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L’élaboration du vin rosé : manuel pédagogique à destination des législateurs européens

Par Findawine

C’est aujourd’hui que devait être prise la décision de la Commission Européenne sur le projet d’autorisation des mélanges de vin blanc et de vin rouge pour faire du rosé. Cette décision est finalement reportée au 19 juin et pendant que le débat fait rage interrogeons nous sur la question de l’élaboration traditionnelle.

Comment fait-on du vin rosé ? Mieux comprendre les différentes étapes qui constituent son élaboration permettra d’avoir une meilleure idée des causes défendues par les vignerons de Provence, plus grande région productrice de vins rosés en France. A lire d’urgence donc avant le 19 juin, date du vote final au parlement européen.

L’élaboration du vin rosé : rmanuel pédagogique à destination des législateurs européens

On dit souvent du vin rosé qu’il est un vin technologique. Cette réputation un peu restrictive fait référence à l’importance des premières étapes, les opérations pré-fermentaires, dans le processus de vinification. Une fois arrivés à la cave, les raisins sont en effet soumis à un certain nombre d’opérations nécessaires à leur transfert, au tri, à l’extraction des moûts, à leur clarification et à leur protection.

Dès la vendange commencée, le vinificateur ne dispose que de quelques heures pour faire, à partir de raisins rouges ou noirs, un rosé correspondant à ses critères définis. Il doit décider du sulfitage et autres intrants, du type de macération, de sa température, de sa durée tout en intégrant dans ce système la qualité des raisins et les contraintes de cave, qui peuvent être matérielles ou humaines. Pour le rosé les principaux cépages utilisés sont le cabernet franc, le merlot, le pineau d’Aunis, le pinot noir, le gamay, le carignan, le cinsaut, le grenache noir, le tibouren, la syrah et le mourvèdre, parmi d’autres qu’on aurait pu citer aussi. Selon les régions ou les cépages, les moyens pour obtenir du moût à partir de raisins rouges et noirs peuvent varier.

Le pressurage direct

En Provence, où l’on cherche une couleur pâle et une certaine finesse aromatique, la technique du pressurage direct est très répandue. Les raisins, vendangés à la main ou mécaniquement, sont directement déversés dans le pressoir de sorte que la macération ne dure que le temps du remplissage. L’extraction est ensuite lancée selon un cycle dans lequel se succèdent des phases à des niveaux de pression qui augmentent progressivement, alternées avec des phases de “rebéchage” pour évacuer le marc.

Selon le type de vin recherché, ces jus seront conservés ou non et peuvent être vinifiés séparément. La couleur et les caractéristiques gustatives du jus obtenu évoluent considérablement au cours du pressurage. Une élément important de cette évolution est la gestion de l’agressivité tannique. Le fonctionnement discontinu des pressoirs actuels impose une organisation du chantier de récolte de sorte à optimiser le flux de raisins vers l’atelier de pressurage, qui doit aussi être dimensionné en conséquence.

La saignée

A Bordeaux en revanche, les Clairets sont traditionnellement élaborés par saignée des cuves de vin rouge. Cette technique consiste, après quelques heures (6 à 24h) de macération à soutirer une partie du jus (5 à 15%) qui fournira la base des vins rosés. Le reste de la cuve permet d’élaborer un vin rouge riche en polyphénols (”tannins végétaux”). Historiquement, c’est d’ailleurs dans l’objectif d’obtenir des vins rouges “corsés” que la saignée a vue le jour.

Cette technique convient particulièrement pour les caves non spécialisées dans l’élaboration du rosé puisqu’elle présente un certain nombre d’inconvénients. Les premiers jus obtenus lors du pressage sont aussi les plus sucrés et le rosé élaboré est souvent très “alcooleux” après fermentation. Les rosés obtenus par saignée sont aussi en général plus colorés que que ne le sont les rosés de Provence, plus populaires sur le marché. Phénomène de mode ou non, les rosés très tintés sont moins appréciés. Le dernier grand inconvénient tient au fait que les caves utilisant cette méthode ne peuvent pas véritablement se spécialiser sur le segment rosé puisque le rendement d’extraction est limité à un maximum de (plus ou moins) 20%. Cela dit, ces vins rosés constituent une intéressante diversification de l’offre.

Il existe enfin une méthode intermédiaire qui consiste à faire la macération du jus en cuve ou dans le pressoir à cage fermée, de sorte à assurer un contact contrôlé entre le jus et les pellicules. Contrairement à la saignée, après écoulage de tout le jus, le marc frais est pressé et peut être incorporé en totalité au jus de goutte.

Puisqu’on parle de couleur et manifestement pas de goût, parlons couleur !

La grande question autour de la couleur passionne les vignerons. C’est tout un art selon le vin qu’on souhaite élaborer et les difficultés sont nombreuses. La couleur des vins rosés provient en effet du contact entre la matière solide et le jus. Ce contact permet la diffusion de certains composés comme les anthocyanes, responsables de la “coloration“ des vins, de la pellicule vers le moût. Au cours de la vinification, la perte des anthocyanes est quasi constante quelle que soit la région et le millésime. Bien que l’évaluation de ces composés soit délicate sur les vins rosés compte tenu de leurs faibles quantités, les pertes sont toujours voisines de 50%. La couleur du vin est donc plus ou moins déjà définie dès les premières étapes de la vinification et l’obtention du jus. Le Centre de Recherche et d’Expérimentation sur le Vin Rosé estime que 60% à 80% de l’intensité colorante est perdue au cours de la fermentation alcoolique. L’élevage et l’assemblage vont aussi servir à modifier l’apparence du vin. Le vinificateur doit avoir ces différents éléments en tête et à l’avance pour obtenir un produit pour lequel il a parfois déjà élaboré une stratégie marketing (tonalités de l’étiquette sur la bouteille par exemple).

Tous ces problèmes seront bientôt réglés grâce au fameux projet de directive européenne autorisant le mélange des vins pour faire du rosé. Merci Madame la commissaire européenne pour l’agriculture et le développement rural. On verse un peu de rouge dans du blanc (pourquoi pas un peu de cabernet sauvignon dans du riesling !) et on touille…ça ne ressemble à rien, et c’est mauvais. Pour le plus grand bonheur des yeux et des papilles, on achètera traditionnel.


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