre en faveur d'une extension d'un « l'esprit démocratique » fondé sur « l'égale dignité » des personnes, avec un « gouvernement des hommes » exercé  dans un souci d'humanité et non  « une administration des choses » qui écrase le  sens de l'humain. C'est en montrant l'exemple, en étant exigeants par rapport à soi-même.

Relatio-Europe se veut (et est) le journal de l'Europe des valeurs qui ont du sens,  de l'Europe du Conseil de l'Europe, donc des Droits de l'Homme et de la Démocratie. Nous militons avec nos moyens pour une mondialisation de valeurs que nous croyons universelles et combattons tout ce qui est en contradiction avec ces idéaux et ces principes que ce soit à Pékin ou à Guantanamo.

Mais nous luttons aussi, dans le respect des faits,  contre cet esprit de croisade, cette soif de conversion, cet impérialisme de l'esprit qui a fait à la fois, en bien des époques,  la grandeur et la honte de « l'Occident »... Et qui fait que l'Europe du XXI ième siècle se doit de devenir « exemplaire » sans s'imposer en modèle.

SI  HORTEFEUX ETAIT CHINOIS...

Les campagnes contre les JO à Pékin  auraient plus d'impact si elles émanaient d'organisations représentatives de pays irréprochables en matière de Droits de l'Homme. Ou du moins plus exigeants envers eux-mêmes en cette matière où, par définition, rien n'est jamais parfait mais tout est  toujours perfectible

Que ferait  Horfeux en Chine ? Ici, il ne supporte pas les associations de défense des sans papiers. Comment agirait-il face à des vrais « dissidents » ?  Que pourraient penser des Chinois en visitant nos « centre de rétention » et nos prisons surpeuplées ? Inutile de multiplier les exemples et les questions.

Les autorités chinoises réagissent aux réquisitoires « occidentaux » comme nos propres autorités réagissent aux rapports (sérieux) faits sur nos manquements aux droits de l'homme, au non-respect de nos engagements (en terme de longueur des procédures judiciaires par exemple ou de séparation des pouvoirs) : ils rejettent ou prennent note dans la plupart des cas. Et n'en tiennent compte que rarement, tardivement et très partiellement.

Qui plus est, ce ne sont pas les Chinois qui ont dénaturé l'esprit olympique. Voir nos télévisions diffuser à dessein des reportages (édifiants) sur des enfants chinois condamnés aux travaux forcés du corps car prédestinés à devenir des Dieux du stade provoque des réactions de révolte, bien sûr.

Mais de qui se moque-t-on ? Les héritiers de Mao n'ont pas l'exclusivité de ce type « d'élevage ». Ces « centres de formation » de ce genre existe ailleurs, en plus médicalisés, souvent. « On abat même les chevaux » n'est pas une expression chinoise...Sport et fric, sport et politique, sport et propagande ne sont pas des inventions chinoises.

La suppression des laogaï, des peines de morts massives, des atteintes aux droits humains les plus élémentaires aurait dû être posée en préalable à la candidature de Pékin. Après tout, ce qui est demandé aux autorités chinoises figure en toute lettre dans le préambule de la Charte des Nations Unies. Mais le « maîtres » du CIO ont d'autres priorités... Nous l'avons déjà écrit ici : ce sont eux qu'il importe de contester en priorité.Sur eux nos gouvernements devraient pouvoir agir, non?

RESPECTER LE PEUPLE CHINOIS

Mais derrière les dirigeants (et parfois malgré eux), il y a les peuples. Ce sont eux qui comptent.

Aujourd'hui, ce n'est pas par obligation, par intérêt, par opportunisme, par hypocrisie, par calcul ou par cynisme qu'il faut regarder (ou pas) ces JO. C'est par respect pour le peuple chinois. Il a trop souffert et souffre encore trop pour que ce spectacle qui doit d'abord être une fête soit digne de leurs attentes et de leurs espérances.

Le respect, c'est la première des vertus trop oubliées de l'idéal olympique. En cela la dalaï- lama est bien inspiré dans son message à la Chine : "C'est un moment d'immense fierté pour le 1,3 milliard de Chinois. Ces jeux devraient contribuer à promouvoir l'esprit olympique d'amitié, d'ouverture et de paix".

Daniel RIOT

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