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Les ruines du ciel

Par Memoiredeurope @echternach

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J’ai encore un souvenir très vif du Port Royal de Montherlant joué à la Comédie Française. Je ne parle pas de la création en 1954, mais un peu plus tard. Je ne saurais par contre mettre une date précise en face du souvenir.

C’est pourquoi le dernier livre de Christian Bobin qui tisse des intérêts littéraires et imaginaires entre la destruction de Port-Royal par Louis XIV et les senteurs de son propre jardin, devient un remède au mal de vivre. Une philosophie de l’instant.

J’ai déjà cité il y a quelques semaines cet aphorisme éclairant : « Dieu tenait au XVIIe siècle la place qu’aujourd’hui tient l’argent. Les dégâts étaient moindres. » La phrase est belle et dit tant sur la vanité de notre monde. Simplement, après ces semaines là, je ne suis plus tellement certain de sa justesse. Qui est finalement innocent ? Le moindre mal ?

Louis XIV ne pouvait tolérer ce que l’auteur nomme « un bouton de fièvre qu’il grattera jusqu’au sang ». Belle expression. Pas plus qu’il ne tolérera les Protestants ! Est-ce le principe même du pouvoir de ne pas tolérer ce qui prend une allure de défi ? 

Comme l’ouvrage de Pascal Quignard « La barque silencieuse » qu’il côtoie sur mon bureau, le recueil d’apostrophes minuscules de Christian Bobin allume autant de petites lumières qui éclairent le soir, sans toutefois enflammer la page.Nous avons besoin des espaces brisés qui regardent au dedans.Sans mépris, sans hauteur, sans arrogance et pourtant sans compromission. Tout le contraire des pouvoirs qui nous entourent.

De la ruine qui est retournée encore et encore, même déjà rasée par la décision du roi, pour que rien ne reste, comme si la mémoire n’était pas imprescriptible, aux pas malhabiles du clochard de la Gare du Nord qui nous écartent de la pauvreté, des ondes se sont propagées. Nous les ressentons encore quand elles nous cherchent.

« La mort nous prendratous un par un, aussi innocemment qu’une petite fille cueillantune à une les fleurs des prés. »Gardons alors notre innocence.

Photographie Yona Friedman Londres, 2008. L’architecture de survie, une philosophie de la pauvreté. 


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