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Lundi 16 juin 2008, Luxembourg : les pères de l’Europe

Publié le 17 septembre 2008 par Memoiredeurope @echternach

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Clausen et la Maison de Robert Schuman

La demande est régulière. Une fois il s’agit de Robert Schuman, une autre fois de Jean Monnet ou d’Alcide de Gasperi. Si en effet ces figures prestigieuses figurent dans l’itinéraire de la Paix de Lübeck à Rome, nous avons assez longtemps été sollicités par une proposition d’itinéraire des “Pères de l’Europe” qui était née dans le rapprochement de deux ambassadeurs, l’un représentant la France au Luxembourg et l’autre se trouvant il y a peu encore dans la situation inverse.Il y aurait eu du sens à inaugurer un tel itinéraire au moment de l’anniversaire de la signature des Traités de Rome, l’an passé, ou bien encore en 2002, à la fin des cinquante années de validité du Traité instituant la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier.Mais faute de volonté politique continue, par exemple en France, où Michel Barnier avait manifesté son intérêt, tandis que Philippe Douste-Blazy avait la tête ailleurs et que Bernard Kouchner prend bien garde de ne pas mêler son image à de telles vieilleries, ces Pères restent les mieux connus et tout autant les plus ignorés car les icones ne font pas des bons sujets de débat.

Je n’en veux pour preuve que le fait que Robert Schuman soit né au Luxembourg, de nationalité allemande et qu’il soit mort en France. Son père est né en France mais parlait le luxembourgeois dans son village d’Evrange en Lorraine, frontalier du pays minier. Mais il devint allemand après 1871 du fait de l’annexion. Sa mère était une luxembourgeoise de Bettembourg. Elle devint de fait allemande par mariage. Voilà donc la clef de l’énigme. 

Ce symbole là a du sens et doit être justement rappelé. Il constitue en même temps la base d’un parcours transfrontalier que les trois pays voisins s’honoreraient de mettre en place.

La maison luxembourgeoise auprès de laquelle je vais parfois me promener en montant vers le Kirchberg, regarde un petit village, Clausen, faubourg de Luxembourg Ville, qui s’est parfaitement intégré aujourd’hui au quartier des brasseries qu’il domine. Elle garde tout son calme à l’ombre de l’église en quelque sorte, comme son auguste natif.

La maison de Scy-Chazelles par contre est plus bourgeoise, un peu perdue sur les hauteurs d’un hameau des environs de Metz, dans l’étroitesse d’une rue pavillonnaire. Son jardin a été restauré comme un lieu de mémoire, mais il est d’abord potager avant d’être décoratif.

A la fin de sa vie, Schuman cultivait-il ses légumes comme il avait cultivé les semences de l’Europe ? Je ne sais.Mais dans cette proximité géographique, un sentiment de bien être se fait jour. D’abord parce que l’environnement a peu changé et ensuite parce que les difficultés constantes de l’Europe méritent que l’on se repose parfois quelques mois dans ce monde des parlers mosellans où les oppositions de frontière ont également proposé des passerelles linguistiques et des Traités de Paix.

Les Français, promoteurs du Label du patrimoine européen ont proposé Scy-Chazelles. Je ne sais pas si la plaque est déjà posée. Mais plus qu’une plaque, c’est bien d’un parcours dont il faudrait disposer.

Un promoteur de cette idée qui vient m’en parler régulièrement, Heinz-Hermann Elting de Labarre, qui habite non loin du sanctuaire schumanien, arrivera peut-être à convaincre les ambassadeurs et les ministres. Proche de l’Institut Saint Benoît, il milite parmi d’autres, le Cardinal Poupard par exemple, pour la Béatification du Père de l’Europe.

Est-ce que je dois ajouter que je suis plus sceptique à la lecture de la déclaration qu’on prête à Schuman : « La démocratie doit son existence au christianisme. Elle est née le jour où l’homme a été appelé à réaliser dans son existence temporelle la dignité de la personne humaine, dans la liberté individuelle, dans le respect des droits de chacun et par la pratique de l’amour fraternel » car j’entends trop souvent ces derniers temps une telle formule pour justifier la prééminence du christianisme, dans des cercles qui ne me semblent pas très ouverts ou dans la bouche d’un chef d’Etat dont je crois qu’il n’en pense pas moins.

Mais est-ce qu’il est impossible de faire en sorte que face à Schuman et De Gasperi, tous deux en odeur de béatification, on examine une dialectique de l’Europe, où la démocratie prenne corps dans toutes ses composantes et ses contradictions ? J’appelle Winston Churchill ou Paul-Henri Spaak dans le prétoire.

Je trouve un peu par hasard une courte citation de ce dernier en octobre 1945 alors qu’il regarde déjà la Russie avec beaucoup de crainte : « Les traités purement politiques ne sont pas des organismes vivants et, par conséquent, ne sont pas des organismes utiles. »

Je veux y voir de l’humour noir, à la belge, mais aussi de la prémonition. 


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