Vos jardins "imaginaires"

Publié le 13 août 2008 par Vanessav
Il vous a fallu patienter, le printemps est passé, l’été bat son plein et vous vous êtes promenés dans vos jardins, privés, publics. Je reprends là vos propositions des Passeurs d'imaginaires d'avril (oups là quel retard !) pour s’installer un peu, devant l’écran, et partir dans la verdure mais aussi dans l’ailleurs.
Jardin d’agréments
Le jardin, au sens de nature mise à profit par l’homme, serait apparu au Moyen-âge. Le jardin serait avant tout un espace utile : potager ou jardin de plantes médicinales. Les moines ont été les premiers à jardiner. Tournés vers les scripts (études et écritures des textes sacrés), ils furent les garants et promoteurs de la botanique. Entre ses réserves et les herbiers pour propager la connaissance, le jardin devient aussi agrément. Le jardin arrive même en marge des écrits.

*source séchoir à herbier
Le jardin, à la Renaissance, est un espace reconnu, géométriquement abouti mais il reste un luxe, un espace réservé, plus intime qu’un parc, jouxtant le château. Des paysagistes ont créé une véritable architecture, entre agrément et espace de détente. C’est le lieu des rencontres, des réunions d’été, des jeux de plein air. Il est alors question de plusieurs écoles de jardins, à la française, à l'anglaise etc...
Mais en plus de ces jardins construits selon les règles de l'art du moment, d’autres mélangent l’utile à l’agréable.
J’aime aussi (et surtout) les jardins lapidaires, faits de bric et de brocs choisis, de statues, de pierres « vivantes », d’objets chinés ou de voyages. Et que dire de ces parcs en pots, de ces arbres nains nés, les bonsaïs réservés au départ en Chine et au Japon aux classes dominantes, féodales et religieuses.


*source Bonsaï
*****
Jardin, fabrique de petits bonheurs

Le jardin, petit ou grand, est aussi comme une fabrique de petits bonheurs, un herbier non seulement visible et tactile, à faire soi-même, mais odorant, propre à de multiples remémorations. Bridget, elle, nous livre bout par bout, fleur par fleur, son jardin… en vase ou en pot ici tout du long.

*sources Bridget COUC
Zoéchiffon ouvre le bazar sur des plantations de sorcières, utiles ou simples et des contes de fées ou enquêtes policières. Virginie nous livre son jardin, fait de divers « espaces » verts mais surtout d’imaginaire.
Je me rappelle le petit jardin de notre maison d’Ile de France, tout en longueur, entre deux très hauts murs, un bouleau au centre, et une chaise longue dans son ombre. Un souvenir sonore, le bruissement des feuilles, odorant, la chaise longue était face au mur aux roses grimpantes…du vert. Comme un vert d’eau, un vert bruissant, le jardin est aussi une tonalité de peintre comme nous le montre Florizelle. Une lecture est aussi porte ouverte vers un jardin. « Le jardin secret » de Frances Hodgson Burnett, littérature enfantine, nous ouvre les portes du jardin de Léna et nous assoit sur le banc. MAP nous conviait à une "joie scène" avec cet oiseau poète du jardin.

Le jardin est aussi une histoire, d’avant le jardin, de création du jardin et d’une relation au jardin, il suffit de suivre Michèle DRISSEN pour s’en convaincre. Le jardin comme source d'inspiration de Sa Marraine la fée : un potager, des fèves et petits pois, des poireaux, des fraises, des cerises, quelques insectes, des nids et feuillages et des fleurs… de nuages et vents, un jardin retrouvé, inventé, reconstruit. Le jardin est un partage, une transmission, comme nous le livre Rose et son histoire de gants rouges. Dans la confidence aussi, vous pouvez lire Madeleine CHAPSAL "Dans mon jardin" ou « Des femmes et leurs jardins » de Charlotte SEELING. Ou laissez filer votre imagination avec les oeuvres de Johanna CONCEJO, un jardin dans un tiroir tiré par Florizelle.
*source Peggy NILLE
*****
Jardin pratique

Le jardin est au départ un espace de professionnels avant d’être l’espace de quidam. Le courtillier jardine au Moyen-Âge dans le viridarium (verger), l’hortus (potager) et ou l’herbularius (jardin des plantes médicinales dites simples).


*source viridarium
Il est très longtemps question d’un métier important. Le jardin n’est pas pris à la légère et reste un luxe. Les outils sont aussi nombreux comme le tend à prouver ce contrat d'embauche d'un jardinier du XVIIIème. Après les savoirs-faires perdurent, pour plus d’efficacité dans l’agriculture ou la culture de plantes usitées, comme la rotation des cultures ou assolement, comme le compagnonnage dont je parlais , comme le compost.
*source Saint-Fiacre, patron des jardiniers (lien à lire sur l’histoire de ce saint)
Derrière l’utilité le jardin est aussi bien symbolique, n’hésitez pas à lire les potagers fleuris : magie et médecine se côtoient. Mais aussi entre ces plantes médicinales, comestibles, il y a les plantes tinctoriales, décoratives et maléfiques. Les jardins des troubadours (courtois) et les jardins de sorcières. Dans certains, de jeunes filles rencontre des loups gris, Kimoki nous livre le conte au jardin, conte courtois et parfumé, entre simples, broderies de jardins et botanique.
Les sorcières transmettent jusqu’à aujourd’hui aux plumes de carottes comme je vous le disais. Les jardins et les aliments peuvent être profanes voir diaboliques. Sinon le jardin sauvage laisse aller l’utile.
*****
Jardin du monde

Il y a aussi ces miracles, des oasis, jardins du désert. Ces espaces où l’eau est une denrée rare et ou les jardins désert apparaissent avec Vincent BATTESTI. De toute façon, dans les déserts, les jardins sont présents : on y plante bien des roses (du désert), non ?! Les oasis sont partout, de quartier, de cour, Béatrix nous présentait le sien : entre verger et oasis, entre culture et ethnie, entre ville et jardin. Une hacienda du monde.


*source oasis de Maria HUNT
Je vous livrais aussi un lexique du thé : un jardin de thé entre plantation et déambulation japonaise vers l’ailleurs plus serein.
Les jardins sont aussi les garants de la flore des régions, ainsi certains se sont fait jardins botaniques avec comme objectif principal la protection de la flore, l’échange de graines et la propagation des espèces en préservant des collections complètes.
Il y a aussi ces savoirs perpétuels, bien présents, ces jardins médicinaux de par le monde. Florizelle nous présentait un herbier portatif thérapeutique des Potawatomis.
*source botanique
Les jardins du monde ouvrent vers d’autres poésies, Furoshiki nous offre des détails pour ouvrir l’oeil sur les jardins japonais. Les jardins chinois, de Suzhou, proposent une harmonie entre ciel et homme, un autre parcours initiatique.
Sinon le jardin est aussi voyageur et nous pouvons le voir dans tous les marchés animés, comme nous le proposerait N-talo. En allant plus loin, le jardin devient un emblème médiéval (mais il peut être encore à d’actualité).
*source désert Fran ROWE
*****
Jardin philosophique

Le premier jardin du monde fut celui des religions monothéistes : le jardin d’Eden. Un paradis au début de la création où nous serions amenés à retourner après notre mort. Le jardin est une nourriture des sens et une nourriture spirituelle.

*source jardin d’Eden : Abel PANN, lithographie prise ici (à lire)
Le cycle de la vie y est repris : éclosion, nourriture et pourriture. N-Talo reprenait la notion japonaise de kusaru, pourriture, le compost de la nature. Furoshiki, elle, nous initiait à celle, japonaise aussi, de wabi sabi, usure, rouillure, … une forme de vie, de nostalgie.
Les jardins sont aussi de tous temps de fabuleux moyens d’appréhender le monde, de le redessiner et prendre espoir en la civilisation. L’art du jardin amène aussi à la sagesse. Le jardinage apparait comme une manière de revenir à la terre, revenir à l’essentiel, les labyrinthes, eux, sont aussi des parcours, des déambulations, des défis, pour trouver le bon chemin. N-talo nous rappelait aussi que le jardin est une superbe hétérotopie, un jardin mobile à travers l’espace, une parcelle du monde.
Caroline nous montre bien ce rapport au jardin, rapport à la sagesse, à celle que nous acquerrons petit à petit : un jardin comme lieu de vie, lieu spirituel. Mais le jardin est aussi ce lieu à l’abri du monde, fermé sur lui-même, huis clos familial, Rose nous rappelle quelques références cinématographiques.


*source Gustave MOREAU : Tentation (à lire pour les paysages de rêves de Gustave MOREAU)
*****
Je ne peux pas m’empêcher de vous emmener vers d’autres rivages, ceux de Miyazaki dans « Le voyage de Chihiro » et le rôle de la végétation dans ce manga. Pour les passionnés, vous aurez aussi quelques belles lectures dans Polia, la revue de l'art des jardins et je voulais rappeler les règles du compostage domestique.
Merci infiniment à Furoshiki, Rose, Caroline, Béatrix, Virginie, Kimoki, MAP, Léna, N-Talo, Zoéchiffon, Florizelle et Bridget.

Les Passeurs d'imaginaires n'est qu'une initiative qui trouve sa force en votre enthousiasme. J'ai eu du mal à vous fournir ce billet, j'ai ainsi augmenté les délais de participation et de mise en bouche en espérant que nous puissions ensemble faire perdurer les partages.