Avignon ce n’est jamais fini via 3 belles lettres

Publié le 26 juillet 2022 par Nathpass

Festival d'Avignon : un mélange de genre

Si vous aussi vous l'espérez je vous encourage à aller voir ces pièces dont vous n'avez sans doute pas entendu parler mais qui font partie des derniers exemples du festival que souhaitaient Vilar, Benedetto ou Gérard Philipe.

Nathalie FEYT en revenant d'Avignon le 19 juillet

2022 c'est une première fois ou j'ai eu le regret de ne pas avoir vu une seule manifestation exposition représentation du IN car j'ai éprouvé sous la direction aussi d'Olivier Py (que j'ai reconnu applaudi bien avant sa nomination à Avignon) de belles émotions rencontres dont celles de Pierre Guillois Jean-Francois Sivadier Kristian Lupa Roméo Castellucci Jan Fabre....

Il n'y a pas plus de cœur pur que de cœur battant seulement pour briller séduire profiter et rester inscrit pour la postérité......

Mais cette lettre donne cette note profonde de lyrisme qui caractérise le ton du théâtre poétique d'Olivier Py

Festival d'Avignon : la bouleversante lettre d'adieu d'Olivier Py

Publié le 24/07/22 mis à jour le 25/07/22

Olivier Py lors de l'ouverture du Festival d'Avignon, en 2021.

Olivier Py lors de l'ouverture du Festival d'Avignon, en 2021.

Après neuf ans à la tête du Festival d'Avignon, Olivier Py s'apprête à céder sa place au metteur en scène Tiago Rodrigues. Ce dimanche 24 juillet, en guise de passage de relais, il a lu devant son successeur une lettre bouleversante, que nous publions en exclusivité.

La scène s'est déroulée ce dimanche 24 juillet, lors de la conférence de presse de clôture de la 76e édition du Festival d'Avignon (qui se referme officiellement le 26 juillet) : l'actuel directeur de la manifestation, Olivier Py, en poste depuis 2013, a tiré sa révérence, comme prévu, devant Tiago Rodrigues - dramaturge, metteur en scène et comédien portugais. Et il l'a fait en lisant une lettre aussi belle que forte. Une lettre en forme de bilan, parfois douloureux, toujours passionné, empreint d'une indéfectible foi dans le théâtre, la création, mais aussi et surtout dans cet événement unique qu'est le Festival d'Avignon. En exclusivité, Olivier Py a bien voulu nous la confier.

Le festival n'était pas un moment de ma vie, c'était ma vie.

Être libéré de sa vie est une véritable grâce, et je n'en aurais pas été libéré tout à fait sans la confiance que je mets en toi.

Je suis nu comme un nouveau-né, et c'est une véritable béatitude. De cette nudité, puisque je ne suis revêtu à ce jour d'aucun projet d'avenir institutionnel, je voulais t'adresser ce viatique. Il est modeste, mais la nudité n'a pas de poches.

Tu vas vivre des heures difficiles, et je serai l'un des rares à le savoir, tandis qu'une foule de jaloux et de fâcheux qui te croient dans l'Olympe s'autoriseront à dire tout et n'importe quoi et à faire de leur ressentiment un argument. Tu seras bien seul.

J'ai confiance car tu auras, au festival, une équipe qui te soutiendra, comme cela a été mon cas, des compagnons merveilleux, comme j'en ai eu. Cela, malgré tout, ne pourra empêcher des moments de solitude effrayants. Car au festival, tout le monde est dans sa tranchée et s'efforce de tenir son poste sous les bombes.

J'aimerais te donner des conseils, mais la situation où je suis, la page blanche où je vole n'est pas propice aux conseils.

J'en sais de moins en moins, sur l'état du monde, de la culture, de l'avenir, du théâtre, de la jeunesse, du festival et de moi-même. Je n'ai plus aucune certitude, je deviens un peu agnostique. Je ne sais pas, j'essaie d'écouter.

Donner des conseils comme faire des critiques, je trouve cela trop avilissant. Ce n'est donc pas un conseil professionnel que je pourrais te donner mais un secret d'amitié. Le voici....

Olivier Py : "Le Festival d'Avignon aura été la grande passion de ma vie"

Garde la pureté de ton cœur. Le cœur est le lieu du désir et les désirs ne sont pas toujours purs. Garde alors la pure impureté de ton désir. Garde la pureté dans ton cœur car tu seras sommé, par des gens qui en savent toujours plus que nous, de l'abdiquer. On te demandera de programmer ceci et cela au nom de ceci et de cela. On te conseillera tout, on t'intimera l'ordre de faire cela et ceci et tout et son contraire, au nom de toutes sortes de choses, de toutes sortes de bonnes raisons politiques, esthétiques ou éthiques, mais surtout au nom de choses qui n'ont qu'indirectement à voir avec le théâtre. N'écoute pas la raison raisonnable et la prudence professionnelle. N'espère pas dans les stratégies politiques, ne mise rien sur de l'intérêt ou la ruse. Écoute ton cœur pur.

Garde dans le plus pur de ton cœur qu'il y a des choses qu'il faut faire parce qu'il faut les faire même quand il ne faut pas les faire. Et c'est tout.

Garde la pureté de ton cœur quand le festival sera attaqué par des gens qui n'ont pas lu le programme et ne sont jamais venus.

Garde la pureté de ton cœur quand les sempiternelles bêtises sur l'art élitiste, l'entre-soi, l'intellectualisme ou l'institution te seront crachées au visage. La plupart du temps ; ils ne savent pas ce qu'ils disent et ils ne savent pas ce qu'ils font.

Garde la pureté de ton cœur et, au contraire de moi, souvent, garde ton calme.

Garde l'amour pur du théâtre, de l'art, de la pensée, de l'absolu littéraire, comme une pureté plus pure que l'impureté des obligations mondaines. Les jeux de pouvoir sont publiés et reste le souvenir de la pureté de l'acte artistique.

Garde pur en toi celui qui aime le festival même quand tout va mal au festival, c'est-à-dire un jour sur deux en juillet.

Garde la pureté de l'émerveillement devant notre Cour d'honneur sous les étoiles, devant l'espoir métaphysique des jeunesses, devant la passion de ce public unique au monde.

Garde la pureté de ton cœur, elle est le centre de tout. Elle est le véritable message. Et si tu penses que rien n'est plus beau au monde que cette folie de juillet dans la ville des papes, alors rien ne pourra t'atteindre...

Dis-toi que tu ne peux pas tout faire même en travaillant vingt-cinq heures par jour. Mais si tu perds la pureté de ton cœur tu auras perdu le festival, et toi avec.

C'est ce combat spirituel que personne ne verra, que personne ne saura, et qui sera parfois le plus terrible. Ne laisse entrer dans ce cœur pur et purifié par le travail ni remords, ni envie, ni ressentiment, ni colère. Le festival est plus beau que tout, et ton espoir d'un plus beau festival encore est le plus grand mystère de ton cœur et tu ne le partageras avec personne.

Ce n'est pas très difficile. Il suffit de ne pas oublier celui qui est venu ici pour la première fois et qui y a découvert un monde meilleur. Moi, j'y ai rencontré, l'année de mes 20 ans, l'art, l'engagement, le théâtre et mon destin.

" Les journées du directeur sont faites de dix compliments pour une bassesse. On retient plus facilement les bassesses par vanité, on oublie trop facilement les compliments. "

Garde la pureté dans ton cœur aussi sous les splendeurs papales, les obligations protocolaires, les cirages de pompes et les courtisaneries et les honneurs. Traite les grands comme des petits et les petits comme des grands. Quand tu seras humilié par les marquis,

il y aura toujours une femme de ménage pour te dire qu'il faut te reposer et prendre soin de toi. Une femme de ménage, ou un détenu, ou un adolescent, ou une spectatrice pressée.

Les journées du directeur sont faites de dix compliments pour une bassesse. On retient plus facilement les bassesses par vanité, on oublie trop facilement les compliments.

Des bénédictions faites par des anonymes qui ne vous demandent rien et vous disent merci du fond de leur cœur pur.

Dis-toi que leurs cœurs purs de festivaliers émerveillés et le tien ne sont qu'un. Tout est là et le reste n'existe pas et passera avec le mois d'août.

Qu'est-ce qu'il y a de plus beau sur cette terre que notre festival ?

Et pourtant, que de critiques ? N'y a-t-il pas des choses plus critiquables en ce monde que notre festival ?

On lui demande tout, de sauver la planète, d'arrêter la guerre, de reconstruire le contrat social ; et comme il ne le peut pas absolument, on dit qu'il ment, qu'il se paie de mots. Mais combien de justes causes trouvent ici sa parole ? Et la cause des causes qui est celle de l'émergence du sens ? Et tant qu'on lui demande tout, c'est la preuve qu'il ne sert pas à rien. Et c'est vrai. Nous ne pouvons pas tout mais nous ne pouvons pas rien, et cela suffit à séparer la nuit du jour.

Notre festival est fragile, financièrement, médiatiquement, politiquement. On le croit puissant, établi, institutionnel, léonin. Le public n'a pas à connaître nos problèmes, lui qui vient ici pour trouver un sens à une vie souvent plus difficile que la nôtre.

À tous les cynismes, à tous les découragements, il te faudra opposer la pureté de ton cœur ; l'amour d'Avignon, du public et de l'art. Et c'est comme cela que tu désarmeras les malveillances, et surtout que tu inventeras l'impossible. Et je t'en sais capable.

Ce qui se passe ici pendant le mois de juillet n'a lieu nulle part ailleurs dans le monde. Ce n'est ni consensuel, ni préécrit, ni inoffensif. C'est un miracle et une utopie, c'est la fête de l'Espérance. Ici, demain, certains adolescents vont fabriquer les outils de leur dignité, et c'est eux qui doivent nous juger.

L'année prochaine, je vais vivre enfin un festival de pure jouissance, de pure béatitude, sachant que tu veilles sur nous. Oui, sur nous, il y a un nous.

Merci à ceux qui partagent ce rêve, et longue vie au Festival d'Avignon ! "


Je partage bien sûr car j'en veux à Olivier Py comme à moi-même de ne pas m'avoir fait croire aux anges clowns comme Wenders.

Mon commentaire est le suivant après avoir lu la si belle lettre laissée par elle à Olivier Py

Oh comme je te comprends Elizabeth Maser actrice autrice au sourire si large , cette manie " de vouloir tout sentir " à travers toi ne date pas d'hier. Je t'ai écris aussi pour te témoigner mon admiration. Mais toi par toi tu m'as répondu toujours accueilli et du coup on se connaissait mieux. Je me souviens bien sûr de Bruno Sermonne que je prenais pour " un visiteur du Soir " et de Flipotte Comme dit Céline Milliat-B tu as été à partir de la Servante avec Michel et d'autres je pense à l'angeclown Toto qui m'invitait à la cantine (et Michel et Stéphane qui me cherchaient des hébergements) vous avez été des phares, des étoiles qui ouvraient la portée poétique du théâtre à tous Quant à Olivier certes je voulais en être de sa troupe, de cette troupe, je lui avais écrit 4 pages et vous étiez venus voir la Vierge Folle que j'étais dans Il est trop tard de Stéphane Auvray-Nauroy , et donc j'y croyais à la suite de mes rencontres mais " le poète acteur dramaturge "m'avait répondu que je pouvais être bénévole.habilleuse. A l'époque j'avais tout plaqué pour changer, être comédienne à part entière, je dormais ici ou là pendant Avignon j'avais peur de n'être que bénévole....

Maintenant je choisis de l'être bénévole au moins avec qui je veux cad des amateurs, et des hommes de théâtre élégants car les pros comme lui m'ont déçue tellement dans mon innocence de non professionnelle....j'avais joué avec plusieurs metteurs en scène tout en travaillant à côté, tragédie, comédie, créations... rencontre d'autres gens à partir de mes rôles et puis tout s'est figé....,

J'aurais compris qu'il me dise je n'ai pas de rôle pour toi pour ce projet, mais pas de me proposer d'être bénévole habilleuse.....

C'était un projet fou et moi n'étais je pas folle et drôle et triste mélancolique sur scène....


Avec Gregory GUILLOTIN pour une vidéo prank du pire stagiaire. Un élève qui m'a beaucoup appris.....

Lettre ouverte à Monsieur le directeur du festival d'Avignon In

De même que vos propos d'homme public finissent toujours, que je le veuille ou non, par me parvenir, j'espère bien que vous lirez tôt ou tard cette lettre.

En cueillant des cassis une bouffée de colère m est montée ce matin. comme Claudel lâchant son sécateur et disant: " je viens de penser aux surréalistes ", je viens de penser, sans vouloir me comparer au grand Paul, que vous étiez un sacré ingrat, ce qui justifiera ces lignes.

J en ai plus qu'assez de lire ou d'entendre ici ou là que votre " jeunesse exaltée " est portée par une troupe exceptionnelle " comme (vous)n en avez jamais eue. "

Permettez moi en mon nom propre et en l'honneur de mes vingt quatre camarades, de Flipotte le chien et des bénévoles qui les accompagnaient, qui ne m'ont rien demandé et dont certains ne sont plus de ce monde, de m insurger!

Si si, vous avez eu, si ce n'est une meilleure, je ne suis là ni pour une compétition ni pour un jugement, au moins une aussi belle troupe pour jouer " la Servante " au siècle dernier, et d'autres encore des éléments marquants de votre œuvre.

Et cette troupe vous a porté vous et votre œuvre, haut et fort.

Vous souvenez vous de ce pauvre conseiller culturel d'alors pris amicalement en otage dans les loges des Amandiers de Nanterre, auquel nous avions gentiment mais fermement demandé pour vous et votre troupe donc, un lieu où exercer votre art? Lieu que vous avez obtenu. Et les lieux et les postes qui s'en suivent.

Vous souvenez vous des 24 heures exaltantes oui mais aussi harassantes épuisantes où certains d entre nous ont laissé quelques plumes? Et de la reprise à la manufacture des Oeillets, payée une poignée de figues, et avec le sourire encore, et les corvées de chiotte à tour de rôle (auxquelles les plus malins ou les plus clairvoyants ont échappé) et l'accueil du public et le standard des réservation (oui les fous rires et les batailles de serpillère bien sûr, mais aussi le travail bénévole et disons-le, une forme d'exploitation de la masse salariale et pas toujours payée d un sourire et jamais d un merci)

Et je ne parle pas du talent de la ferveur de l'enthousiasme au kilomètre carré, ce serait faire offense à mes camarades et à moi- même.

Alors que votre nouvelle troupe, plus jeune que nous ne le sommes tous maintenant, certes, mais à peine plus que nous ne l'étions à l'époque, que cette nouvelle troupe donc soit talentueuse et formidable, je n'en doute pas, mais par pitié, et au moins en mémoire de ceux qui ne sont plus, dont Bruno Sermonne que vous revendiquez comme votre seul maître de théâtre, ne dites pas qu'elle l'est " comme jamais "

Sans cette troupe d'alors, vous ne seriez sans doute pas où vous êtes maintenant, et nous vous devons de belles heures, certes, mais vous, vous nous devez bien plus, car les poètes talentueux ne manquent pas, mais les poètes qui accèdent au succès de leur vivant sont nettement moins nombreux et ne goûtent à la notoriété et aux facilités qui en découlent, que portés par d'autres. Seul on va vite, mais accompagné on va loin.

Tout le monde n a pas l'élégance d un Pommerat, qui promet du travail pendant 40 ans à celles qui l accompagnent depuis les débuts dans l ombre, ou la fidélité d un Sivadier. Ils me pardonneront de les citer, eux non plus ne m'ont rien demandé.

Il reste deux éléments de cette troupe historique dans votre distribution, gardez et honorez mademoiselle Chéenne et monsieur Weitz qui vous sont resté fidèles.

Les autres ont été bannis ou sont partis de leur propre chef, il y a sûrement une raison à ça.

Vous êtes un ingrat monsieur le directeur, et un âne bâté, même si j'aime beaucoup les ânes.

En mon nom et en l'honneur de mes vingt quatre camarades, du chien Flipotte et des bénévoles qui les ont accompagnés, qui ne m'ont toujours rien demandé, je vous retire ce qu'il me restait d'estime pour votre personne. Ça ne va pas changer la face du monde, j'en suis hélas! consciente, mais ça me fait du bien de le dire ici.

Le poète- vous je crois bien- a dit " le theâtre c'est l'art de transformer le plomb en or "

Vous, vous transformez l'or en cendres, et c est bien moche ."