L’argent public ne coute pas cher

Publié le 13 août 2008 par Christophe Ournaux

J’ai eu récemment l’occasion de me plonger dans un appel d’offre de l’aéroport de Marseille pour le développement d’une nouvelle plateforme touristique en ligne, en remplacement d’un de leur ancien dispositif : www.capevasion.com. Je ne m’engagerai pas dans la critique de Cap Evasion : dès l’affichage de la home page, on perçoit d’emblée toute l’urgence qu’il y a à produire autre chose et quelques clics dans l’interface confirme ce jugement.

Dans l’appel d’offre, je relève :

“La stratégie internet de l’Aéroport s’oriente désormais vers le « one stop shop » : C’est à dire la vente en ligne de tous les produits utiles au voyageur aérien (parking, bus, services, vols, séjours, etc.)
• Sans vendre directement, l’Aéroport se veut le spécialiste des produits et services touristiques : vols, séjours, etc, au départ ou à l’arrivée de Marseille, toujours dans un souci de facilitation du voyage aérien.
• Cette stratégie permet de soutenir les lignes aériennes, en stimulant la demande
• L’Aéroport souhaite mieux connaître ses clients à travers ces outils : fidélisation et tracking d’achat.

A la différence de capevasion.com, www.mpevasion.com s’appuiera sur des technologies actuelles et permettra au final dans la dernière phase de développement une réservation complète possible chez un prestataire externe agence de voyages.”

Et l’objectif de ce nouveau site n’est pas mince puisqu’il s’agit juste de multiplier par 10 le nombre de visites au bout de 6 mois ! A terme, “l’objectif est de 100 réservations par mois, attendu au bout de 6 mois.”
Alors, je sors ma calculette:
- budget global de la première année (tranches conditionnelles inclues) : 125 K €
- nombre de réservations première année ( environ 270 les 6 premiers mois, puis, 100 par mois) : 870 réservations.
-> coût d’acquisition d’une réservation : 143 €

Mazette ! Moi, si on me propose 143 € en affiliation par réservation lambda, je signe tout de suite !

Faut dire que les gars qui ont pondu l’appel d’offre sont des cadors de l’internet qui ont tous compris, la preuve:

“L’internaute d’aujourd’hui se renseigne sur le Web avant d’acheter un voyage.
Il peut l’acheter en ligne s’il est “internaute averti”
Il peut rechercher simplement des informations et comparer les prix s’il est “internaute affirmé”.

Il peut également flâner à la recherche d’un projet d’évasion pas réellement précis mais à la recherche d’une destination, d’une promotion, d’une nouveauté.”

Hé, si ça c’est pas de la super top analyse de bat’consultant, ça ?

Je poursuis:

“Les jeunes (étudiants) et les seniors seront des cibles à développer mais non prioritaires”

. Wouarf ! Allons-y sur l’élargissement du rateau, histoire que, tant qu’à faire, la tarte à la crème soit la plus fade possible !

Je vous épargne la critique de la dimension technique qui fleure bon l’internet de la préhistoire, mais je ne résiste pas à vous livrer les specs pour le referencement, à se cogner le cul par terre :

• Insertion des métas tags
• Optimisation des métas tags
• Méta tags dynamiques
• Optimisation du contenu
• Intégration des métas dans la base de données
• Référencement Naturel
• Intégration dans plus de 200 annuaires internet.
• Requêtes à optimiser

Avec un peu de chance, “requêtes à optimiser”, c’est une manière (administrative ou savante ?) de parler d’URL rewrighting, et “Optimisation du contenu” signifie “structuration du contenu”, auquel cas, l’essentiel est sauvé, mais bon, j’extrapole …

Bref, je vais arrêter le massacre, (ç’est pas beau de tirer sur les ambulances) pour arriver à ma conclusion :

1° - quand le secteur public arrêtera t’il de claquer l’argent de nos impôts sans se préoccuper de résultats concrets ou juste de pertinence ? (L’aéroport de Marseille Provence est une émanance de la CCI )

2° - quand le secteur public sera t’il capable d’embaucher de vrais consultants, pour faire de vrais projets avec de vrais objectifs, sérieux, et mesurables ?

Alors, me direz-vous, toi, le consultant “ouaib de point zero” qui te la pète à dénigrer le travail des autres, qu’est-ce que tu aurais fait avec 125 k € pour nos braves amis de l’aéroport de Marseille Provence ? Et bien, que dalle, car c’est pas l’armée du salut ici, et il faut payer pour voir Mais bon, admettez d’une part que c’est pas bien compliqué de comprendre que cet effort de soutien aux lignes aériennes est un coup d’épée dans l’eau ainsi formulé et que, d’autre part, c’est pas le super top challenge pour sortir de son chapeau un truc un peu plus présentable pour flamber ce budget, non ?

Oups, en relisant ce billet, je me rend compte que le ton du “e-consultant” commence à déteindre sur moi …