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Anthologie permanente : Paol Keineg

Par Florence Trocmé

   C’est chose singulière car, dans les rêves, on comprend tout tout de suite. De la bruyère, des chemins de cailloux. Trois ou quatre cents mouettes remontant des aplombs piqués de rouge et de jaune font route vers Ouessant. Mémoire promise au cimetière, pas d’autre couleur à suivre que le bleu le plus aisé.

   Moi j’ai toujours pensé que l’asphalte des marginalités rurales était trop glissant. Qu’on y trouve de la poésie, je veux bien. Comme si j’allais me rétracter. Depuis longtemps je suis fâché contre la métaphysique. La surface des champs pue tellement qu’on en a le souffle coupé

   La mer gris-bleu, gris-rose, bleu-jaune. Dès qu’on s’approche, quel bruit de veau qui a perdu sa mère. Mais le bilinguisme d’abord, la lourde, la douce idolâtrie des langues. Qu’est-ce qu’on entend là-bas, au ras des galets ? le temps énorme ? les injures du polythéisme ?

   De Keremma à Porz Meur. Si j’étais moi, je vivrais heureux dans l’horrible bleu, toute littérature absente. Le mensonge d’abord.

   Facile de dénoncer chez les goélands un vouloir-vivre de décharge municipale. Qui les suit des yeux après que le soleil s’est caché acquiert la certitude que ces oiseaux remués en altitude sont de notre destin. Ils portent le petit nom des morts serré dans les plumes. Garder les yeux sur les goélands dont la cohue s’allonge jusqu’aux îles.

Paol Keineg, Là, et pas là, Lettres sur Cour et Le Temps qu’il fait, 2005, pp.40, 44, 56, 107, 99
isbn : 2-86853-440-6, 17 €

Bio-bibliographie de Paol Keineg

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