César et Dieu : vivre sa foi, en politique, sans compromis

Publié le 14 août 2008 par Micheljanva

On parle beaucoup, aux États-Unis, d’un récent livre, surtout avec l'approche des les élections présidentielles. Son auteur est Charles J. Chaput, archevêque de Denver et candidat à deux archidiocèses de premier rang dont le siège est vacant : New York et Chicago. Le titre du livre en laisse deviner le contenu: "Render Unto Caesar. Serving the Nation by Living Our Catholic Beliefs in Political Life". Il est juste de rendre à César ce qui lui appartient. Mais on sert la nation en vivant sa propre foi catholique dans la vie politique. Mgr Chaput s’oppose fermement au courant culturel qui prévaut dans les médias, les universités et parmi les activistes politiques : un courant qui voudrait exclure la foi de la vie publique. Il lance aussi un défi à la communauté catholique américaine. Aux États-Unis, on compte 69 millions de catholiques, soit un quart de la population. Au Congrès, plus de 150 parlementaires se déclarent catholiques. Un sénateur sur quatre est catholique. A la Cour Suprême, ils forment la majorité. Mais l’auteur du livre s’interroge : en quoi sont-ils différents ?

Mgr Chaput est l’un des évêques américains ayant les positions les plus nettes sur l’avortement. Dans la controverse sur la communion aux hommes politiques catholiques “pro choice“, il affirme que celui qui ne suit pas l’enseignement de l’Église sur l’avortement n’est plus en communion avec la foi et se sépare de la communauté des fidèles. Par conséquent, il fait preuve d’hypocrisie s’il reçoit la communion eucharistique. Le livre de Mgr Chaput incite les catholiques à vivre pleinement leur foi, sans compromis. Le livre de Mgr Chaput a également suscité beaucoup d’intérêt à Rome. Le jour même de sa parution, le 12 août, L’Osservatore Romano lui a consacré une longue critique. Extrait de l'ouvrage :

"Premièrement, lorsque les catholiques prennent leur Église au sérieux et agissent selon ce qu’elle enseigne au monde, quelqu’un – et souvent quelqu’un qui a du pouvoir – ne va pas être content. Deuxièmement, dans la politique américaine récente, la séparation entre le "témoignage prophétique" et la "violation de la séparation de l’Église et de l’État" dépend généralement de la personne qui définit la ligne de partage, de celui qui est offensé, et du sujet de désaccord. La séparation change constamment. Mais les catholiques, quand ils essaient de vivre leur foi, ne peuvent pas choisir le confort."

Le point central de la position de l’auteur est que la foi, bien qu’étant intensément et naturellement personnelle, n’est jamais privée. Le rapport avec Dieu à travers Jésus-Christ est inséparablement un rapport avec les autres en Jésus-Christ. Mais, au delà même de cette considération, la foi biblique a toujours des implications sociales et même politiques. Et l’accomplissement de la révélation en Jésus-Christ ne fait qu’intensifier la vocation du croyant à favoriser la venue du Royaume dans toutes les dimensions de la vie humaine.

La doctrine sociale de l’Église catholique, depuis l’encyclique "Rerum Novarum" de Léon XIII jusqu’au récent discours de Benoît XVI aux Nations Unies en passant par la constitution "Gaudium et Spes" de Vatican II, est l’application constante de cette tradition prophétique aux contextes changeants de l’histoire du monde. La conviction de Mgr Chaput s’exprime ainsi :

"L’Église ne revendique aucunement le droit de dominer le royaume séculier. Mais elle a tout à fait le droit – c’est même une obligation – de retenir l’attention de l’autorité séculière et de mettre ceux qui l’exercent au défi de satisfaire les exigences de la justice. En ce sens, l’Église catholique ne peut pas rester, n’est jamais restée et ne restera jamais 'hors de la politique'. La politique implique l’exercice du pouvoir. L’usage du pouvoir a un contenu moral et des conséquences humaines. Le bien-être et la destinée de la personne humaine font clairement partie des préoccupations, et des compétences particulières, de la communauté chrétienne" (pp. 217-218).

"Que doivent faire aujourd’hui les catholiques pour leur pays ? La réponse est : Ne mentez pas. Si nous nous disons catholiques, nous devons le prouver. La vie publique aux États-Unis a besoin de gens qui acceptent de prendre position, seuls, sans excuses, en faveur de la vérité de la foi catholique et des valeurs humaines communes qu’elle défend" (p. 197).

Michel Janva