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L’indépendance des enseignants-chercheurs

Publié le 04 mars 2009 par Nufroftsuj

Parce que le sujet est devenu incontournable pour toute personne qui travaille ou étudie à l’Université et parce que les choses sont loin d’être simples en la matière, j’ai essayé de réunir et de classer les principales décisions de justice mettant en oeuvre le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs.

Une synthèse (problématisée, évidemment) pourrait bien suivre… mais pour l’instant, place à la couleur :

Les fondements textuels de l’indépendance des enseignants-chercheurs

L’indépendance du personnel enseignant de l’enseignement supérieur : un principe de valeur législative

   Il a d’abord été reconnu par le Conseil d’Etat un principe d’indépendance du personnel enseignant de l’enseignement supérieur vis-vis à des étudiants en tant que principe de valeur législative relevant des principes fondamentaux de l’enseignement, dont l’article 34 de la Constitution de 1958 prévoit qu’ils doivent être déterminés par la loi (CE Sect., 5 avril 1974, n° 88572). Ce principe a été explicitement rattaché à la loi du 12 novembre 1968 d’orientation de l’enseignement supérieur par la juridiction administrative suprême (CE Ass., 11 juillet 1975, n° 95293).

L’indépendance des « enseignants-chercheurs » : corollaire nécessaire de leur droit à la libre communication des pensées et des opinions

   Le Conseil constitutionnel a par la suite reconnu que le droit à la libre communication des pensées et des opinions garanti par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 profitait aux enseignants-chercheurs sous la seule réserve des limitations imposées par les exigences du service public de l’enseignement supérieur, avant de considérer que ces exigences – telles que définie par la loi – impliquaient d’abord que soient assurées la libre expression et l’indépendance des enseignants-chercheurs (CC, 83-165 DC, 20 janvier 1984). Et le Conseil de constater que l’article 57 de la loi déférée à sa censure avait justement pour objet de consacrer cette libre expression et cette indépendance des enseignants-chercheurs quoi qu’elle les ait également assorties de certaines limites[1].

   On hésiterait alors à reconnaître seulement une valeur législative au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs ou à considérer que cohabitent un principe de valeur législative et un principe de valeur constitutionnelle, si le Conseil constitutionnel n’avait pris la peine, en 1993, de consacrer explicitement le « caractère constitutionnel » des principes de liberté et d’indépendance des enseignants-chercheurs (CC, 93-322 DC, 28 juillet 1993).

   Toutefois, le Conseil d’Etat continue de faire application du principe de valeur législative d’indépendance des enseignants-chercheurs (CE, 18 février 1998, n° 185553 ; précisant d’ailleurs que les professeurs agrégés affectés dans les établissements d’enseignement supérieur régis par la loi du 26 janvier 1984 bénéficient eux-aussi du principe d’indépendance énoncé par l’article 57 de cette même loi), sans que l’on sache très bien s’il n’est question que de contourner la théorie de la loi-écran ou s’il s’agit d’un refus d’une consécration constitutionnelle.

L’indépendance des professeurs des universités : un principe fondamental reconnu par les lois de la République

   La reconnaissance de ce nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République par le Conseil constitutionnel a reposé sur la prise en considération tout à la fois des responsabilités particulières qui sont confiées aux professeurs des universités par l’article 55 de la loi déférée à sa censure et des dispositions législatives antérieures relatives à la réglementation des incompatibilités entre le mandat parlementaire et les fonctions publiques (CC, 83-165 DC, 20 janvier 1984).

   En 1992, le Conseil d’Etat a repris explicitement à son compte cette conclusion du Conseil constitutionnel qu’il existait un principe fondamental reconnu par les lois de la République d’indépendance des professeurs des universités (CE, 29 mai 1992, n° 67622) ; un principe dont il a toutefois refusé le bénéfice aux professeurs agrégés affectés dans les établissements d’enseignement supérieur (CE, 17 janvier 2003, n° 229659).

   Mais deux ans plus tard, le Conseil d’Etat (CE, 12 décembre 1994, n° 135460, …) jette le trouble en soutenant que « le principe général de l’indépendance des professeurs d’université et les textes législatifs qui l’expriment » n’ont pas pour effet d’imposer, par dérogation à la règle législative selon laquelle des décrets en Conseil d’Etat portant statuts particuliers précisent, pour les corps de fonctionnaires, les modalités d’application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 (article 8 de cette même loi). S’agissait-il d’une façon de contourner, certes inutilement sur le coup, la théorie de la loi-écran en consacrant un principe général du droit reprenant le principe fondamental reconnu par les lois de la République consacré par le Conseil constitutionnel puis par le Conseil d’Etat lui-même ?

Les implications concrètes de la garantie de l’indépendance des enseignants-chercheurs

Les relations entre enseignants-chercheurs et étudiants

Le déroulement de la carrière des enseignants-chercheurs

   C’est la première question que le Conseil d’Etat (CE Sect., 5 avril 1974, n° 88572) a pu résoudre à partir du principe d’indépendance des enseignants-chercheurs : ce principe implique notamment, nous dit le Conseil d’Etat, que le déroulement de la carrière du personnel appelé à participer à l’appréciation des aptitudes et connaissances des candidats au diplôme d’architecte – et par extrapolation, le déroulement de la carrière des enseignants de l’enseignement supérieurne peut être soumis au contrôle des étudiants. Est dès lors illégale la note prévoyant que les contrats probatoires des enseignants des unités pédagogiques d’architecture ne peuvent être transformés en contrats renouvelables par tacite reconduction qu’après avis de conseils comprenant, en nombre égal, des enseignants et des étudiants.

L’évaluation des enseignements

   En 1996, le Conseil d’Etat (CE, 13 mars 1996, n° 138749) a considéré qu’en prévoyant, sur le fondement de la loi du 26 janvier 1984, que « pour chaque module ou niveau d’enseignement dispensé, une procédure d’évaluation des enseignements faisant notamment appel à l’appréciation des étudiants, peut être établie par le conseil d’administration de l’établissement, sur proposition du président de l’université, après avis du conseil des études et de la vie universitaire, ou du chef de l’établissement », l’article 24 de l’arrêté du 26 mai 1992 du ministre de l’éducation nationale relatif au diplôme d’études universitaires générales, à la licence et à la maîtrise ne saurait être regardé comme portant par lui-même atteinte au principe d’indépendance des professeurs de l’enseignement supérieur dès lors que cette procédure d’évaluation ne comporte aucune incidence sur les prérogatives ou la carrière des enseignants.

   L’année suivante, le Conseil d’Etat (CE, 29 décembre 1997, n° 188347, 188423) a précisé que c’était parce que la première forme de la procédure d’évaluation prévue par cet arrêté était exclusivement destinée à permettre « à chaque enseignant de prendre connaissance de l’appréciation des étudiants sur les éléments pédagogiques de son enseignement » et tendait ainsi seulement à permettre aux enseignants d’avoir une meilleure connaissance de la façon dont les éléments pédagogiques de leurs enseignements sont appréciés par les étudiants tout en devant être interprétée comme exigeant que seul l’enseignant intéressé ait connaissance des éléments de cette forme de l’évaluation qu’elle ne comportait ni n’impliquait aucune incidence sur les prérogatives ou la carrière des enseignants et ne saurait dès lors être regardée comme portant par elle-même atteinte au principe d’indépendance des professeurs de l’enseignement supérieur. Et le Conseil d’ajouter, par le même arrêt que s’il en va de même pour la seconde forme de la procédure d’évaluation prévue par cet arrêté, alors même qu’elle a trait à l’organisation des études dans la formation concernée et qu’elle comporte la mise en place, pour chaque formation, d’une commission comprenant des représentants élus des étudiants et des enseignants, c’est parce qu’elle ne prévoit pas la possibilité pour cette commission d’avoir communication des éléments recueillis pour chaque enseignement dans le cadre de la première forme de la procédure d’évaluation.

Le fonctionnement des organes collégiaux de l’université en général

   En 1984, le Conseil constitutionnel (CC, 83-165 DC, 20 janvier 1984) a considéré que ne méconnaissait pas le principe fondamental reconnu par les lois de la République d’indépendance des professeurs des universités la disposition législative (loi du 26 janvier 1984) prévoyant que les conseils scientifiques, chargés (…), ne comportaient pas de représentants des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service et ne faisait place, pour les étudiants qu’à une représentation des étudiants de troisième cycle, et donc engagés dans la recherche, dans une proportion maximale de 12,5 %, ni plus que celle prévoyant que les conseils des études et de la vie universitaire, chargés de (…), ne comportaient des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service que dans une proportion maximale de 15 % et ne faisait place, pour les étudiants, qu’à une représentation maximale de 40 % (i.e. égale à celle des enseignants-chercheurs).

   En 1998, le Conseil d’Etat (CE, 10 juin 1998, n° 187348) a considéré que le décret prévoyant que le conseil d’université, organe délibérant de l’université d’Agen, comprend vingt-cinq membres, dont quatre représentants des professeurs des universités, quatre représentants des autres enseignants, deux représentants des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service et deux représentants des usagers et précisant son mode d’élection permet d’assurer tant l’indépendance des professeurs des universités que la représentation propre et authentique des professeurs, des enseignants-chercheurs, des autres personnels et des usagers conformément aux exigences de l’article 21 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée.

Les relations entre doctorants et directeurs de thèse

Le recours à un médiateur

   En 2000, le Conseil d’Etat (CE, 20 mars 2000, n° 202295) a considéré si la charte-type annexée à l’arrêté (…) dispose qu’ « en cas de conflit persistant entre le doctorant et le directeur de thèse ou celui du laboratoire, il peut être fait appel par chacun des signataires… à un médiateur qui… écoute les parties, propose une solution et la fait accepter par tous en vue de l’achèvement de la thèse », cette procédure, qui est dépourvue de tout caractère obligatoire, doit être mise en œuvre « sans dessaisir quiconque de ses responsabilités », de sorte qu’elle ne saurait être regardée comme portant atteinte au principe de l’indépendance des enseignants-chercheurs.

La composition du jury de soutenance

   Dans la même affaire (CE, 20 mars 2000, n° 202295), le Conseil d’Etat a considéré qu’en prévoyant que la composition du jury de soutenance est soumise au chef d’établissementpar le directeur de thèse « en concertation avec le doctorant », sans imposer un accord de celui-ci, le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie n’a pas méconnu le principe de l’indépendance des enseignants-chercheurs.

La désignation d’un nouveau directeur de thèse

   (Voir « Les relations entre les enseignants-chercheurs et les autorités administratives des établissements de l’enseignement supérieur »)

Les relations entre les professeurs des universités et les autres enseignants-chercheurs

Le fonctionnement des organes collégiaux de l’université en général

   En 1984, le Conseil constitutionnel (CC, 83-165 DC, 20 janvier 1984) a considéré que méconnaissait le principe fondamental reconnu par les lois de la République d’indépendance des professeurs des universités la disposition législative (loi du 26 janvier 1984) prévoyant que les représentants des enseignants-chercheurs se fait par un collège électoral unique, nonobstant le fait qu’elle ait également prévu que les représentants des enseignants-chercheurs comptaient en nombre égal des professeurs des universités et des enseignant-chercheurs n’ayant pas ce grade. Le Conseil a justifié cette solution par le fait qu’il existait une disproportion numérique entre le corps des professeurs et celui des autres corps d’enseignants-chercheurs. Etonnamment, le Conseil a par la même occasion considéré que cette disposition méconnaissait également l’indépendance des autres enseignants-chercheurs. Quoi qu’il en soit, le Conseil a déduit de ces deux principes que les uns comme les autres devaient bénéficier d’une représentation propre et authentique dans les conseils de la communauté universitaire.

   En 1992, le Conseil d’Etat (CE, 29 mai 1992, n° 67622) a repris explicitement à son compte cette idée qu’il résulte du principe fondamental reconnu par les lois de la République d’indépendance des professeurs des universités que ces derniers doivent bénéficier d’une représentation propre et authentique dans les conseils de la communauté scientifique et ainsi que l’instauration d’un collège unique pour l’élection desdits conseils, regroupant les professeurs et d’autres catégories d’enseignants ou d’enseignants-chercheurs qui ne peuvent leur être assimilés, était illégale. Etrangement, il (CE, 29 juillet 1994, n° 66966) a considéré deux ans plus tard que des maîtres de conférences et maîtres assistants n’étaient pas fondés à se prévaloir de la décision 83-165 DC rappelée ci-dessus à l’encontre d’une disposition réglementaire définissant les collèges électoraux, dès lors que cette décision n’aurait censuré l’instauration du collège unique par une disposition législative qu’en tant qu’elle portait atteinte à l’indépendance des professeurs d’université.

   En 1988, le Conseil d’Etat (CE, 2 mars 1988, n° 64534, 64682) a considéré qu’en revanche, ne méconnaissait pas le principe fondamental reconnu par les lois de la République d’indépendance des professeurs des universités la disposition réglementaire prévoyant qu’un collège électoral unique serait institué pour la désignation des représentants du personnel au sein du comité technique paritaire central des enseignants-chercheurs de statut universitaire, dès lors que ce comité ne connaît d’aucune question d’ordre individuel et que ses attributions, de caractère purement consultatif, concernent uniquement l’élaboration et la modification des règles statutaires.

   En 1994, le Conseil d’Etat (CE, 9 novembre 1994, n° 96946) a considéré que dès lors que les maîtres de conférences, maîtres-assistants, et chefs de travaux représentent 40 % de l’effectif total des commissions de spécialistes, une représentation propre et authentique leur est garantie et ainsi leur indépendance n’est pas méconnue. Le 2° du premier alinéa de l’article 3-1 du décret (…), qui prévoit ce pourcentage, n’est donc pas illégal.

   En 1998, le Conseil d’Etat (CE, 10 juin 1998, n° 187348) a considéré que le décret prévoyant que le conseil d’université, organe délibérant de l’université d’Agen, comprend vingt-cinq membres, dont quatre représentants des professeurs des universités, quatre représentants des autres enseignants, deux représentants des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service et deux représentants des usagers et précisant son mode d’élection permet d’assurer tant l’indépendance des professeurs des universités que la représentation propre et authentique des professeurs, des enseignants-chercheurs, des autres personnels et des usagers conformément aux exigences de l’article 21 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée [doublon].

   En 2005, le Conseil d’Etat (CE, 8 juillet 2005, n° 266900) a considéré qu’en prévoyant que le conseil d’administration de l’université Paris-Dauphine comprend treize représentants élus des professeurs des universités et personnels assimilés sur soixante membres en-dehors du président, que le conseil scientifique de l’établissement comprend douze représentants élus des professeurs des universités et personnels assimilés sur trente membres en-dehors du président et que le conseil des études et de la vie universitaire de l’établissement comprend six représentants des élus des professeurs des universités et personnels assimilés sur trente membres en-dehors du président, le décret (…) a assuré aux professeurs des universités une représentation propre et authentique et ne méconnaît donc pas le principe constitutionnel d’indépendance des professeurs des universités.

   Dans la même affaire (CE, 8 juillet 2005, n° 266900), le Conseil d’Etat a considéré qu’en prévoyant que le conseil d’administration, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire de l’université Paris-Dauphine ne peuvent valablement délibérer que si la majorité de leurs membres en exercice sont présents ou représentés sans prévoir de surcroît un quorum spécifique pour les représentants des professeurs des universités, le décret (…) n’a pas méconnu le principe constitutionnel d’indépendance des professeurs des universités.

La répartition des enseignements

   En 1988, le Conseil d’Etat (CE, 2 mars 1988, n° 61165, 61472) a considéré qu’aucune disposition législative ni aucun principe général n’ayant donné aux seuls professeurs des universités la « compétence exclusive » pour effectuer la répartition des enseignements, la participation des maîtres de conférence à cette opération ne saurait être perçue comme portant atteinte à leur indépendance.

L’attribution des primes d’encadrement et de recherche

   En 2000, le Conseil d’Etat (CE, 22 mars 2000, n° 195638, 195639) a considéré que l’indépendance des professeurs de l’enseignement supérieur impose notamment, sous la seule réserve des prérogatives inhérentes à l’autorité investie du pouvoir de nomination, que, dans le cadre du déroulement de leur carrière, l’appréciation portée sur la qualité scientifique des travaux de ces enseignants ne puisse émaner que d’organismes où les intéressés disposent d’une représentation propre et authentique impliquant qu’ils ne puissent être jugés que par leurs pairs. Il en résulte, selon lui, que la Commission nationale de recours chargée d’émettre un avis sur l’attribution des primes d’encadrement doctoral et de recherche, instituée par l’article 4 du décret du 12 janvier 1990 doit, lorsqu’elle procède à l’évaluation des travaux effectués par les enseignants chercheurs au sein des écoles doctorales, siéger dans une formation restreinte aux seuls professeurs d’université dès lors qu’elle est appelée à se prononcer sur les mérites de ces derniers.

Les relations entre les enseignants-chercheurs et les autorités administratives des établissements de l’enseignement supérieur

Le recrutement des candidats

   En 1994, le Conseil d’Etat (CE, 12 décembre 1994, n° 135460, …) a considéré que la disposition réglementaire prévoyant que le conseil d’administration d’un établissement de l’enseignement supérieur peut s’opposer au recrutement des candidats retenus par la commission de spécialistes n’est pas contraire au principe de l’indépendance des enseignants-chercheurs dans la mesure où ce pouvoir n’implique pas une modification de l’appréciation portée sur leurs mérites par cette instance, mais relève d’une appréciation administrative de l’opportunité de leur recrutement et s’inscrit dans le cadre du pouvoir de détermination de la politique de l’établissement confié au conseil d’administration par l’article 28 de la loi du 26 janvier 1984.

La modulation des services d’enseignement

   En 1988, le Conseil d’Etat (CE, 2 mars 1988, n° 61520) a considéré que la disposition réglementaire prévoyant la possibilité de moduler les services d’enseignement des enseignants-chercheurs en fonction du degré de participation de chaque enseignant-chercheur aux missions autres que d’enseignement définies à l’article 3 du même décret ou de responsabilités particulières qu’il assume ne méconnaît pas le principe de l’indépendance des enseignants-chercheurs, dès lors que cette disposition prévoit qu’une telle modulation ne peut être effectuée sans l’accord des intéressés[2].

   En 2003, le Conseil d’Etat (CE, 11 juin 2003, n° 242058) a considéré qu’en prévoyant que les enseignants chercheurs qui exercent auprès des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche des fonctions d’expertise et de conseil peuvent, sur leur demande, être déchargés des deux tiers du service mentionné au troisième alinéa de l’article 7 du décret du 6 juin 1984, les huitième et neuvième alinéas de ce même décret (tels qu’ils résultent du décret du 16 mai 2001) ont eu pour seul objet de compenser la charge de travail que représentent ces fonctions d’expertise pour les intéressés, sans modifier leurs prérogatives, leurs avantages ou leur rémunération, de sorte que ces dispositions ne sauraient être regardées comme portant atteinte, par elles-mêmes, à l’indépendance que les enseignants chercheurs tirent de l’article L. 952-2 du code de l’éducation pour l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et leurs activités de recherche.

La répartition des enseignements

   En 1988, le Conseil d’Etat (CE, 2 mars 1988, n° 61165, 61472) a considéré que la disposition prévoyant que « la répartition de services d’enseignement dans un établissement est arrêtée chaque année par le président ou le directeur de celui-ci » n’était pas contraire au principe de l’indépendance des enseignants-chercheurs dès lors qu’il est également prévu que la répartition dont s’agit est opérée « sur proposition du conseil d’administration en formation restreinte aux seuls enseignants-chercheurs et assimilés » – étant précisé que cette proposition ne peut être modifiée par le président ou le directeur de l’établissement.

L’évaluation des enseignements

   (Voir « Les relations entre enseignants-chercheurs et étudiants »)

L’obligation de résidence

   En 1988, le Conseil d’Etat (CE, 2 mars 1988, n° 61165, 61472) a considéré que la disposition réglementaire prévoyant l’obligation pour les enseignants-chercheurs de résider au lieu d’exercice de leurs fonctions ayant été prise dans l’intérêt du service, elle ne saurait être regardée comme portant atteinte à l’indépendance et à la libre expression des intéressés dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de recherche.

La nomination à une fonction

   En 1989, le Conseil constitutionnel (CC, 88-249 DC, 12 janvier 1989) a considéré que la nomination d’un chef de service dans un établissement d’hospitalisation public n’investissant pas l’intéressé d’un grade mais d’une fonction, ses modalités ne sauraient méconnaître le principe de l’indépendance des professeurs des universités (praticiens hospitaliers), qui concerne un grade.

   En 1994, le Conseil d’Etat (CE, 12 décembre 1994, n° 135553) a considéré que la faculté dévolue au chef d’établissement par l’article 2 du décret (…) de désigner des membres des commissions de spécialistes pouvant représenter jusqu’à 70 % de l’effectif de ces commissions, « parmi les membres élus appartenant à des commissions de spécialistes d’autres établissements » ne porte pas atteinte au principe d’indépendance des professeurs d’université.

L’élection à une fonction soumise à agrément

   En 1989, le Conseil d’Etat (CE, 12 mai 1989, n° 65469) a considéré qu’il ne pouvait « accueillir » le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires instituant une procédure d’agrément des chefs de département élus méconnaîtrait le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs dès lors que ces dispositions ont été prises pour l’application d’une disposition législative prévoyant que le chef de département est élu par collèges séparés sous réserve de l’agrément du représentant de l’Etat et que l’agrément ne peut être refusé que dans les cas où l’intéressé ne remplit pas les conditions requises pour accéder auxdites fonctions (théorie de la loi-écran ou conséquence de l’exercice d’une compétence purement liée ?).

La désignation d’un nouveau directeur de thèse

   En 2001, le Conseil d’Etat (CE, 21 décembre 2001, n° 220997), après avoir rappelé que saisi par un doctorant d’un désaccord persistant opposant ce dernier à son directeur de thèse, le président de l’université était compétent sur le fondement de l’arrêté du 30 mars 1992 relatif aux études de troisième cycle et de la délibération du conseil d’administration de son université approuvant une charte des thèses pour solliciter l’avis d’une commission issue du conseil scientifique de l’université aux fins d’examen du cas de l’intéressé et, au vu de l’avis émis par cet organisme, désigner, avec l’accord du doctorant, un nouveau directeur de thèse, a considéré que dès lors que le président de l’université ne substitue pas son appréciation personnelle à celle du premier directeur de thèse sur la valeur scientifique du travail accompli par le doctorant et suit les recommandations formulées par la commission issue du conseil scientifique de l’université, il ne méconnaît pas le principe de l’indépendance des professeurs de l’enseignement supérieur.

Les relations entre les enseignants-chercheurs et les autorités administratives étatiques

Statut des professeurs des universités

   En 1994, le Conseil d’Etat (CE, 12 décembre 1994, n° 135460, …) a considéré que « le principe général de l’indépendance des professeurs d’université et les textes législatifs qui l’expriment » n’ont pas pour effet d’imposer, par dérogation à la règle législative selon laquelle des décrets en Conseil d’Etat portant statuts particuliers précisent, pour les corps de fonctionnaires, les modalités d’application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 (article 8 de cette même loi).

Jurys des concours nationaux

   En 1988, le Conseil d’Etat (CE, 2 mars 1988, n° 61534) a considéré que ne méconnaissait ni les dispositions législatives relatives à l’indépendance des enseignants-chercheurs dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche (loi du 26 janvier 1984), ni le principe constitutionnel de l’indépendance des professeurs des universités les dispositions réglementaires prévoyant que les jurys des concours nationaux sont nommés par le ministre de l’éducation nationale (décret n° 84-431 du 6 juin 1984), alors surtout que ces dispositions réglementaires ne permettent au ministre de choisir discrétionnairement que le président du jury (les six autres membres étant désignés soit par tirage au sort parmi les membres de la section compétente du conseil supérieur des universités, soit sur proposition du président du jury et dans tous les cas sous le contrôle du juge, veillant au respect de l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 selon lequel « Le service public de l’enseignement supérieur est laïc et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique »).

Liste des sections composant le comité national de la recherche scientifique

   En 1992, le Conseil d’Etat (CE, 28 décembre 1992, n° 124634) a considéré que l’arrêté du ministre chargé de la recherche fixant la liste des sections composant le comité national de la recherche scientifique n’ayant aucune incidence sur la carrière des professeurs des universités, il ne pouvait méconnaître le principe d’indépendance de ces personnels.

Les délais de mutation

   En 1988, le Conseil d’Etat (CE, 2 mars 1988, n° 61165, 61472) a considéré que la disposition réglementaire subordonnant les demandes de mutation des enseignants-chercheurs à une durée minimale de trois ans d’exercice de leurs fonctions dans leur affectation actuelle ayant été prise dans l’intérêt du service, elle ne saurait être regardée comme portant atteinte à l’indépendance et à la libre expression des intéressés dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de recherche.

   Dix ans plus tard, le Conseil d’Etat (CE, 18 février 1998, n° 185553) a considéré que la disposition réglementaire limitant la durée d’affectation des enseignants agrégés affectés dans les établissements d’enseignement supérieur situés dans les territoires d’outre-mer et celle prévoyant que l’administration peut reconduire cette affectation pour une durée de deux ans ayant été motivées par la spécificité des conditions de service dans les territoires d’outre-mer et par les exigences du bon fonctionnement des services publics, elles ne sauraient être regardées comme portant atteinte à l’indépendance et à la libre expression des intéressés.

Le déroulement de la carrière des enseignants-chercheurs

   En 2003, le Conseil d’Etat (CE, 30 juillet 2003, n° 246666) a considéré que la garantie constitutionnelle de l’indépendance des professeurs de l’enseignement supérieur impose notamment, sous la seule réserve des prérogatives inhérentes à l’autorité investie du pouvoir de nomination, que, dans le cadre du déroulement de leur carrière, l’appréciation portée sur la qualité scientifique des travaux de ces enseignants ne puisse émaner que d’organismes où les intéressés disposent d’une représentation propre et authentique impliquant qu’ils ne puissent être jugés que par leurs pairs. Il en a déduit qu’en instituant une commission comportant en tant que membres délibérants, d’une part, sept titulaires et sept suppléants nommés par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, d’autre part, sept titulaires et sept suppléants désignés par le ministre sur proposition des syndicats représentatifs des enseignants-chercheurs, l’article 4 du décret du 12 janvier 1990 et l’article 5 de l’arrêté du 7 juin 1990 n’ont pas porté atteinte à la règle de représentation propre et authentique des professeurs rappelée ci-dessus, alors surtout que les membres de la commission ne peuvent être désignés que parmi les enseignants-chercheurs élus du Conseil national des universités, du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche ou des commissions de spécialistes.

Sanctions disciplinaires

   En 1993, le Conseil d’Etat (CE, 19 mai 1993, n° 125948) a considéré que la décision prononçant à l’encontre d’un maître de conférence une sanction d’interdiction d’accéder à une classe, grade, rang ou corps supérieurs pendant une durée de deux ans au motif que cet enseignant-chercheur a manqué gravement, dans la forme et le fond, aux règles de la probité intellectuelle et du respect d’autrui découlant de la déontologie universitaire et des principes de tolérance et d’objectivité (conformément à ce que prévoit l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984) dans un article qu’il a fait publier est illégale (en raison d’une motivation insuffisante) si elle ne précise ni n’analyse quels passages excédaient les limites de la liberté d’expression des enseignants-chercheurs et ne qualifie pas la nature et la gravité des fautes commises dans chaque cas par l’auteur.

Statut des établissements d’enseignement supérieur

   En 1993, le Conseil constitutionnel (CC, 93-322 DC, 28 juillet 1993) a considéré qu’en se contentant d’autoriser les autorités détentrices du pouvoir réglementaire ou les établissements publics d’enseignement supérieur à déroger aux règes constitutives de ces derniers qu’il a lui-même fixé et l’autorité ministérielle à s’opposer à de telles dérogations, le législateur « n’a pas assorti de garanties légales les principes de caractère constitutionnel que constituent la liberté et l’indépendance des enseignants-chercheurs ».


[1] « Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une plein indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et dans leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions de la présente loi, les principes de tolérance et d’objectivité ».

[2] Le Conseil d’Etat précise à cette occasion que la circonstance, à la supposer établie, que l’accomplissement des services autres que d’enseignement serait difficile à contrôler se rattache à la mise en œuvre des dispositions réglementaires attaquées et ne saurait entacher leur légalité (i.e. c’est une question de pure opportunité).

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