Les Mamans du Congo & Rrobin à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc, le 17 mars 2023

Publié le 19 mars 2023 par Concerts-Review

Les Mamans du Congo & Rrobin à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc, le 17 mars 2023

michel

Sur l'écriteau:

Les Mamans du Congo & Rrobin: Grande Salle, de 21:30' à 22:45

DJ Bako, ça sonne mieux que DJ Gurvan Loudoux si tu veux passer de l'électro-mandingue tropical, sentant bon le fleuve Comoé .

Très sérieux derrière ses machines, le batteur, percussionniste, deejay, balance son mix bigarré qui a plu à la jeunesse locale.

Tu quittes le jongleur peu avant la fin de sa prestation pour prendre place près du podium de la Grande Salle et remarquer une scénographie Afrique noire hétéroclite, n'ayant aucun rapport avec l'agencement scénique habituel d'un concert rock.

Si à l'arrière on note le matériel coutumier du beatmaker, celui qu'on rencontre dans le milieu rap/hip hop, du côté gauche ( pour nous) une seconde table est dressée, pas de flûtes pour vin mousseux, mais des casseroles, divers shakers et autre matériau percussif , le milieu de la scène reste ouvert, mais sur les flancs gisent, pêle-mêle, bassines, paniers, mortiers et pilons, flacons d'eau, ndungus, cornes, crécelles, couvercles, balais à poils d'okapi, balais constitués de feuilles de palme et autres ustensiles à usage domestique, qui dans le régime patriarcal africain sont essentiellement maniés par des mains féminines.

Un léger retard sur l'horaire, nous permet de faire les présentations, tu escomptais voir une demi-douzaine de mamans, elles étaient quatre: la chanteuse et percussionniste imposante et charismatique, Gladys Samba, qui dirige l'ensemble de main de maîtresse, et trois superbes choristes, danseuses, catcheuses, cuisinières, lavandières, percussionnistes, acrobates qui seront présentées en fin de parcours. Il y avait Bimba ( c'est ce qu'on compris), une grande fille qui prépare une licence et qui a donné le tournis à un voisin tombé sous le charme, Louzolo Nkodia Francia Chandeline Brode et Imbembe Argéa Bédodalsy, deux jeunes dames tout aussi performantes et souriantes.

Aux percussions, le magicien (Ar) Mel Malonga et aux machines, Robin Bastide, alias Rrobin.

Un album, portant leur nom, sortait en 2020 et un tout nouvel EP, 'Kikento', annonce un second album dans le courant de l'année.

21:40', les garçons prennent place et balancent une piste sonore noire. Surprise, trois filles, déchaussées, traversent la foule au pas de course pour simuler une échauffourée sur le podium, Gladys Samba, chaussée de bottes mimi , devant lui permettre d'aller pêcher le crabe dans la baie, se manifeste et entame un chant tribal en lari, kituba ou kikongo, tu as quelques difficultés pour différencier ces langues.

Ce qui est certain, c'est que le public, déjà, est sous le charme.

NB: les titres donnés ci-dessous doivent être pris avec les réserves d'usage en l'absence de setlist.

Battements électroniques, percussions ensorcelantes et danse fiévreuse, difficile d'y résister.

De gros beats électro lancent ' Ngaminke', un morceau rendant hommage à Mama Lemba, femme forte et protectrice.

Gros contraste entre le chant plaintif et les beats lourds, visuellement ton regard est attiré par les filles utilisant une paille géante pour ingurgiter (ou faire des bulles sonores avec) un liquide stagnant dans une cruche colorée.

Un passage en français dit ...C'est une petite source qui étanche la soif des hommes et des bêtes.. tu peux la voir et la sentir cette eau pure et fraîche, tu cèdes la place à un zèbre apeuré avant de te désaltérer à ton tour.

'Meki', les guerrières ont déposé leur sceptre et entament un chant martial sur fond hip hop, tout en maniant un balai, symbole de la femme africaine et du travail ménager.

Voici un conseil pour les gourmands, 'Dia' , d'immenses pilons pulvérisent les feuilles de manioc dans le pilier, les tam- tam sont de sortie, les femmes psalmodient une litanie noire qu'aurait appréciée Francis Poulenc.

'Sans Pagne' voit le retour des lutteuses qui, pour ne pas être surprises par l'adversaire, multiplient les sauts de gazelle et autres esquives adroites, tout en psalmodiant un choeur obsédant pour soutenir le discours de la chef.

Effervescence intense sur scène pendant 'Mbila', une berceuse rythmée, adressée aux jumeaux et jumelles.

Et comme si ça ne suffisait pas, Gladys Samba invite le public à les rejoindre sur scène pour danser avec le groupe.

Envahissement du podium et bordel euphorique.

Il y a longtemps que tu n'avais plus autant tangué, plus ou moins en mesure.

On t'a fait croire que la nouba, à l'origine, est une musique militaire, la nouba de ce soir n'avait rien de belliqueux!

Vous avez sué, il faut une accalmie, on retourne au village, car il s'agit de chanter pour émanciper la femme congolaise, le matrimoine africain doit être chanté.

Ce sera fait en battant des mains. ( ? Mwana Wu Dila?)

Un second lament enivrant , ' Nkala' suit avant un nouveau branle-bas de combat.

Les bassins sont hissés sur la tête , un combat de rue sur fond de sirène s'enclenche,...je te coupe en morceaux... lâche la chanteuse, ça craint, et la suite s'avère tout aussi féroce, les tambours incitent à la bagarre, il va falloir compter cadavres et survivants à l'issue de cette lutte sans merci.

Tu ne parviens plus à relever les titres, ' Bordel de rap', et d'autres extraits de leur discographie ont sans doute défilé!

La transe folle prend fin, il faut chanter une berceuse pour l'enfant qui pleure et puis il faut consoler la femme stérile, ' Ntima' ( = le coeur) , un titre fort qui prend aux tripes.

Le visage masqué, la troupe entame l'hymne suivant , un hip hop qui dit.. ne t'occupe pas de ma vie privée. ... avant de prendre la direction de Kinshasa pour la récolte des tubercules, sur fond percussif impétueux.

Qui paye ses dettes s'enrichit est le thème de la suivante , un titre qui précède la présentation des acteurs/actrices et la dernière tirade prévue au programme, ' Sala Sala', l'ode au travail.

Une dernière décharge ayant rendu un public, déjà chaud boulette, complètement dingue.

Forcément, elles ne pouvaient pas nous abandonner sans un bis, 'Boum' annonce l'explosion finale, car les mamans, mécontentes de leur sort servile, ont décidé de tout casser avant de revenir pour se faire tirer le portrait aux côtés de nouveaux fans ravis.

Le girls power prend parfois des formes plus drôles et plus convaincantes que les inepties balancées par une personne prônant la déconstruction !