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Anthologie permanente : Jean-Baptiste Lysland/Thierry Bouchard

Par Florence Trocmé

La seconde absente

I.

Tu voyais la lampe, consumée à travers le soir de novembre, et se dérouler l'inutile et fastidieuse écriture ; la lampe ardente traverser ce peu de nuit qui reste à vivre ; ce peu de jour qui revient ; la mémoire, la hantise de cette jambe et la peau couleur d'or, de temps perdu, l'étoffe noire et palpitante d'été, tendue par le sein lourd de toute la sève de l'été ; et puis l'écriture recommencée, le poème perdu dans la mémoire qui revient de ce lieu où il était chair ; l'écriture encore, et cette mort, et ces années qui se font jour, et ce peu de jour qui reste avant de recommencer le poème et la mort...

II.

  Pour Dominique B.

Tu devinerais ce peu de nuit qui reste à traverser, ce peu de jour qui saurait encore avoir lieu et lumière ; et l'ombre agitant les pièces silencieuses, ce coin perdu d'un tableau perdu dans les halliers de la mémoire ; les lignes commencées de l'écriture éclairant les pages de sa nuit : ce peu de jour luisant au seuil de la page, source gelée, parole morte ; le livre du Grec oblique ouvert sur l'eau de la nuit dormante ; ce peu de jour, ce peu d'écriture qui voulait percer l'ombre, retourner au lieu de mémoire, où gît la peau d'or, une clarté sous le sein lourd offert à l'été et à la mort, dans le rougeoiement d'une étoffe, de la robe défaite...   

l'été, la couleur

  A Laurent Debut

L'été, l'on s'emparait − avec ce regard brûlé − de cette couleur frémissante et silencieuse, au secret du tableau d'ombres habitées ; ce ton de l'Unique gisant sous le temps, un coin du voile soulevé sur la mystérieuse respiration, la totale présence de cette couleur, cet été-là.

L'été, lieu perdu, langage tari à la source ; cette lumière, la mystérieuse palpitation qui s'est figée, incrustée loin sous la peau des corps devenus cassants, translucides.

Été, mémoire brisée, − qui parlait s'est tu ; cordes vocales rompues − l'archer meurt infiniment sous le soleil. Tout se retrouve sous l'alluvion, l'imparfait.

Jean-Baptiste Lysland/Thierry Bouchard, trois poèmes extraits de Treize poèmes du fleuve & du passage, éditions Thierry Bouchard, 1979

Contribution d'Alain Paire

Bio-bibliographie de Jean-Baptiste Lysland/Thierry Bouchard


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