Chroniques d’un anthropologue au Japon (58)

Publié le 27 mars 2022 par Antropologia

Sexiste de gauche

A est une étudiante de longue date, écrivain féministe, et auteur de La voiture victime de l’homme dans le dialogue que j’avais publié le 25 mai 2020. Vous noterez la progression du niveau de français impressionnante en l’espace d’un an et demi. Je joue souvent la carte de la provocation avec elle pour débattre en français. Malgré mon avantage de la maîtrise de la langue, A ne se dégonfle pas, et m’envoie ses répliques avec assurance.

– Au fait, j’ai vu un film très intéressant sur l’homosexualité ! (petit sourire, je sais que A est sensible au sujet)

A : Ah ! qu’est ce que c’est ?

– C’est pas très connu, c’est hollandais. Ça s’appelle Le quatrième homme.

A : Mais… je pense que vous n’aimez pas les homosexuels (sourire)

– Non pas du tout ! Ce que je n’aime pas, c’est les associations… qui s’occupent de la sexualité.

A : Ah bon ? Pourquoi ?

– Parce qu’ils mettent la sexualité dans des cases… Justement le film que j’ai vu parle d’homosexualité, mais… c’est juste là, comme ça, naturellement.

A : D’accord, mais on est obligé… de faire des catégories pour protéger les gens. Sinon on est seul pour se battre.

– Je ne sais pas. Les pratiques homosexuelles ont toujours existé. Pas besoin d’en faire tout un plat.

A : Vous dites ça, parce que vous n’êtes pas victime.

– C’est vrai… mais en faisant des catégories sexuelles, on fait d’autres discriminations… On décide des bonnes pratiques sexuelles… et des mauvaises. Les associations aujourd’hui attaquent tout.

A : Ah bon, et quoi ? (le ton est plus affirmé, A connaît déjà mon argument)

– Et bien… la sexualité qui concerne… les jeunes personnes par exemple, les garçons et les filles.

A : Tous les sexistes disent ça ! On doit les protéger (les enfants). Mais on doit aider aussi les adultes… avec ce problème. (la pédophilie)

– Les aider ? Psychologiquement ? C’est pas ce qu’on disait aussi sur les homosexuels ?

A : On doit aider les gens qui ne peuvent pas s’aimer librement. Et les victimes sont les homosexuels qui ne peuvent pas s’aimer.

– D’accord, mais les enfants qui veulent s’aimer ? Et puis c’est difficile aussi de décider de la limite d’âge entre un enfant et un adulte. Ça dépend des lois, et des époques, non ?

A : Oui, mais on a pas le choix. Il faut bien décider d’un âge. Et puis non les enfants ne peuvent pas choisir clairement.

– Parce que vous croyez que les adultes peuvent ? (sourire)

A : Vous détournez le sujet ! Comme tous les sexistes (rire)

– Peut-être. Mais voilà, je crois qu’on devrait juste être tolérant sur toutes les formes de sexualité. Ce n’est pas vraiment un problème de société. Ou plutôt si, la société devient de plus en plus sévère sur ça. Et ça, c’est un problème.

A : Oui vous êtes exactement un sexiste de gauche. (dans la bonne humeur)

L’expression est bien trouvée. Ce n’est pas faux. Si les questions sociales me préoccupent, les faits divers sexuels ont plutôt tendance à m’amuser. C’est sûrement l’effet néfaste qu’a eu le cinéma des années 70 sur moi.

Rémi Brun