CAUCASE: Une épreuve de vérité...pour l'Union européenne

Publié le 11 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Lundi, 11 Août 2008 09:56

Par Daniel RIOT

« Libération » cogne : Le « coup de force ». Moscou 2008 en Géorgie c'est Moscou d'avant la chute du Mur. « La force brutale »...Le « retour aux pratiques de l'Union soviétique envers ses satellites »...La pauvre petite Géorgie « envahie » par le grand méchant Ours ! Citation de l'historien américain George Kennan à l'appui de la démonstration : «Moscou ne voit à ses frontières que des vassaux ou des ennemis». Et leçon tirée sans appel :   « L'avertissement est clair aux Ukrainiens, Baltes ou même Polonais : les ennemis n'ont qu'à bien se tenir. La Russie a montré qu'elle était prête à user de sa supériorité militaire pour imposer son hégémonie ». Peut-être. Allez savoir qu'elles sont les vrais desseins de Poutine ! Mais, Kouchner, l'admet, les Américains sont tout de même « de la part ».

Et le même « Libération » est tout de même obligé de souligner « l'aventurisme » du leader géorgien. Attendons un peu avant de juger. Il est déjà tellement difficile de jauger. L'urgence n'est pas de porter des jugements à l'emporte pièce, mais de voir si l'Union européenne peut effectivement jouer les médiateurs dans un conflit  annoncé mais pas assez sérieusement envisagé.

Des diplomates américains en conviennent, en privé : « Il a déconné » Pire « Les Russes le poussaient à la faute à ne pas faire. Il leur a offert sur un plateau pour perdre toutes ses chances d'intégrer rapidement l'Otan. Son échec sera aussi le notre»... « Il », c'est Mikhaïl Saakachvili, l'homme en qui Européens démocrates et Américains avaient placé beaucoup d'espoirs. Trop peut-être. Comme l'ukrainienne, mais en plus grave, la « révolution orange »  (ou des « roses ») géorgienne a été contrariée par des adversaires intérieurs et extérieurs et par l'ampleur des défis à relever.

(photo dna: Michael Saakachvili)

Diplomatiquement, Saakachvili qui rêvait d'adhérer à l'OTAN et de rejoindre l'Union européenne, a bénéficié de soutiens importants de « l'Ouest ». Sans doute, les crédits (américains) consacrés aux armements auraient-ils été plus socialement utiles s'ils avaient été investis dans un indispensable développement. Mais entre Caspienne et mer Noire, l'implosion de l'URSS s'est traduite par un morcellement de terrains très minés. Héritage d'un passé plus lointain encore...

Je me souviens d'un voyage dans le Caucase à partir de la Géorgie à la fin de l'ère Brejnev. Ces peuples  de montagnards ne voulaient obéir qu'à leur propre loi, et le faisaient savoir armes à la main.  Les « confettis », comme on se plait à dire de ces territoires (L'Ossétie du Sud ne rassemble que 70 000 personnes  sur 3900 km2) ne date ni d'aujourd'hui, ni de l'explosion de l'URSS, ni de la Révolution bolchévique : ce sont des produits d'une longue histoire qui remonte au Moyen-Age...Ces descendants des Alains se sont repliés sur leur territoire d'origine (depuis l'Antiquité, dit-on) sous la pression des Mongols...

Il est d'autres points du globe (en Europe même) où les micro-nationalismes font couler le sang. Et où le beau principe du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » se heurte à des réalités géopolitiques incontournables et plongent les diplomaties dans des océans d'incohérence : les « Occidentaux » combattent avec la Géorgie des idées et des pulsions qui ont soutenu au Kosovo ; les Russes soutiennent en Ossétie ce qu'ils écrasent  en Tchétchénie...Vivre, c'est aussi vivre avec ses propres contradictions...Individuellement et collectivement.

Les processus de fragmentations qui se développent sur toute la planète (y compris en Belgique) au nom du « culte des racines » favorisent ces micro-nationalismes empreints de mégalomanie collective et de rejet de « l'Autre », du différent ou du trop semblable, qui nourrissent cet hubris si dangereux pour la paix. Comme le dessin arbitraire de trop de frontières, évidemment.

Cela a été pris en compte, notamment par l'OSCE (qui ne sert pas à grand-chose) et le Conseil de l'Europe (qui défend ses valeurs avec trop peu de moyens), au moment de la chute du Mur. Plus de 70 points chauds avaient été dénombrés. La plupart (on l'oublie trop !) ont été vidés de leurs charges explosives. Mais il reste quelques volcans prêts à se réveiller. Nous l'avons trop vu dans les Balkans. Nous le voyons dans le Caucase. Et il des enclaves, comme celle qui fut le « pays » de Kant cet apôtre de  l'impossible « paix universelle » (l'actuelle Kaliningrad) qui continuent à nourrir des inquiétudes. La vigilance et les peurs baltes face à la Russie se comprennent facilement...


Un fait est sûr, pour en revenir au Caucase géorgien : les Ossètes, comme les Abkhazes, ont refusé la nationalité géorgienne et quel que soit le statut d'autonomie qui leur est proposé ils ne veulent absolument pas se rallier au drapeau qui flotte sur Tbilissi. Du coup, les concepts d'intégrité du territoire et de souveraineté nationale de la Georgie sonnent très creux. D'autant plus que les Russes tiennent à leurs débouchés sur les « mers chaudes » et savent que la géographie est aussi un échiquier .Ils tirent parti de cette situation pour défendre leurs propres intérêts. Pourquoi, diable, a-t-on acepté que ce soient des soldats russes qui servent de « forces de paix » dans les territoires sécessionnistes. Stupidité du début des années 90. Tous se paye !

Ce contexte, Mikhaïl Saakachvili le connaît mieux que quiconque. Mais il sait aussi que le temps joue en faveur des enclaves rebelles. Le statu quo (gelé depuis plus de quinze ans) est synonyme de « situation de fait ». C'est précisément ce statut quo qu'il a voulu cassé, dans une offensive risquée... En sous-estimant à la fois la solidarité « occidentale » et la puissance de réaction des Russes. Et en  sur-estimant ses propres forces.

Voilà des mois que le moindre incident sur le terrain (il y en avait tous les jours ou presque, réels ou imaginés) pouvait dégénérer en vrai conflit...Dans un camp comme dans l'autre, les prétextes ne manquaient pas pour « frapper un grand coup » et tenter de faire bouger le lignes...

Saakachvili, très affaibli politiquement, s'est dit qu'il valait mieux tirer parti de la mobilisation des attentions vers Pékin pour se lancer un vrai « quitte ou double ». Pendant que Bush est encore à la Maison Blanche...

Financées, armées, entraînées par les Américains, renforcées par du matériel ukrainiens (c'est confirmé), soutenues par l'Azerbaïdjan, (puissance émergente grâce à ses richesses en hydrocarbures), approuvées par la population galvanisée par un patriotisme bien entretenu, ses forces pouvaient, selon lui, crever l'abcès, s'emparer de la capitale de l'Ossétie et rétablir la souveraineté géorgienne sur cette enclave...avant de la rétablir en Abkhazie, comme il l'a promis lors de sa dernière campagne électorale

En Abkhaze (250 000 habitants islamisés depuis des siècles sur 8 900 km2), les Géorgiens ont une revanche à prendre autant qu'un territoire à « pacifier » et à « récupérer ».

Dans ce débouché du Caucase nord sur la mer Noire, où de superbes plages ont  attiré l'an dernier quelque 1,5 million de touristes russes, non loin de la ville russe de.Sotchi où se tiendront les Jeux olympiques d'hiver de 2014, 250 000 Géorgiens ont du fuir le pays dans les années 90 après des combats meurtriers et l'auto-proclamation de la République abkhaze soutenue par Moscou.

Pour Mikhaïl Saakachvili, l'heure de vérité devait sonner en sa faveur. Ne serait-ce que parce que ses amis « occidentaux » allaient « forcément » cause commune avec lui.

N'est-il pas un David démocrate face à un Goliath « sanguinaire » ? N'est-il pas « victime » de « l'impérialisme russe » ? Ne joue-t-il pas un rôle clef dans la stratégie américaine en Transcaucasie ? L'Union européenne ne considère-t-elle pas les Géorgien  avec sympathie ? N'était-il pas certain d'avoir les opinions publiques européennes avec lui, derrière lui, le  « petit », la « victime » mais le « courageux » ? « Libération » de ce jour a raison sur un point : « C'est un guerre inégale ».Mais on ne se défie pas un puissant en ne comptant que sur ses « copains ».la geostratégie n'est pas un jeu de cour de récréation. Pas sérieux, le « jeune et bouillant » Saakachvili...

Ce qui est incontestable, c'est que la sécurité énergétique de l'Europe  passe en partie  par ce pays-corridor qui joue un rôle de charnière entre Europe et Asie et est sur la route du pétrole et du gaz de la Caspienne. Les Européens  ont financé la construction de l'oléoduc BTC, qui porte le pétrole azéri jusqu'à la Méditerranée. Un gazoduc, Nabucco, est en projet avec, pour les Européens, l'idée de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie...

Ce qui est plus discutable c'est l'obsession américaine (partagée par une grande partie des Européens) ne faire déboucher l'OTAN, (l'Atlantique Nord) jusqu'à la mer Noire...même si l'Azerbaïdjan, musulman et turcophone, entretient d'étroites relations avec la Turquie, qui reste le pilier du flanc sud-est de la même Alliance « atlantique »

Pour Saakaachvili, l'occasion était donc  bonne de se refaire une santé politique et une crédibilité diplomatique. En misant sur une internationalisation du conflit,  au moins médiatique, symbolique et  politique  «Ce sont les valeurs, les principes et l'ordre mondial qui sont en jeu», plaidait-il vendredi sur CNN, en exhortant le monde à ne pas laisser la Russie «impunie»

Mais il s'est  fait des illusions. Actuellement,  l'Otan ne veut pas et ne peut pas risquer une guerre contre la Russie pour sauver la Géorgie. Poutine, Medvedev et les généraux russes le savent bien. Les « Européens » ont bien trop peur d'une vraie alliance sino-russse derrière leur dos. Ou de représailles énergétiques. Et économiques Relatio-Europe le souligne depuis le début : ce conflit est d'abord un affrontement Est-Ouest, une nouvelle « guerre froide ». Des enjeux qui n'ont rien de « microscopiques »...

En bombardant, la base militaire de Vaziani, près de Tbilissi, où sont basés des instructeurs américains, l'aviation russe n'a pas que détruit des pistes vides. En touchant les environs de Tbilissi,  elle  a affiché  sa détermination,  testé le degré de l'engagement américain dans la région et montré du doigt l'impuissance «  occidentale ».

En faisant débouler des colonnes de chars, en déclenchant sans souci d'économie des tirs nourris d'artillerie,en faisant intervenir « généreusement » son aviation, en mobilisant ses navires de guerre  et en lançant les Cosaques du Don, Poutine a montré sa détermination. Lui aussi attendait l'occasion de  frapper fort. Pour rendre  « définitivement »  l'Ossétie aux Ossétes, l'Abkhazie aux Abkhazes et continuer ce qu'il a fait en Tchéchénie ;  « pacifier » à sa façon ce Caucase imprévisible...

Par ricochet, Poutine  a montré aussi que les menaces de représailles au déploiement des missiles américains en Europe et que l'élargissement de l'OTAN jusqu'aux frontières  russes ne sont pas de paroles en l'air. L'ours russe se sent vraiment « encerclé »...Il n'apprécie pas Et il le montre avec une  certitude : son poste de membre permanent du Conseil de sécurité et les intérêts matériels occidentaux le mettent  à l'abri de condamnations internationales trop gênantes. D'ailleurs, Poutine a bonne conscience :il vient en aide à des populations civiles attaquées, persécutées...

(photo dna: Salomé Zourabichvili)

Salomé Zourabichvili, ancienne ministre des Affaires étrangères géorgienne depuis devenue l'une des leaders de l'opposition, voit sans doute juste en estimant  que «le Kremlin a voulu pousser la Géorgie à la faute et lui ôter ses chances d'intégrer un jour l'Otan»... Le Kremlin a joué gagnant, Saakaachvili a joué perdant. Et Bush avec lui. L'Union européenne n'a pas à jouer les juges. Elle a une occasion de s'affirmer pleinement d'une façon autonome. Salomé Zourabichvili le dit aussi. Mais tout serait plus clair (et l'Europe serait plus crédible) si, sans sombrer dans l'anti-américanisme, trop de pays européens ne mélangeaient pas en permanence OTAN et Union européenne. Inconvénients du mélange des genres et de l'absence d'un vrai « pilier européen » donc une vraie Europe politique de la défense. C'est  une épreuve, un grand test pour l'Union européenne.Sarkozy n'a pas droit à la faute ou à l'erreur.

Daniel RIOT

REPERES

Qui est Mikheïl SAAKACHVILI ?

(Sélection RELATIO sur COLISEE, le Comite de liaison et de solidarité avec l'Europe de l'Est)

Le parcours personnel de Mikheïl Saakachvili, surnommé Misha par ses concitoyens et dont le prénom est parfois transcrit en français par Mikhaïl, est singulier pour un Géorgien né dans les années soixante : ses études universitaires à l'étranger et sa proximité avec la culture américaine restent des exceptions.

Son mouvement politique aurait bénéficié du soutien du milliardaire George Soros. Pour prendre le pouvoir, il n'a pas échappé à la règle "de tuer le père" qui l'avait mis en selle, Edouard Chevardnadzé.

En novembre 2007, quatre années après la Révolution des Roses, il doit faire face à des manifestations populaires qui le contraignent à une anticipation des élections présidentielles et à une démission afin de se porter candidat. Il est réélu le 5 janvier et investi pour un 2ème mandat le 20 janvier 2008.

Mikheïl Saakachvili est né le 21 décembre 1967 à Tbilissi.

Après ses études secondaires en Géorgie, il est diplômé de l'Institut de Relations Internationales à la Faculté de droit de Kiev en 1984. Il obtient ensuite un Master de droit à l'Université Columbia de New-York. En 1993, il est diplômé de l'Institut des Droits de l'Homme de Strasbourg, dans une promotion de 8 élèves. En 1995-1996, il suit la formation "Post Graduate" de l'Université de droit de Washington.

Il rejoint tour à tour l'Institut des Droits de l'Homme de Norvège, le Comité de Protection des Droits de l'Homme de Géorgie et le cabinet d'avocats Paterson à New-York.

En 1997, il est nommé "homme de l'année" par les médias géorgiens.

En août 1998, à la demande d'Edouard Chevardnadzé, il prend la direction de "l'Union des Citoyens", rassemblement politique de la majorité présidentielle.

En octobre 1999, il est élu député.

En octobre 2000, il est nommé ministre de la Justice par Edouard Chevardnadzé. Les désaccords s'accumulent, il quitte le gouvernement rapidement.

En juin 2002, il est élu président de l'assemblée municipale de Tbilissi, suite à un accord entre son parti (Mouvement National) et un parti d'oppositon de gauche (Parti Travailliste, Chalva Natélachvili).

Le premier mandat présidentiel

Les élections parlementaires du 2 novembre 2003 déclenchent des mouvements de contestation. Le départ anticipé du président Edouard Chevardnadzé s'effectue pacifiquement. Nino Bourdjanadzé (Démocrates), présidente du Parlement, est nommée présidente de la République par intérim. Zourab Jvania (Démocrates) est nommé Premier ministre. Mikheïl Saakachvili s'allie avec Nino Bourdjanadzé et Zourab Jvania, et est élu président de la République le 4 janvier 2004. Il est investi le 25 janvier en présence de Colin Powell.

Premier mandat : objectifs recherchés

Mikheil Saakachvili les résume ainsi
 restaurer l'intégrité territoriale de la Géorgie dans les frontières reconnues internationalement, c'est-à-dire avec l'Adjarie, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie,
/HP_ADM%7E1/LOCALS%7E1/Temp/msohtml1/01/clip_image001.gif" alt="- " border="0" width="8" height="11" /> pratiquer un meilleur voisinage avec la Fédération de Russie, tout en observant "un chacun chez soi" et en obtenant lM%7E1/LOCALS%7E1/Temp/msohtml1/01/clip_image001.gif" alt="- " border="0" width="8" height="11" /> reconstruire une économie libérale, avec diminution de la proportion de population vivant sous le seuil de pauvreté (plus de 50% en 2004),
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Premi présidence Saakachvili reflètent une orientation "nationaliste", conforme aux idées avancées en novembre 2003 et auparavant. L'abandon et maintenu sous la présidence Chevardnadzé, au profit d'un drapeau à référence "médiévale" avec croix chrétienne, flatte incontestablement une opinion publique rêvant à la grandeur passée.

Le retour de la province d'Adjarie dans le giron de la République de Géorgie, et l'évacuation des bases militaires russes d'Akhalkalaki et de Batoumi sont des succès incontestables. Restent que les solutions à la sécession de fait de l'Ossétie du Sud (1) et à celle de l'Abkhazie (2) n'ont pas progressé devant la volonté de la Russie de maintenir le statu quo.

La lutte contre la corruption (saluée par les organismes internationaux), les réformes de la police et de l'armée (rendue professionnelle avec l'appui des Américains) sont apparues comme des urgences de premier ordre. Les privatisations et les investissements étrangers ont fait progresser les indicateurs macro-économiques de la Géorgie. L'approvisionnement en gaz et en pétrole a été diversifié : la Russie n'est plus qu'un fournisseur parmi d'autres. Les rénovations urbaines, aéroportuaires ou des transports en commun sont engagées et souvent abouties. Reste que l'inflation s'est développée et a en grande partie neutralisé la croissance économique, processus durement ressenti par la population.

Premier mandat : politique étrangère

De janvier à juillet 2004, Mikheïl Saakachvili a rendu vingt et une visites officielles. Il a été reçu par le Conseil de l'Europe, l'Allemagne, la Russie, l'Azerbaïdjan, les Etats-Unis, les Nations-Unies, la France, l'Unesco, l'Arménie, la Slovaquie, l'Otan (Bruxelles), l'Union Européenne, l'Ukraine, la Pologne, la Roumanie, la Turquie, la CEI, l'Otan (Istanbul), l'Iran, la Grande- Bretagne et Israël. L'impulsion donnée a été résolument proaméricaine. L'envoi d'un troisième contingent géorgien en Irak (le premier avait été envoyé par Edouard Chevardnadzé) en est une illustration tactique. Les constructions, achevées, de l'oléoduc Bakou - Tbilissi - Ceyhan et du gazoduc Bakou - Tbilissi - Erzeroum en sont une illustration plus stratégique.

Durant quatre années, le rythme effréné de déplacements internationaux s'est maintenu, sans toutefois parvenir à faire admettre l'adhésion pleine et entière de la Géorgie à l'OTAN devant l'opposition farouche de la Russie.

Le second mandat présidentiel

En novembre 2007, quatre années après la Révolution des Roses, Mikheïl Saakachvili doit faire face à des manifestations de masse initiées par une dizaine de partis d'opposition, trois de ses anciens ministres et un milliardaire géorgien. D'une demande d'élections législatives anticipées, elles dérivent vers une demande de démission du président motivée par la difficile situation économique de la majorité de la population. Les manifestants sont dispersés par la force, l'état d'urgence est proclamé pour neuf jours, la chaîne de télévision d'opposition Imedi est fermée pour un mois, le Premier ministre est changé avec une nouvelle priorité "sociale", les élections présidentielles sont anticipées au 5 janvier 2008.

Les résultats sont à la mesure de ces déconvenues, Mikheïl Saakachvili, qui avait été élu en 2004 avec 95% des voix, est réélu en 2008 avec 53% des voix. L'opposition conteste la sincérité des comptages et demande un 2ème tour de srutin contre l'avis des observateurs internationaux ; elle manifeste le jour même de l'investiture du président réélu, le 20 janvier, réunissant près de 50 000 personnes à l'hippodrome de Tbilissi.

Second mandat : perspectives

Le second mandat de Mikheïl Saakachvili commence difficilement : la contestation de son autorité s'est installée depuis novembre 2007, les élections législatives de mai 2008 ne lui donneront certainement pas la majorité confortable actuelle, la communauté internationale l'a mis en observation, la fin de mandat de Georges Bush en décembre 2008 commence à donner des ailes à ses détracteurs.

Le risque est qu'un éventuel échec du second mandat présidentiel ne conduise à l'échec de la transition en Géorgie, pays encore mal en point sur le plan économique et sur le plan social.

Les Etats-Unis et l'Union européenne ne le souhaitent pas pour des raisons géopolitiques, ce qui explique qu'ils aient fermé les yeux sur les irrégularités du premier tour des élections présidentielles. De là à considérer que le nouveau président de la Géorgie est doublement en sursis, vis-à-vis des Géorgiens qui attendent maintenant de toucher les dividendes de la Révolution des Roses et vis-à-vis de la communauté internationale attentive au moindre accroc, il n'y a qu'un pas.

D'ailleurs si Vladimir Poutine ne s'est pas rendu à l'invitation de Mikheïl Saakachvili pour son investiture, il a délégué Sergueï Lavrov : le ministre russe des Affaires étrangères attendait visiblement des paroles d'apaisement concernant les relations bilatérales russo - géorgiennes, il les a entendu. Les Etats-Unis et l'Union européenne n'y sont certainement pas étrangers.

Reste que l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud s'immergent de plus en plus dans l'influence russe. La place que Mikheïl Saakachvili laissera dans l'histoire de la Géorgie, et il y est plus sensible que tout autre, dépendra de la manière dont il résoudra cette situation.

L'homme

Mikheïl Saakachvili est marié avec la néerlandaise Sandra E. Roelofs, rencontrée en 1993 lors de leurs études à Strasbourg. Ils ont deux enfants.

Les qualités d'homme d'Etat de Mikheïl Saakachvili sont indéniables, la tendance à un certain autoritarisme également. La connaissance des langues géorgienne, russe, anglaise et française qu'il possède, et à laquelle s'ajouterait celle de la langue ossète et de la langue abkhaze (révélée lors du discours à la nation le 26 mai 2004) en font un redoutable négociateur.

Sa volonté de relever les défis, la vitesse de ses analyses et de ses décisions, son sens inné de la communication ont séduit les médias internationaux.

Dans son bras de fer avec Vladimir Poutine, concernant en particulier la candidature de la Géorgie à l'OTAN, l'appui personnel de George W. Bush (et de Colin Powell) lui a été acquis, ainsi que celui de Tony Blair.

Gerhard Schröder et Angela Merkel l'ont soutenu dans une moindre mesure, les intérêts allemands en Russie et en Géorgie se dimensionnant très différemment. Il en a été de même pour Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy (rencontré plusieurs fois à titre privé).

Sa proximité personnelle avec les dirigeants de l'Europe de l'Est (Ukraine, Pologne, Estonie, Lituanie, Lettonie, Moldavie) ou ceux des pays turcophones (Asie centrale, Azerbaïdjan, Turquie) obéit à une stratégie d'internationalisation du rôle de la Géorgie dans cette partie du monde. Selon ses propres propos "La Géorgie n'est qu'un petit pays, mais qui prend une grande place dans le Sud Caucase".

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