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Vendredi 31 octobre 2008 : Tomar, dans les pas des Templiers

Publié le 14 novembre 2008 par Memoiredeurope @echternach

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De Grenade à Lisbonne, il y a l’espace d’une frontière, mais une large partie d’histoire commune relie deux faces d’une même péninsule qui ont toutes deux connu la période musulmane, puis la Reconquête catholique, l’émigration des Juifs, la vision fascinante de l’Amérique du Sud, la richesse venue d’au-delà des mers, l’arrogance coloniale, l’intégrisme catholique et la douleur des dictatures. J’en oublie certainement.

Les circonstances ont voulu que la réunion de Grenade se termine une journée avant que la réunion organisée par le Ministère du Tourisme du Portugal ne commence. Une réunion placée sous le titre de « Touring and Heritage » ou en portanglais « Touring e Património ». Réunion très officielle puisqu’elle a été résolument préparée dans le cadre du plan stratégique pour le tourisme, en suivant une des dix priorités, celle qui identifie les patrimoines culturel et naturel comme des ressources nouvelles pour un tourisme qui doit quitter la place du sud, pour désenclaver des sites d’intérêt mondial.

C’est au cours d’une formation donnée en mai dernier à Luxembourg que le contact a été établi avec Margarida Alçada et Maria Coelho, chevilles ouvrières de cette réunion ouverte par le secrétaire d’Etat au tourisme Bernardo Trindade, le Président de l’Institut portugais du Tourisme, le Directeur de l’Institut du Patrimoine et le Président de la Commission Nationale de l’UNESCO. Enfin, un colloque très officiel en effet, tenu dans un site prestigieux, le Couvent du Christ de Tomar, classé au patrimoine mondial.

Les intervenants portugais venaient de toutes les institutions qui comptent, du Centro Nacional de Cultura de Lisbonne, en passant par la Fondation Serralves de Porto, le Musée des Carrosses de Lisbonne…Quant aux pays européens, l’expériences des itinéraires d’Al-Andalus présentées par mon ami Manuel Peregrina, celle de la valorisation de la culture dans la ville d’Arles détaillée par le Directeur du Tourisme Jean-Pierre Bœuf, celle du rôle du Patrimoine culturel de Castilla e Leon parcourue par la Directrice Générale du Patrimoine Ana Carmen Pascual Diez et enfin deux expériences anglaises, un peu exotiques dans ce contexte : le rôle de l’interprétation du patrimoine dans le Shropshire anglais (Nigel MacDonald) et la gestion d’un Parc historique, celui de Levens Hall dans le Lake District (Chris Crowder).

Toutes ces données seront résumées ou publiées sur le site du Ministère, mais mon propos sera certainement plus impressionniste.Une telle rencontre, forcément un peu disparate, mais merveilleusement organisée, est bien entendu l’occasion de discussions et de contacts personnels. Mais en l’occurrence ce qui m’a frappé, est la curieuse réticence que l’on ressent encore de la part des responsables du patrimoine vis-à-vis des touristes qui, dans un passé récent, ne faisaient que des incursions rares et prudentes, pour ne pas dire cultivées, dans l’arrière pays.

Lisbonne est devenue, en particulier après les expositions mondiales, puis l’année de capitale européenne de la culture, une destination de week-end. Et les nombreux visiteurs français et allemands reliés aux vacances de la Toussaint dans leur pays d’origine, en constituaient  une brillante démonstration. 

En ce qui concerne Porto, je ne peux pas vraiment me prononcer sur l’évolution récente qui doit être réelle depuis que la ville a été, elle aussi, capitale européenne de la Culture. Je n’ai traversé la capitale du nord du Portugal l’an passé que de loin et ma connaissance des rues et des musées, comme du patrimoine industriel (coton et soie) et viticole date de plus de dix années. Lorsque Isabel Alves Costa, Directrice du Théâtre Rivoli m’a fait rencontrer Patrice Chéreau qui mettait en scène le texte de Bernard Marie Koltès  « Dans la solitude des champs de coton » (il n’y a pas de hasards) et quand José Lopes Cordeiro qui a écrit sur l’archéologie industrielle de la soie, puis de l’électricité m’a fait connaître la Vallée de l’Ave.

Mais après avoir traversé Lisbonne dans la pluie encombrée d’un jeudi soir pour aller chercher les intervenants anglais dans leur hôtel, je n’ai atteint Tomar que dans une nuit peu propice aux analyses paysagères. L’hôtel des Templiers révèle par son nom l’importance de l’Ordre du Temple et des premiers rois du Portugal.

La matinée a donc constitué une surprise, guidée rapidement, avant la visite détaillée de demain, vers les salles d’exposition et de réunion, en découvrant un gigantesque dédale de structures conventuelles, où le repas de midi, pris dans l’énorme réfectoire des moines s’est révélé lieu de sonorité artistique, dans la voix théâtrale, dans la voix du fado et dans les danses venues du continent africain ou américain, mélange donnant soudain à l’architecture austère, témoignage d’un pouvoir terrestre et divin, une résonance exotique et multiculturelle.

Un répertoire situé entre Madredeus et Misia, d’un Fado contemporain et un peu chahuté, ouvrait soudain, dans la fumée artificielle du théâtre, les clôtures du monument.

Un à propos au cœur du sujet, finalement, puisque ce qui fait saillie dans toutes ces discussions est bien ce sentiment d’écart avec l’histoire, dans ce qu’on en dit à des visiteurs modernes, dans ce qu’on choisit de leur montrer ou de leur cacher et dans l’interprétation visuelle et sonore des destinées d’un monument.

Ainsi le monument un peu occulté par les fastes du jour, donnera mieux demain, une fois déserté par toutes les autorités, le témoignage de son contenu et de ses possibilités touristiques.

Photographies : Fado dans le réfectoire du couvent du Christ Roi et intervention du Directeur du Tourisme d’Arles lors du colloque. 


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