Les calculs biliaires et l’attente

Par Anniedanielle

J’ai raconté il y a quelque temps combien j’ai eu de la difficulté à faire prendre ma situation au sérieux même une fois les calculs biliaires diagnostiqués, à l’hiver 2019.

Partout où je m’informais sur la question, tous les gens à qui je parlais, disaient que « de nos jours » dès qu’on voit des calculs biliaires, on fait une cholécystectomie pour enlever la vésicule biliaire et éviter que ça se complique. C’est une chirurgie somme toute mineure. Au début des années 2010, ma mère avait eu une crise biliaire, on lui a diagnostiqué des calculs biliaires, et c’est elle qui avait demandé de retarder la chirurgie, qu’ils voulaient faire rapidement (elle a été opérée quelques mois plus tard).

Chirurgien hépato-biliaire

Et pourtant, comme je l’ai écrit, mon gastro-entérologue n’était pas certain que c’était la solution… et le chirurgien hépatobiliaire ne voulait même pas m’opérer. Mon cholédoque (le canal entre la vésicule biliaire et le foie) faisait le triple de la taille normale, confirmé par une écho-endoscropie. C’est la seule raison qui fait qu’il a accepté de m’opérer. Pourquoi « on opère toujours », mais que j’ai dû insister? Mystère.

J’ai dit au chirurgien quand je l’ai vu en mai 2019 que j’étais atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile et d’insuffisance surrénalienne… il a fait « oui oui je connais ça » en balayant l’air de la main, pour dire « y a rien là ». Il n’a pas voulu en savoir plus, semblait convaincu de tout savoir ce qu’il était important de savoir.

Il m’a donc mis sur la liste pour une chirurgie… en me disant qu’il était extrêmement occupé et que, bien sûr, les cas de cancer et les problèmes urgents allaient tous passer avant moi.
Puisqu’il ne croyait pas que mes douleurs et nausées pouvaient être liées aux calculs biliaires, il n’y avait aucun risque de complication à ses yeux. Le fait que les crises biliaires étaient en soi risquées avec mon insuffisance surrénalienne ne semblait pas un facteur.

En juin, j’ai eu les tests préopératoires. Une demi-journée à faire des tests sanguins, test d’urine, discuter avec une infirmière, un interniste… et surtout, à attendre entre ces étapes. Mais c’était positif : j’avais espoir que la chirurgie approche!

L’urgence

Début juillet, je n’avais toujours pas de date de chirurgie et j’ai été consulter à l’urgence. Les douleurs étaient encore aussi intenses, mais ce n’est pas la raison qui a fait que j’y suis allée.
Ma raison principale était que j’avais une diarrhée sévère depuis plusieurs jours, ce qui est dangereux avec l’insuffisance surrénalienne… et un symptôme de calculs biliaires. Ma raison secondaire était que j’ai commencé à me dire que peut-être si j’avais à consulter régulièrement pour me plaindre de douleurs, ce serait noté et on considérerait mon cas aussi urgent qu’il l’était. Comme pour la clinique de la douleur, il semblait que le fait que je n’aille pas aux urgences pour ma douleur était comme si c’était pas un problème.

Je me suis évanouie de douleur à plus d’une reprise. J’avais de la difficulté à fonctionner, devant m’allonger ou me rouler en boule en espérant survivre à chaque crise. Je vivais avec mon TENS dans le dos et un coussin chauffant sur le ventre. Je me gavais d’anti-acides et prenais le plus d’antidouleurs que j’avais malgré leur effet mineur. Et je mangeais encore moins qu’à l’habitude (je rappelle que la gastroparésie limite la quantité de nourriture que je peux consommer à la fois). Mais je n’allais pas à l’hôpital pour ça!
Je savais qu’au mieux ils me donneraient un antidouleur plus puissant… qui me soulagerait le temps que la crise passe. Puis je serais de retour à la maison avec rien de différent pour m’aider. Mais j’aurais probablement choppé une infection sur place, et je passerais des heures à attendre mon tour alors que la douleur était intolérable!

Sauf que… avec la diarrhée en plus, je ne pouvais pas prendre de risque et je me suis dit que peut-être ça aiderait.
La médecin qui m’a vue était horrifiée devant le fait que je n’avais même pas de date de chirurgie et qu’on ne considère pas mon cas plus urgent. Non seulement elle voyait bien que je n’allais pas du tout, mais elle comprenait les risques en cas de complication!
Elle m’a donc référée à un chirurgien différent, en chirurgie générale, et a demandé que je revoie mon gastro-entérologue rapidement. Autrement dit… elle a fait tout ce qu’elle pouvait.

Par contre, on a pu établir que ma diarrhée soudaine n’était pas liée aux calculs biliaires (ou, enfin, pas uniquement!). J’avais commencé un nouveau médicament peu de temps avant, pour mes spasmes musculaires. Du Baclofen. Ça aidait, au moins un peu… malheureusement, il est venu s’ajouter à ma liste d’intolérances, qui est de plus en plus longue.

Visites médicales

À la fin du mois de juillet, j’ai vu mon gastro-entérologue et le chirurgien général.

Le gastro-entérologue ne pouvait rien faire pour m’aider, sauf essayer de mentionner à son collègue, le chirurgien hépato-biliaire, que j’étais à risque de complications.
Nous avons discuté de la possibilité de faire une requête dans un autre hôpital, où peut-être je serais opérée plus vite. Mais il m’a fortement recommandé de ne pas le faire, de crainte qu’ils ne sachent pas quoi faire avec moi en cas de complications (n’ayant pas accès à mon dossier complet). Il voulait aussi pouvoir avoir accès à mes infos relativement à la chirurgie et pouvoir m’aider en cas de problème.

Le chirurgien général a été bien sympathique, bien que lui aussi doute que mes douleurs puissent être causées par les calculs biliaires. Cependant il ne mettait pas en doute la nécessité de la chirurgie et trouvait lui aussi qu’avec mes autres conditions de santé ce serait urgent.
Malheureusement, son horaire débordait vraiment, et il doutait de pouvoir m’opérer avant que je le sois par le spécialiste. Il m’a quand même mis sur sa liste dans l’espoir que je sois opérée rapidement.

Ça traîne

Le mois d’août est arrivé et je n’avais toujours pas de nouvelles de qui que ce soit.
Le chirurgien hépatobiliaire, au moment de me prévenir que j’attendrais longtemps, m’avait quand même dit que je pourrais appeler son infirmière si je n’avais pas encore de nouvelles trois mois plus tard. Ce que j’ai fait.

L’infirmière a démontré aussi peu d’empathie que son patron et ne comprenait visiblement pas ma situation. Ce n’était pas une urgence comme ils ont d’habitude (comme une tumeur), j’étais un cas banal de calculs biliaires. Elle m’a dit que mon dossier était dans la pile et que ce serait mon tour éventuellement.

J’ai donc envoyé un courriel à l’infirmière de mon endocrinologue (puisque les crises avaient un impact sur mon insuffisance surrénalienne), à mon médecin de famille et à mon gastro-entérologue (un envoi commun). Je ne me pouvais plus, ne savais plus où me tourner. J’ai supplié pour avoir leur soutien.

Mon médecin de famille a téléphoné à l’hôpital, où on lui a dit que j’étais sur la liste et que les priorités étaient établies selon le dossier, et that’s it. Comme s’il avait essayé de tricher en influençant les priorités… alors qu’il essayait seulement d’expliquer ma situation et que, peut-être, mon cas était plus urgent qu’ils croyaient. Le gastro-entérologue a pour sa part envoyé un message au chirurgien hépatobiliaire, j’ai cru comprendre qu’il n’a pas eu de retour.
Et rien n’a bougé.

On m’avait dit en juin que les tests préopératoires n’étaient valides que pour trois mois, et je ne voulais pas devoir les refaire (et passer une demi-journée sur place!). Je voyais donc septembre arriver avec beaucoup d’angoisse. Sans compter la douleur bien sûr.

De l’aide

À ce moment-là, je ne mangeais presque plus rien, j’avais des crises même en ayant pris du jus de fruit ou du riz blanc.

J’ai finalement eu l’idée de contacter la commissaire aux plaintes de l’hôpital. Quand je l’avais fait pour l’ophtalmologie (pas au même hôpital) en 2018, ça avait donné un résultat!
Je ne souhaitais pas faire une plainte, mais j’espérais qu’on puisse m’aider. J’avais besoin de réponses et d’aide. Et j’en ai eu!!!

La commissaire aux plaintes a transféré mon message à la Direction des affaires médicales. On y a regardé mon dossier, et demandé au chirurgien hépatobiliaire de réévaluer mon cas avec son équipe.
Et ils ont ENFIN compris que la combinaison de mes problèmes de santé rendait la situation urgente. Je n’étais pas encore en jaunisse, mais si je m’y rendais je risquais de ne pas survivre! Et avec le SED, le risque de rupture d’organe interne était plus élevé!

Donc on m’a donné une date de chirurgie trois semaines plus tard, pour la mi-octobre 2019. Quel soulagement que ce soit enfin réglé!