Cinema Paradiso****************************Moi, Christiane F., 13 Ans, Droguée, Prostituée d'Uli Edel

Publié le 04 février 2023 par Hunterjones
Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une de mes trois immenses passions: Le cinéma!

Je l'ai largement consommé, le consomme encore bouliquement, l'ai étudié, y ai travaillé, y ai été récompensé, m'en suis retiré, mais le cinéma n'est jamais sorti de ma personne. 

Je vous parles d'un film qui m'a charmé par son histoire, sa réalisation, ses interprètes, sa photographie, ses thèmes, sa cinémarographie, son audace, bref, je vous parles d'un film dont j'ai aimé pas mal tous les choix.  

MOI, CHRISTIANE F. 13 ANS, DROGUÉE, PROSTITUÉE d'Uli Edel

1982. J'ai 10 ans. Mais je ne vois ce film à sa sortie (sorti en 1981, en Europe). Je le vois 3 ou 4 ans plus tard. À l'âge de Christiane Felschrinow dans ce film. Natja Brunckhorst, la jeune actrice de 13 ans qui l'incarne, avait effectivement 13 ans, quand Uli Edel l'a engagée. 

Il s'agit d'un film relativement horrifiant tiré de faits vécus, ce qui rend le visionnement encore plus bouleversant. Christiane F. est le portrait d'une jeune allemande qui, entre 13 et 15 ans, a plongé dans les horreurs de la dépendance à la drogue, s'est soumise à la prostitution, en flirtant avec la mort. Le film avait fait sensation en Europe quand et le film, et le livre duquel il était adapté, de Kai Hermann et Horst Rieck, Wir Kinder Vom Bahnhof Zoo, ont fait faire fortune à leurs créateurs. La vraie Christiane avait attirée l'attention une première fois comme témoin/victime d'un homme en procès pour avoir eu des relations sexuelles avec des mineures. Un journaliste avait été touché par cette pauvre fille et l'avait rencontrée afin d'en écrire le parcours et l'histoire. Qui avait d'abord été chroniquée en 12 volets très populaires dans journal allemand. Il s'agit d'un portrait sombre de la dépendance à la drogue. Christiane ne fait que passer d'un niveau pénible à des niveaux plus pénibles encore. On la découvre comme n'importe laquelle des adolescente, en crise contre le copain de sa mère qu'elle n'accepte aucunement, écoutant sa musique trop fort et sortant trop tard le soir, dans le but de s'affranchir de sa cellule familiale réinventée. Avec des amis, à la station qu'on appelle Zoo, elle expérimente progressivement avec l'alcool, le pot, et après un concert de David Bowie, présent sur scène dans le film, avec l'héroïne, qu'elle consomme par curiosité. 

J'étais aussi un ado curieux...

Elle aime beaucoup le sentiment que ça lui procure. Elle réesaie. Des amis junkies la prévienne qu'elle pourrait devenir accro, elle ne s'en inquiète pas. "Je ne peux pas être accro si je ne fais qu'en prendre un petit peu, je peux contrôler et gérer mes consommations. 

Éventuellement, non. Assez vite, elle devient habile à s'en injecter. Et assez vite aussi, son corps pré-adolescent est offert aux plus offrants. Il est assez rare, que si jeune, vous soyez happée dans l'univers de la drogue et de la prostitution. Encore plus rare que vous le soyez sans être recrtutée par un pimp qui  gère et facilite les abus. Le film dépeint la culture de la drogue de Berlin Ouest dans les années 70. On y voit des scènes terribles comme ce junkie qui passe par-deesus la palissade d'une toilette afin d'arracher du bras le seringue de Christaine pour s'en faire un fix pour lui. On voit aussi Christiane et son copain tentant de décrocher de leur dépendance, se vomir l'un sur l'autre dans le processus. On croise des cadavres comme on croiserait de mégots de cigarettes, et des visages d'une paleur de lait à la station zoo où les regards de certains jeunes sont vidés de tout espoir de futur. Sur l'ado que j'étais moi-même, l'impact était immense. 

Le film, tourné en Allemand, a été doublé (assez mal) en anglais presque britannique et avec des expressions qui déjà, au début des années 80, étaient de 10 à 15 ans, plus vraiment d'usage ("groovy?" pour vrai? Cool n'aurait pas été mieux ?). Une version française est moins pire. Mieux encore. Une version allemande sous-titrée est toujours recommandée. Mais le (parfois triste) spectacle est d'abord pour les yeux. 

La dérive et le noir réalisme joué par des jeunes qu'on ne connassait pas donnait aussi l'impression que tout ça était plus-que-vrai. La dérive est impressionnante. 

C'est une vision de l'enfer. 

Ce n'est pas un film de princesses.   

Encore aujourd'hui, ce film sert de sérieux avertissements à ceux et celles qui seraient charmé(e)s par une telle envie de débauche.

La vraie Christiane a eu 60 ans en mai l'an dernier. Elle a eu une vie très désorganisée. 

Dont la source a fait un fascinant film. Presqu'halluciné. 

Dont Trainspotting, Requiem For A Dream ou The Basketball Diaries sont d'évidents enfants.

Mais avec des faces qui te font comprendre tout de suite que tout ça, c'est aussi du cinéma. 

Christiane F. était une plongée dans le triste vrai. Parce que ces faces-là, on ne les connaissait pas.

Mais on connaissait cet âge. Et les envies de cet âge.