Guerre du Caucase : Sarkozy envoie Kouchner sur le front

Publié le 09 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Samedi, 09 Août 2008 23:55

La  France tente une médiation de l'Union européenne

Par JACQUES DEHAIRE

La diplomatie française n'a pas vu venir l'explosion. Mais elle n'est pas la seule... Au moins a-t-elle le mérite d'assumer le devoir que lui impose son rôle à la présidence du Conseil de l'Union. Elle s'active pour tenter d'arrêter le massacre, de briser la spirale de la violence, d'enrayer l'escalade.

Des contacts tous azimuts, au plus haut niveau. Une mission sur le terrain de Bernard Kouchner à partir de ce dimanche. La convocation d'un Conseil des ministres des affaires étrangères de l'Union dès le début de la semaine, avec l'éventualité d'un Conseil européen d'urgence. La mise au point (en liaison avec plusieurs chancelleries, dont Berlin) d'un plan en trois points pour « sortir de la crise » à défaut de la résoudre.Bien fait. Dans les temps.


C'est plutôt rassurant. Même si la course de vitesse ainsi engagée entre pompiers et incendiaires n'est pas gagnée d'avance. Même si sur les deux fronts ouverts les combats gagnent en intensité et si la bataille des propagandes s'aggrave, Moscou accusant même l'Ukraine d'armer la Géorgie et Tbilissi accusant les Russes de tenter une « invasion du pays ». Même si la première difficulté pour la France consistera à obtenir que les 27 parlent d'une seule voix : ce qui n'a rien d'évident, en dépit de la trop belle assurance de Bernard Kouchner qui dément tout désaccord au sein de l'Union.

La réunion des chefs de la diplomatie européenne -le Conseil affaires générales (CAG)- devra "évaluer la situation et développer les perspectives de règlement du conflit", a indiqué la présidence française. Le plan français prévoit une cessation immédiate des hostilités, le "plein respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Géorgie", et le "rétablissement de la situation qui prévalait antérieurement sur le terrain, ce qui implique le retrait des forces russes et géorgiennes sur leurs positions antérieures, avec des formules d'accompagnement international"

"Une initiative diplomatique sera prise rapidement en ce sens aux Nations Unies en concertation avec nos partenaires européens, en particulier le Royaume-Uni et l'Allemagne", ajoute la présidence dans un communiqué.

Une mission conjointe de l'Union européenne et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) était attendue dans la journée en Géorgie pour tenter de favoriser une trêve. Kouchner sera sur place, en personne, en compagnie du président en exercice de l'OCSE, le Finlandais Alexander Stubb.

Le Conseil de sécurité de l'Onu, de son côté, devait tenir une nouvelle réunion dans la nuit dans l'espoir de mettre au point la formulation d'un appel au cessez-le-feu. Ce qu'il n'était pas parvenu à réussir vendredi. Peut-être les entretiens directs et téléphoniques qu'ont eu la plupart des dirigeants russes, européens et américains porteront-ils leurs fruits. Mais rien n'est sûr. La multiplication des appels au calme, à commencer par ceux lancés dès jeudi au conseil de l'Europe de Strasbourg,  n'ont pas été entendus.

A l'Elysée, on précise que le président Sarkozy s'est "longuement entretenu" dès vendredi avec le Premier ministre russe Vladimir Poutine en marge des cérémonies d'ouverture des Jeux Olympiques à Pékin, puis par téléphone samedi avec le président géorgien Mikhail Saakachvili, le Premier ministre britannique Gordon Brown, le président ukrainien Viktor Iouchtchenko, le président du gouvernement espagnol José Luis Zapatero, et le président du Conseil italien Silvio Berlusconi. Des entretiesn étaient programmés pour hier soir et cette nuit avec le président russe Dimitri Medvedev, la chancelière allemande Angela Merkel, le président américain George Bush et les plus hautes autorités polonaises,

"A tous ses interlocuteurs, le président de la République a fait part de sa profonde préoccupation face aux affrontements entre les forces armées géorgiennes et russes et a condamné l'escalade de la violence." C'est ce qu'a fait également su France 2 Bernard Kouchner en prenant soin de ne montrer du doigt aucun des camps en conflit :. "Nous avons condamné la guerre, nous avons condamné des deux côtés l'intervention", a-t-il lancé en déplorant "une guerre terrible, redoutable, pour un enjeu microscopique" : "Il y aurait des milliers de victimes, il faut que ça s'arrête (...), il faut revenir aux positions antérieures", a ajouté le chef de la diplomatie française.

 "Tous les pays européens sont d'accord pour condamner cette guerre." a précisé  Kouchner en réfutant l'idée de divergences au sein de l'Union. C'est pourtant là que le premier obstacle à une médiation efficace se trouve. L'initiative des pays baltes et de la Pologne de dénoncer la « politique impérialiste » reflète de réelles divergences. "Ca ne va pas être la position de l'Europe. Ca ne sert à rien d'injurier les gens", a assuré M. Kouchner. Mais cela affaiblit les prises de positions « européenne ». Une fois de plus. Et c'est plus que regrettable, comme le soulignait hier Daniel RIOT dans son éditorial.

Voilà quinze ans que les « Ruropéens » auraient du prendre plus au sérieux la « bombe à retardement » que constitue le Caucase. Mais les Européens ont été (et restent) écartelés entre les visons américaines et les visées russes, entre le souci de favoriser une démocratisation dans cette zone ultra-sensible et de tenir compte de forces extérieures qui leur échappent. Entendre Kouchner parler d' « enjeux microcospiques » ferait sourire si des vies humaines n'étaient pas en jeu...

Dédramatiser pour faire tomber les tensions et apaiser les passions, soit, mais minimiser la portée de l'événement n'est pas le meilleur moyen de le maîtriser. Un dérapage de « com' » mal préparée sans doute... Si les enjeux  étaient « microscopiques », la Transcaucasie ne sera pas le théâtre du conflit Est-Ouest le plus grave depuis l'implosion de l'URSS... Kouchner oublierait-il les débats sur le « bouclier » si cher à Bush et si honni des Russes? Le fait que les Ossètes comme les Abkhazes  ont des passeports russes ? Et qu'en géoplitique il ne faut surtout jamais confondre les déclics et les causes profondes ?...

Les enjeux balkaniques avaient-ils aussi vus de Sirius des enjeux  « microscopique » ? Les microbes et les virus aussi sont « microscopiques », Docteur Kouchner...

Jacques Déhaire

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