Gregorio Manzur (1936-2022)

Publié le 21 février 2023 par Slal

Objet : MADRE MIA. Don Domingo, que viva por los siglos y que Dios lo haga un santo ! En mérito a ello, aqui le hago llegar esta evocacion de mi querida Madre. Soñando que pudieras publicarlo. Abrazos desde la siempre bella Paris. Gregorio.

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Quand vous recevez un tel courrier, accompagné d'un texte qui vous laisse sans voix, au fond de votre campagne andalouse, vous restez interdit, vous ne savez que faire. Il vous paraît que publier ainsi ces lignes tellement intenses va hâter le départ brusquement pressenti de votre ami. Il faut bien sûr en parler avec l'auteur. La maladie qui parcourait alors le monde ne le permet pas, et le téléphone semble bien incongru en de telles circonstances.

Quand enfin je pus repasser à Paris, je m'empressai d'appeler rue du Cherche-Midi, mais Gregorio ne put me reconnaître, invoquant avec difficulté une santé chancelante. Personne désormais pour m'informer, Alexandre de Nuñez lui-même nous ayant méchamment quittés quelque temps auparavant. Et ce n'est qu'il y a quelques jours que je découvris ce que j'appréhendais tellement. Gregorio avait enfin rejoint sa chère Mamacita.

La raison incertaine de taire son élan vers elle venait alors de disparaître, laissant place au cruel besoin d'honorer l'être cher, et le parcours incroyable du fantasque Mendocino débarqué en France en 1965. D'autres que moi sauront mieux évoquer une trajectoire aux mille facettes, touchant à l'audiovisuel, à la littérature, aux arts de l'esprit et du corps orientaux, mais notre site n'a jamais manqué de présenter son insatiable curiosité. Il serait pourtant peu opportun de ne pas mentionner ses activités incessantes, la diversité de son écriture, son goût pour une certaine solitude, ses amitiés prestigieuses (Atahualpa Yupanqui, Julio Cortazar pour ne citer qu'eux...), et bien sûr sa fidélité aux relations chaleureuses avec nous, ceux de tous les jours, habitués à partager dans une allégresse contenue un ou deux verres et quelque pitance soigneusement préparée par l'artiste lui-même. Où se cache-t-il à présent : de retour du côté de Mendoza, à la Croix de Bonnieux et ses lavandes, à Paris, dans nos bibliothèques ? Au ciel auprès de sa mère adorée en tout cas. Et bien ancré dans notre souvenir.

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