La Masse forêt, de Luc Bénazet(éd. P.O.L.)

Publié le 04 décembre 2022 par Onarretetout

Je me sens devant ce livre comme un enfant, un qui ne parle pas, qui entend d’abord un volume sonore, puis, peu à peu, parvient à isoler des mots, du langage, l’intégrant — ou faudrait-il dire l’ingérant ? —, pour à son tour dire ces mots. Les parents se réjouissent. Savent-ils qu’ils — eux-mêmes après leurs parents — reproduisent un schéma d’autorité, d’obéissance ? C’est ce qu’affirme Luc Bénazet dans ce livre :

« La langue que je parle est d’abord la langue parentale — d’abord et aussitôt la langue nationale. Elle est le lieu de la communauté imaginaire. »

Et il affirme à la ligne suivante :

« L’apprentissage de la langue parentale est matrice de l’obéissance. »

Ainsi donc la langue ne libère pas mais est un instrument d’oppression. Luc Bénazet est poète : quels mots utiliser donc ? Comment parler pour être libre ?

Il m’arrive souvent, quand j’écris avec un clavier, de briser un mot, de le tordre involontairement, de chercher en tâtonnant à le former selon les règles du dictionnaire, c’est-à-dire sans faute. Par exemple, là où Luc Bénazet écrit : « écote » et plus loin « écoute », j’écris moi-même « école » et plus loin « écoule ». Est-ce que le dictionnaire m’aide ?  « Le dictionnaire est l’image trompeuse d’un lieu commun qui existerait pour tous », met en garde Luc Bénazet.

Ce livre tente « des formes par dislocation, plutôt qu’agglutinées ». Ou même, on pourrait dire : par dislocution.