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Une histoire de bouchons

Par Findawine

Il y a quelques mois, une étude effectuée dans le Bordelais avait conclu qu’environ 2 à 3% des bouteilles de vins de Bordeaux bouchées au liège étaient affectées par ce “goût de bouchon” qui transforme la dégustation de vin en concours de grimasses. Le phénomène concernerait 12 à 15 millions de bouteilles par an pour l’ensemble des appellations de la Gironde, ce qui constitue une perte significative. Le problème du vin “bouchonné” est tout aussi ancien que le bouchon de liège lui même et constitue le seul reproche qu’on puisse réellement lui faire. Le liège possède en effet d’innombrables vertus et constitue l’une des matières les plus étonnante qui soient.

Une histoire de bouchons

C’est très léger. On l’utilise pour les bouchons de pêche et les bouées depuis déjà bien longtemps. Historiquement, il s’agit d’ailleurs de l’une de ses premières applications pratiques. On utilise le liège depuis environ 4.000 ans et dans le bouchage de vins, on l’a utilisé pendant près de 1.000 ans, de 500 ans avant J-C jusqu’à l’an 500 après J-C. Après cette période, la multiplication des conflits, la chute de l’Empire romain et du commerce qu’il avait généré fait passer le liège au second plan des préoccupations. Il revient dans les année 1600 pour rester en position de monopole pendant près de 400 ans.

Le premier pays producteur de bouchons de liège est le Portugal, suivi de l’Espagne. Ils sont fabriqués dans un grand nombre de pays mais la région la plus réputée pour cette activité reste le pourtour méditerranéen, de la Sardaigne jusqu’en Tunisie. L’exploitation des bouchons de liège est dominée par Amorim, une entreprise familiale portugaise qui en est à sa quatrième génération de dirigeant.

Amorim n’est pas tant un producteur qu’un distributeur mondial de bouchons de liège. La situation de monopole sur le bouchage du vin a entraîné pendant des années un laisser-aller manifeste dans la gestion de la qualité du produit qui n’était soumis à aucun contrôle. Une fois de plus, la règle sur l’inefficacité des monopoles s’est vérifiées : ils sont paresseux. Cela dit, le dirigeant actuel a reconnu les erreurs commises par le passé et s’est empressé de contre-attaquer. Trop tard diront certains ? Mieux vaut tard que jamais. S’ils avaient réagi avant, cela aurait-il empêché les gourmets malins de développer une alternative au problème posé par ce “goût de bouchon” ?

 Bouchon de liège, bouchon synthétique ou capsule à vis … ?

Il aura fallu attendre 1981 pour qu’un scientifique suisse s’y intéresse de plus près : il démasque le responsable qui répond au nom barbare de Trichloroanisol 2-4-6, plus connu pour sous le pseudo TCA et présent dans le liège. Il faudra attendre 1990 pour qu’une alternative sérieuse au bouchon traditionnel soit trouvée. Elle nous vient de Seattle et plus particulièrement de l’entreprise Supreme Cork qui élabore un bouchon synthétique prometteur. La suite, on la connait. Un grand nombre d’entrepreneurs se sont lancés dans le développement de solutions innovantes pour boucher les bouteilles de vin et assurer la préservation des saveurs. Aujourd’hui, le marché des solutions de bouchage se partage entre trois grands produits : le bouchon de liège, le bouchon synthétique et la capsule à vis.

Un récent communiqué du fabricant italien de solutions de bouchage Guala estime que les ventes mondiales de capsules à vis ont crû de 25% en 2008. Elles possèdent désormais 2,5% du marché sur les 17,5 milliards de bouchages vendus dans le monde tous matériaux et procédés confondus. En 2003 déjà, 300 millions de bouteilles de vins étaient bouchées par capsule dans le monde. En 2009, ce chiffre devrait dépasser les 3 milliards. Soit une multiplication des ventes par dix en six ans. Les principaux vignobles utilisant les capsules à vis sont ceux d’Australie, de la Suisse, de Californie, d’Amérique du Sud et de Nouvelle Zélande. En 2008, un peu plus d’un million de capsules ont été utilisées en Europe contre 800 000 en Australie et 250 000 pour l’Argentine et le Chili. Le vieux continent reste donc toujours quelque peu réticent. L’ouverture est lente mais certaine.

En France, certains leaders comme Boisset, Blanck, ou André Lurton sont déterminés à faire le grand saut cette année. Pour le millésime 2008, les vignobles André Lurton devraient capsuler environ 1,3 millions de bouteilles de vins blancs et rosés au détriment du liège. Une décision qui fait les affaires de Péchiney, passé sous le contrôle du canadien spécialiste mondial de l’aluminium Alcan, qui est aussi le numéro un mondial de la capsule à vis pour le vin. Le groupe multiplie les dégustations comparatives et les tests auprès des professionnels pour bien montrer que la capsule n’altère pas le vieillissement du vin en bouteille. Dans certains cas, dit-on chez Alcan, il lui apporte même une fraîcheur aromatique supplémentaire.

Carlos de Jesus, directeur marketing et communication d’Amorim, toujours numéro un du bouchon de liège estime lui que les capsules absorbent un peu moins de 10% du marché mais déclare que les ventes de capsules, comme celles de bouchons de liège, sont vouées à croître au détriment des bouchons synthétiques. Selon les chiffres communiqués par Normacorc, leader de la production de bouchons synthétiques, ceux-ci détiendraient 22,8% du marché pour 2008. George M. Taber, auteur du livre “To Cork or Not to Cork” affirme que l’époque des monopoles sur le marché des solutions de bouchage pour le vin est belle et bien révolue, au grand désespoir de certains, pour le grand bonheur d’autres, mais surtout à la grande indifférence de la plupart. Qu’importe le bouchon, pourvu qu’il y ait l’ivresse !…mais longue vie au liège !


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