Galerie Maëlle : Embrace the light

Publié le 08 avril 2022 par Aicasc @aica_sc

EMBRACE THE LIGHT

Galerie Maëlle

29 rue de la commune de Paris, 93230, Romainville
+33 (0)6 14 80 42 00

du 10 avril au 28 mai 2022

Ce 10 avril 2022, la Galerie Maëlle inaugure son nouvel espace à Komunuma, Romainville. 

Komunuma est un nouveau site d’art contemporain ouvert depuis octobre 2019  qui regroupe plusieurs galeries : Air de Paris, Sator, Jeune création et les réserves du Frac Ile de France. Porté par la Fondation Fiminco, le projet se déploie sur 46 000 m2 dans les anciens laboratoires pharmaceutiques Roussel-Uclaf, patrimoine architectural des années 40.

L’exposition inaugurale, Embrace the light est une exposition chorale de neuf artistes, MINIA BIABIANY, MIRTHO LINGUET, TABITA RÉZAIRE, ERNEST BRELEUR, SÉPHORA JOANNES & EMMANUEL RIVIÈRE, LINDA LOPEZ, JÉRÉMIE PAUL,  FLORYAN VARENNES.

Les œuvres de facture résolument contemporaine, installation, vidéo, photographie nous plongent dans le monde mystérieux des rituels de guérison et nous invitent à une réflexion sur le renouvellement des pratiques sculpturales.

Tabita Rézaire, Peaceful Warrior, 2015, video HD, 5 minutes 39 secondes, Courtesy Tabta Rézaire
et Goodman gallery Afrique du sud

Le déconcertant Peacefull Warrior de Tabita Rezaire concrétise, dans un saisissant contraste,  la rencontre inattendue d’une améthyste, connue pour ses vertus apaisante, couramment utilisée en litho thérapie pour activer les chakras supérieurs et d’une vidéo diffusée sur  une tablette numérique.  Le titre Peacefull Warrior est – il inspiré par le roman autobiographique d’une quête initiatique signé  Dan Millman, suivi d’un film de Victor Silva en 2006 ?

Dans un paysage énigmatique entre cosmologie égyptienne antique et univers futuriste interstellaire, l’artiste vêtue d’or  psalmodie,  ondule, dégage des flux d’énergie lumineuse  pour entraîner sur le chemin de la guérison spirituelle. Elle dit de Peaceful Warrior : Il s’agit d’un tutoriel décolonial de prédication de soins personnels exhortant les personnes de couleur à se connecter avec leurs connaissances ancestrales et leur sagesse philosophique traditionnelle.  Peaceful Warrior fournit des outils de survie pour guérir notre mémoire génétique traumatisante. Ce kit d’amour-propre radical vise à construire une communauté spirituelle pour une lutte plus efficace.

Tabita Rezaire est une artiste des nouveaux médias, guyanaise/danoise née en France, installée à  Johannesburg,  prédicatrice intersectionnelle, praticienne de la santé, chercheuse en tech-politique et enseignante de Kemetic/Kundalini Yoga.  

Minia Biabiany, Musa, video HD, son, 14 min, 2020

La vidéo Musa de Minia Biabiany, élément d’une vaste installation, Musa Nuit, présentée en 2020 dans  le cycle d’expositions Matters of Concern | Matières à panser,  et entrée depuis dans la collection de l’ IAC de Villeurbanne, traite aussi des capacités de guérison des matières naturelles que l’artiste interroge depuis 2019. Musa est le nom savant du bananier, dont la fleur est présente dans le travail de l’artiste guadeloupéenne depuis la vidéo Flè a poyo, restauring the body en 2015. On  voit des mains occupées à nouer, tresser, déplier, déposer, toucher, caresser les différentes parties d’un bananier, mais aussi couper, trancher. Musa  propose  une réflexion autour de la sexualité féminine marquée par l’histoire coloniale jusqu’à aujourd’hui. La fleur de bananier, qui évoque par sa couleur rouge le sang menstruel, a des vertus médicinales pour l’utérus selon les croyances traditionnelles

Toujours lié aux pratiques ancestrales des rituels de guérison, le cycle photographique de Myrtho Longuet  évoque un rituel antillais, encore pratiqué aujourd’hui. Pratique de purification, le bain démarré  se prend de préférence à l’embouchure d’une rivière où se mélangent eau douce et eau salée et sert à se débarrasser, à l’aide de plantes et autres substances magiques,  des influences négatives accumulées dans l’année pour repartir du bon pied.

L’installation Mille fleurs de Floryan Varennes confirme l’intervention des plantes dans les rituels. C’est sur un tapis crissant et odorant de fleurs de lavande que le visiteur est invité à marcher.  Les vertus de cette fleur sédative, antiseptique, antispasmodique, cicatrisante, aphrodisiaque sont reconnues. Ici le matériau naturel, les fleurs de lavande,   crée la forme de cette installation à la croisée de l’art minimal et du land art.

Installation in progress, images Ernest Breleur

D’une certaine manière, on peut aussi placer du côté de la guérison l’installation d’Ernest Breleur, Le vivant passage par le féminin. Après des années de création d’œuvres réalisées avec un matériau inusité, des radiographies médicales récupérées et recyclées, sur le thème de la reconstitution et de la résurrection du corps, de la lutte de l’ombre et de la lumière, de la mort et de la vie, c’est au triomphe de cette dernière que l’on assiste avec cette série joyeuse, légère où les colifichets féminins accrochés ressemblent à des offrandes . Légèreté, fragilité, oscillation, transparence, miroitement. En flottaison, un assemblage d’éléments autonomes dont chacun garde son identité, des matériaux inattendus voire incongrus mais conformes à la pratique contemporaine de recherche de nouveaux matériaux. Le film radiographique est remplacé aujourd’hui par du rhodoïd translucide ou bleuté auquel viennent s’adjoindre des colifichets et fanfreluches féminins populaires et bon marché dans l’inattendu de leur rencontre qui amènent couleurs et fantaisie. Ernest Breleur renouvelle ainsi la pratique sculpturale autour de la question du vide et du plein.

Linda Lopez, 2018, Sherbert ombre dust furry with gold rocks, porcelaine, 15 x 20 x 9,5 cm

Tout comme Linda Lopez qui détourne la pratique traditionnelle de la céramique pour créer d’étonnantes sculptures . Comment la porcelaine cuite peut – elle paraître aussi souple, aussi douce, aussi vivante ? Ces formes étranges, ces accumulations de lobes pendants, de gouttes allongées  attirent immédiatement notre empathie.

Les sculptures hybrides et métissées, réalisées à partir de cheveux naturels à quatre mains d’Emmanuel Rivière et Séphora Johanes s’inscrivent aussi dans cette tentative de renouvellement de la pratique sculpturale.

Innovation artistique, quête de matériaux inattendus, renouvellement de la pratique sculpturale, rituels d’auto-guérison, par ailleurs  de plus en plus présents dans la production de jeunes plasticiens, sont les idées – forces de cette exposition cohérente et convaincante où le dialogue bien réfléchi entre les propositions artistiques accroît la puissance de chacune.

Dominique Brebion