Magazine Coaching

Vos objectifs... quels objectifs ?

Par Jean-Louis Richard

BlogObjectifsGetty_72050461 - Après cette crise, Sophie, rien ne sera comme avant !

- Swen Games va s'en sortir plus fort que ses concurrents ?

- Oui, si mes équipes atteignent leurs objectifs.

- Vous avez tout changé sauf votre gestion par objectifs ?

- Personne ne s'en plaint, ça fonctionne.

- Tant mieux.

- Un instant, Sophie, pourquoi cette question sur ma gestion par objectifs ?


(Résumé des 13 épisodes précédents : la jeune Sophie accompagne le patron de Swen Games, Jean-Benoît, qui entend sortir plus vite et plus fort de la crise... Les aventures de Sophie vous attendentici)

- Vous changez tout sauf votre gestion par objectifs, puis vous me dites que tout en dépend. Quelle est votre position ?

- Je pourrais te répondre que je ne suis pas à une contradiction près. Mais en ce moment, l'enfer est dans le détail. Veux-tu m'aider à creuser cela ?

- Converti en chocolats, le travail sur les objectifs c'est du haut de gamme, vous savez...

Jean-Benoît avait prévu la rapacité de sa coach.

- Joyeuses Pâques Sophie ! La Poule n' Fish de chez Hévin, tu vas te régaler !

Tête de poule et queue de poisson, la créature était en effet conciliante. Sophie piocha un oeuf dans la hotte cubique.

- Mmmh, très bon choix. A quand remonte cette histoire de gestion par objectifs ?

- J'ai toujours géré par objectifs.

- C'est votre premier patron, le vieux Swen, qui vous l'a appris ?

- Oui et non. Oui, il ne rigolait pas sur les résultats. Non, il ne prenait pas la gestion par objectifs au sérieux.

- Si cela ne vient pas de lui, alors ça vous vient d'où ?

- Si je me souviens bien, j'ai commencé lorsque j'ai eu ma première grosse responsabilité, j'avais hérité d'une zone complexe, j'avais 30 ans, j'étais perdu.

- Et vous avez inventé cette gestion par objectifs pour ne pas couler, c'est ça ?

- Si tu veux, mais je n'ai rien inventé, tout le monde en fait autant.

- Vous pouvez me donner un exemple ?

- Prends Sébastien, mon patron Australie. Je le vois tous les deux mois. Il a une batterie d'une centaine d'objectifs sur lesquels j'ai un rapport mensuel annoté par mon contrôleur de gestion.

- Je suis perdue Jean-Benoît. Un exemple !

Jean-Benoît pianota sur son PC. Le sommaire du rapport de l'Australie s'afficha.

- Les objectifs de Sébastien, ce sont ses ventes, ses marges, son résultat, sa génération de cash, ses investissements, son taux de renouvellement de clientèle, sa fidélisation, son climat social et ses frais fixes avec l'avancement des projets d'économie. Tout ça se décline sur les régions, les lignes de produit et les grands comptes.

- Pourquoi dites-vous "les objectifs de Sébastien" ?

- Ah, tu ne vas pas jouer sur les mots, Sophie. Ce sont les objectifs sur lesquels je juge la performance de Sébastien, voilà. Si il a d'autres objectifs en tête, peu importe pourvu qu'il atteigne déjà ceux-là, c'est clair pour toi ?

- Que faites-vous ensemble tous les deux mois ?

- Nous revoyons tout cela. Je l'écoute me raconter ses problèmes, je m'efforce de ne pas faire son travail à sa place, je remets la pression, et... euh... deux heures, ça passe très vite avec 20 pages de tableaux de chiffres.

- Qu'est-ce qui est essentiel et qui ne figure pas dans ces 20 pages ?

- J'ai l'embarras du choix. Nos priorités, à Sébastien et moi, l'histoire de notre lien, la confiance entre nous, nos vraies intentions dans ce business...

- Quelle empreinte pourrait laisser Sébastien sur Swen Games Australie, qu'aucun autre dirigeant ne laisserait ?

Jean-Benoît resta pensif. C'était peut-être le seul objectif, laisser une trace d'homme, gérer l'héritage et transmettre une filiale plus forte au successeur. Mais laquelle ? Il n'avait jamais échangé sur cela avec Sébastien.

- Joker Sophie, j'ai besoin de retravailler cela.

- De quoi ne parlez-vous jamais tous les deux ?

- Nous n'avons jamais parlé de son avenir. Sa position si il rentre d'Australie est loin d'être claire, et sa femme regrette Paris. Et puis son dernier enfant est handicapé, nous en avons parlé une seule fois.

- Si Sébastien avait cet entretien de deux heures pour faire le point de son activité avec un de vos collaborateurs avant de vous voir, que feriez-vous tous les deux ?

- Franchement, je gagnerais du temps. Je me contenterais d'un bref compte-rendu et je pourrais me consacrer à d'autres priorités.

- En somme, votre gestion par objectifs consiste à piquer le travail de votre contrôleur de gestion pour éviter les sujets difficiles avec Sébastien.

- C'est caricatural, mais il y a du vrai.

- Et quels sont les objectifs de Sébastien, les vrais ?

- Je n'en sais rien, je suppose qu'il aimerait rentrer sur Paris, mais je n'ai rien pour lui. Je crois aussi qu'il a d'autres préoccupations que son boulot dans la vie, en ce moment ça vaut mieux.

- Si l'Australie devenait d'un instant à l'autre votre première priorité à tous les deux, comment feriez-vous évoluer votre relation de travail avec Sébastien ?

- Je passerais une semaine entière avec lui. Je jetterais tous ces rapports et ces budgets. Nous reprendrions ensemble à zéro la stratégie, l'organisation, les alliances et les politiques tarifaires. Nous verrions en tête-à-tête chaque responsable clé, puis nous les réunirions tous en séminaire. Où veux-tu en venir ?

- Votre dialogue de complaisance sur les-objectifs-qui-n'en-sont-pas, c'est donc seulement si vous avez les moyens de négliger l'Australie et Sébastien ?

- Va pour l'Australie, c'est un mauvais exemple. Tu ne vas pas me prétendre que je peux me passer de ces tableaux d'objectifs ?

- Pour l'instant, c'est vous qui m'expliquez que votre vrai boulot n'a pas grand-chose à voir avec.

- Tu veux dire que ma gestion par objectifs m'apporte le confort d'une relation distante ?

- La relation que vous souhaitiez quand vous étiez un jeune dirigeant perdu ? La mise au frigo des émotions ? Et vous-même, Jean-Benoît, citez-moi quelque chose qui vous tient à coeur dans votre vie ?

- L'éducation de ma fille aînée, nous en parlons beaucoup avec Florence. Julie va avoir 15 ans. Je ne comprends rien à la femme qu'elle devient.

- Et sur quelle batterie d'objectifs structurez-vous le dialogue avec votre femme pour mener à bien ce projet qui vous tient tant à coeur ?

Jean-Benoît accusa le coup. Sa femme et lui avaient des intentions, des peurs, des espoirs, des envies, de la fierté lorsqu'ils avançaient. Ils s'efforçaient d'assumer leur responsabilité de parents face à une adolescente armée d'un marteau-piqueur. L'objectif était de tenir, mais ça ne leur disait pas quoi faire et ça se déclinait encore moins en sous-objectifs.

- Bon, si je comprends bien, mes objectifs, c'est bon pour occuper mes contrôleurs de gestion ? Et, moi, j'ai d'autres échanges que ceux du jeune dirigeant perdu d'autrefois à développer ?

- Vous disiez vous-même tout à l'heure qu'en ce moment vous deviez tout réinventer, c'est l'occasion de commencer par vous ?

- Il y a du boulot, Sophie. Je compte sur ta discrétion, comme d'habitude ?

- Comme d'habitude, Jean-Benoît. Ah, et pour Julie...

- Nooon ! Ne me donne pas de conseils pour Julie ! Je viens de me rajouter Sébastien et l'Australie. Julie, je vais y arriver, c'est plus facile car je n'ai pas droit à l'erreur.

- Oui, et vous y consacrez sans le savoir 80% de votre énergie... je voulais vous dire, pour progresser dans votre relation au féminin, vous pourriez commencer par les futures femmes dirigeantes de Swen Games ?

- Très drôle Sophie, justement j'avais du temps libre... nous en reparlerons !


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jean-Louis Richard 39 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte