Plus haut que les plaisirs, plus haut que la richesse même, il y a l’amour de la gloire, ce désir fou qui n’aime que les sommets et ignore les secondes places, qui s’épanouit sous les projecteurs et meurt dans l’ombre. Ivresse des sommets et de la reconnaissance publique :tels sont les caractères de cette passion que les hauteurs rendent aveugle, et dont le public achève la cécité par son ingratitude inconsciente !
Faut-il alors se défier de ce désir qui, vivant des acclamations publiques, oublie d’être heureux en oubliant ses propres mérites ? Ne peut-elle être que malheureuse cette ambition qui est l’une des conditions de la grandeur ?
Il y a pourtant de la noblesse dans cette passion exigeante et abstraite qui place l’honneur plus haut que les plaisirs sensibles et que l’argent. Innombrables en effet sont les plaisirs auxquels on renonce pour être le premier. Et sa relative indifférence à l’argent ne peut que l’honorer : la gloire se moque des langueurs du plaisir et ne veut que briller.
Plus forte que le plaisir qui, comme disait Spinoza, s’épuise, honteux, à son paroxysme, tandis que l’appétit de gloire ne cesse de croître, fièrement, en se satisfaisant. Plus fort que la richesse peut-être, car par la foule il connaît l’ivresse du nombre et n’est jamais solitaire. Mais que reste-t-il lorsque l’exploit ne vient pas ?
De deux choses l’une, disait Spinoza. Si la gloire est au service d’une passion supérieure, on survit à sa perte, mais si elle est prise pour fin elle perd le héros en même temps qu’il la perd.