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Armée de "nains" ou armée de "géants" ? (co-écrit avec Anne Pallatin)

Par Jean-Louis Richard

Nains

A la tête des entreprises, ce sont les capacités personnelles des cadres de direction qui font la différence. Qu’il s’agisse d’observer, d’écouter, de décider ou de convaincre, leur personnalité reste leur principal outil de travail.

Est-il pour autant aisé d’évaluer le potentiel des futurs dirigeants ? Certains cadres croient devoir se comporter de façon à être promus et développent des comportements opposés à ceux des dirigeants performants.

La voie qui les conduit ensuite de «  nain »  à «  géant  » est plus ou moins sinueuse. Ce ne sont pas les hommes qui sont limités, c’est le regard qu’ils portent sur eux-mêmes.

Tom avait entendu parler de ce colis adressé par le grand patron à chaque nouveau directeur. Il n’avait jamais pu en savoir plus. Les initiés gardaient le secret. L’envoi provenait du bureau de Ron, son Président. C’était maintenant son tour. L’emballage céda. Une « Matriochka » de bois coloré le dévisageait. Elle avait l’allure d’un jeune cadre, simple et souriant : le modèle réduit du responsable de Swen Corp. Il l’ouvrit. Une seconde poupée gigogne apparut, puis une troisième et encore deux autres. Tom songeait à une mauvaise blague de son équipe lorsqu’une lettre glissa de la plus petite poupée. La signature de Ron. « Tom, te voilà Directeur de Swen Corp. Tu crois qu’après tant d’années d’efforts tu as fait la plus grande part du chemin. Je t’assure que ce qu’il te reste à parcourir est bien plus difficile. Je sais que tu y arriveras et voici ce que j’ai à te dire : si tu formes des collaborateurs plus petits que toi, Swen Corp deviendra une armée de nains et disparaîtra. Si tu continues l’oeuvre de tes aînés et si tu développes des collaborateurs de plus en plus grands, nous resterons l’armée de géants que nos clients récompensent depuis un demi-siècle. Que ces poupées te le rappellent à chaque instant, longue vie à Swen Corp ! »

Cette histoire vraie – Swen Corp est un nom d’emprunt – illustre le secret de réussite le mieux gardé du monde des affaires. Depuis 25 ans, j’ai eu la chance de travailler avec des dizaines de dirigeants. Je pensais au début que les résultats d’une entreprise provenaient de sa position stratégique, de ses produits, de son organisation, de ses technologies ou de ses partenariats. J’ai dû m’incliner devant les faits : le principal outil de travail des cadres de direction est tout simplement leur personnalité. Qu’il s’agisse de créer ou de tirer parti des stratégies, produits, organisations et autres facteurs de succès, le comportement de chacun et la solidarité des équipes font toute la différence.

Armée de « nains » ou armée de « géants » ?

Quelques entreprises évoquent l’armée de géants. Leurs dirigeants développent des collaborateurs toujours plus forts et responsables, qui forment à leur tour des équipes de haut vol, et ainsi de suite. Pour ces entreprises, il n’existe pas de conjoncture contraire. Leur croissance est régulière, leurs profits se jouent des standards de leur secteur et leurs concurrents les envient. Dans des métiers sinistrés, ce sont les seules qui survivent. Sur des marchés en expansion, ce sont les premières à profiter de la manne. Chaque génération lègue à la suivante un héritage plus riche.

D’autres entreprises font penser à une armée de nains. Elles peuvent acheter les meilleures technologies, prendre le contrôle des meilleurs concurrents, recruter les meilleurs cadres, rien n’y fait. Le potentiel de leurs cadres, et donc de leurs futurs dirigeants, reste limité. Dans des conditions normales de marché, elles consomment plus de valeur qu’elles n’en produisent. Seules des conditions très favorables leur permettent de réussir. Chaque génération accuse la précédente avant de répéter les mêmes erreurs.

Dans les groupes que j’ai observés, une large part de cet effet «  géant ou nain » provient de l’écart entre les qualités nécessaires au cadre pour accéder au comité de direction et celles qui sont attendues de lui pour développer et faire réussir son unité. L’encadré ci-dessous illustre ces différences : à gauche les cadres à développer, à droite les dirigeants sans limites. Jim Collins décrit ce phénomène, qu’il baptise Level 5 Leadership, pour expliquer l’écart entre les bonnes entreprises et les très puissantes.

Michel, parfait manager.

Michel avait 41 ans et venait d’accéder à la direction d’une unité de son groupe. Bons diplômes, tête bien faite, beaucoup d’énergie. Un homme de son talent pouvait juger n’avoir plus rien à apprendre. Je lui demandai pourquoi il souhaitait se faire coacher.

Sa réponse fut directe : « Notre groupe doit aujourd’hui affronter un tournant difficile. Mon nouveau patron n’a que six ans de plus que moi. Il parait plus fort et plus brillant, mais aussi plus modeste et plus opiniâtre que tous mes patrons précédents. Je veux trouver moi aussi cette confiance profonde en moi et mes équipes qui nous permettra de réussir l’impossible. Face à lui, je découvre que j’ai encore un immense chemin à parcourir. Il m’a conseillé de choisir un coach pour travailler sur moi ».

Quelques mois plus tard, Michel était promu et proposait à ses collaborateurs de choisir un coach à leur tour. Un an plus tard, l’esprit d’équipe et la richesse des relations à haut niveau dans ce groupe n’avaient plus rien de commun avec le passé.

Comment réussir des exploits ?

Il arrive qu’une entreprise soit condamnée à réussir des exploits pour survivre : redresser en peu de temps son exploitation, se renouveler ou changer brutalement de dimension. J’ai toujours rencontré, à l’origine de ces exploits, une équipe de dirigeants modestes et sereins, poursuivant leur mission avec autonomie et opiniâtreté, et très liés entre eux.

Le coaching de croissance libère les ambitions, renforce les engagements et les liens, et aide chacun à progresser avec l’entreprise en se sachant reconnu et soutenu. Les changements profonds sont rendus possibles. Quand quelques cadres se partagent la direction d’une unité, c’est la somme de leurs liens humains, en termes de confiance et de solidarité sur leurs objectifs communs, qui fait la différence. Les «géants» qui ont travaillé sur eux pour atteindre leur équilibre professionnel sont à l’écoute de chacun et savent établir des liens riches avec leurs pairs et leurs collaborateurs. Rien n’arrête leur progression.

Cadre – coach : une relation fondatrice

Le coach de croissance est en rapport régulier avec son client. Il aide à préparer des réunions, à mener des entretiens avec d’autres responsables, à animer des ateliers de travail, à accompagner un projet ou à prendre une décision délicate. Il conduit son client à tirer profit de chaque nouvelle expérience pour grandir et s’enrichir. Le coach ne juge pas. Il écoute avec une intensité particulière. Il explore en faisant écho à ce qu’il entend. Il perçoit les émotions. Son regard permet de mettre en lumière des aspects jusqu’alors ignorés des actes de son client et fait surgir des opportunités inattendues.

Le coach procure au cadre dirigeant la force d’un lien fondateur. Le regard qu’il porte sur son client lui permet de repousser ses limites. C’est dans cette intimité professionnelle et humaine que naissent les pratiques et les nouveaux comportements souhaités.

Le profil du coach, garantie du résultat

Ancien dirigeant, c’est un homme-ressource qui a appris à agir en profondeur pour accélérer les mutations. Il puise dans son expérience pour faire émerger les chemins d’apprentissage et les nouveaux points de vue, sans occuper la position d’expert. Son empathie lui permet de rejoindre son client et de l’accompagner dans ce qu’il vit. Il s’appuie lui-même sur un travail personnel et un apprentissage de plusieurs années.

Il est tenu à une éthique personnelle et à un strict devoir de confidentialité professionnelle et se fait superviser pour maintenir sa neutralité et s’améliorer. Dans l’exercice de cette profession aux pratiques peu codifiées, il ne s’enferme dans aucune école et étudie en permanence. Il respecte une déontologie rigoureuse et s’interdit par exemple de coacher deux cadres concurrents entre eux. C’est pourquoi de tels coachs interviennent toujours en équipe, pratiquant pour eux ce qu’ils apportent à leurs clients.

Quels résultats attendre de ce coaching de croissance ?

Après neuf à douze mois des changements apparaissent, comme :

- le comportement plus serein du cadre, sa capacité d’écoute, son ouverture aux faits, sa qualité de décision, son calme et sa sincère détermination,

-   son équilibre personnel, sa créativité, sa capacité de discernement, son estime de soi, sa satisfaction professionnelle et son désir de construire,

-  le niveau d’ambition et la clarté des objectifs, le renforcement des valeurs et de l’identité collective de l’entreprise,

- l’intensité de la communication et des liens entre le cadre et ses collaborateurs, l’autonomie, le niveau de confiance et d’implication au sein de ses équipes, le désir d’innover et l’énergie de construire ensemble,

- et, de proche en proche, les engagements, les comportements individuels, la capacité de décision et la performance d’équipe.

Ces résultats donnent envie d’aller plus loin. Lorsque plusieurs responsables travaillent à leur tour sur eux, les valeurs de l’entreprise s’affirment et les effets sur l’organisation se cumulent. Le coaching devient une dynamique d’entraînement et un standard de travail en équipe. La croissance interne s’accélère. L’entreprise change et se développe sur ses marchés qu’elle contribue à enrichir. Plus féconde, elle n’a par exemple plus forcément à recruter des nouvelles têtes ou à racheter des concurrents pour brûler leurs ressources.

Comment passer à l’acte ?

Le coaching de croissance des cadres dirigeants est proposé suivant des formules d’abonnement sur neuf à douze mois. Les objectifs et les coûts sont fixés à l’avance. Le client dispose d’un accès illimité à son coach, en tête-à-tête, au téléphone et par mail. Les séances de travail durent deux à trois heures, parfois plus. Elles sont espacées d'une à quatre semaines.

Quelques réseaux mondiaux ont établi des standards de qualité rigoureux en concertation avec leurs grands clients. Il est commode de s’y référer pour établir un contrat de croissance fixant les engagements réciproques.

Bon voyage si le coeur vous en dit !

Le cadre à développer...

Le dirigeant sans limites...

- excelle dans un domaine et défend ses points de vue

- se sent au sommet de ses capacités et craint la montée en puissance de ses collaborateurs

- a souvent l’impression de jouer un rôle

- dépend des jugements portés sur lui et s’efforce de plaire

- est tendu et anxieux de réussir

- manoeuvre selon les circons-tances pour arriver à ses fins

- dissèque et analyse les rapports humains

- sait comment tirer parti de tous ceux qui peuvent être utiles

- s’appuie sur ce qu’il sait

- se fie aux rapports et états de gestion

- croit que chacun a un niveau qu’il ne peut dépasser

- se félicite de ses succès et blâme les autres de ses échecs

- est toujours pris et le plus souvent en réunions formelles

- améliore l’existant par actions incrémentales

- défend ses intérêts et les avantages attachés à sa fonction

- atteint ses objectifs et réclame plus de moyens pour faire mieux

- écoute avec modestie et s’appuie sur ses réseaux

- travaille sur lui pour progresser et développe à son tour des « géants »

- est la même personne en toutes circonstances

- poursuit sa mission avec opiniâtreté et indépendance

- est calme et confiant

- travaille en équipe pour atteindre le but de l’entreprise

- nourrit des liens humains riches et profonds

- respecte chacun pour la personne qu’il est

- cherche ce qu’il ne sait pas

- dévoile des faits que personne n’avait vus avant lui

- sent que chacun gagne à repousser ses limites

- félicite les autres de ses succès et travaille sur ses échecs

- reste disponible pour chacun, souvent en réunions informelles

- transforme radicalement et en profondeur

- vise l’intérêt collectif et l’équité à tous les niveaux

- imagine l’impossible puis invente les moyens d’y parvenir


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