Le Ressac, de Sylvie Délèze

Publié le 06 mars 2023 par Francisrichard @francisrichard

À Toi, port d'attache de mes rêves,

que je voudrais pouvoir toujours, attendre sur le quai d'une gare,

coeur battant au rythme lent du mouvement chasseur de blues, le ressac.

Telle est l'épigraphe que Sylvie Délèze a placée au début de ce recueil de recueils de poèmes ou de proses poétiques.

À plusieurs reprises, des vers libres parlent de cette mère qu'elle ne sera pas:

Après chaque session de règles,

attendre.

Attendre que se refasse le nid.

Qui sait?

Chaque vacance, se dire

qu'une nouvelle vie peut-être

daignera poindre ici.

Des beautés du monde qu'elle ne montrera pas à ses petits. 

De ceux qui la pacifient, tel ce chanteur qui se plaint de l'absence de deux femmes aimées, Marianne et Susan:

Les chansons de Leonard

calment

le bouillon

d'enfant-sans-enfant

de fille

vide.

De belles personnes, tel ce vieil homme devenu proche:

À tailler ainsi l'herbe avec Beau-Papa,

lui qui va gaillardement sur ses nonante et une années

d'une vie laborieuse

guidée par la recherche

de la juste mesure

je vois combien il est tout beau,

dedans.

Il est également souvent question de sa mère:

Ma mère fut tout à la fois

ma gloire et ma gêne

en même temps et sous le même rapport

Sylvie Délèze aime jouer avec les mots dans les titres qu'elle donne à ses recueils comme dans certains de ses vers:

Le rire de soi fait pousser les ailes

même aux plus sales moments

Qu'il soit donné de vivre.

[...]

Oui

vraiment

comme pour passer le gué

ou le goufre

aile-toi

et le ciel

t'ailera.

Les mots, ce sont aussi ceux des dialectes de la terre des ancêtres de son Aimé:

Pays de toutes les surprises

où le général Garbibaldi in personam finit par nous héberger dans une piaule sans lit matrimonial,

où Sylvester Stallone, Madonna et Rocky Balboa

fleurissent les ronds-points, vendent des fromages de chèvre et prennent la place des Saints.

Il n'est pas étonnant qu'elle s'y plaise, elle qui aime mettre le cap vers le Sud et ne doute pas que les nuits de la Saint-Jean d'été triompheront toujours de sa mélancolie:

Une telle fièvre paysanne,

je sais,

ne peut dès lors qu'inspirer

le plus grand mépris

aux esprits raffinés,

aux esthètes du Nord,

amateurs de brumes

évanescentes ou de vers

délicatement ciselés,

pour moi qui suis un chantre

gaulois et endiablé

de l'auguste saison et de ses effusions

qui parlent à mon ventre

d'où l'âme peut renaître.

Francis Richard

Le Ressac, Sylvie Délèze, 116 pages, Éditions de l'Aire

Livre précédent:

Toccata (pour personnages) en italique (2020)