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Anthologie permanente : Jean-Pierre Georges

Par Florence Trocmé

Bocaux de cornichons de griottes, beurrés nantais
de chez LU si ma présence ici n’est pas indispensable
je vous laisse à vos ruminations ombreuses et avec
votre permission je m’enfonce dans la blondeur au-
tomnale des rues. À la boulangerie Ligneul j’achète
une baguette qui me brûle les doigts. Mes jambes me
portent et produisent le mouvement. La résistance de
l’air est infime, juste ce qu’il faut. Le trottoir est
formidablement désert mon front est l’élu du soleil
je n’ai rien à faire j’ai 33 ans je suis vivant !
  
Jean-Pierre Georges, Dizains disette, Le dé bleu, 1987, p. 29
  
   Je ne veux plus travailler, je ne veux plus exercer un métier pour lequel je ne suis pas fait. Je ne suis fait pour aucun métier, je voudrais seulement être veilleur de nuit à condition de pouvoir travailler le jour. Je ne veux pas travailler et quand je suis à ne rien faire, quand je suis libéré de toute nécessité professionnelle ou domestique, je me mets en tête que quelque chose d’intéressant doit sortir de moi, quelque chose d’éminemment intéressant qui sortirait de ma tête, une chose intellectuelle qui serait une révélation pour les hommes et pour moi. Mais jamais rien ne vient, enfin rien de conforme à mes espérances ; alors c’est toujours pareil, je me mets à la fenêtre, pluie ou beau temps, je me mets à la fenêtre une minute, plusieurs minutes, des heures, mais rien, rien.
  
Jean-Pierre Georges, La Plainte, Tarabuste, 1988, p. 25 (rééd. in Aucun rôle dans l’espèce, Tarabuste, 2003)
  
   Je peux être sans beaucoup de choses, mais pas sans une rivière. Enfant c’était la Vienne ; j’y pêchais des heures entre deux ciels, soûl de lumière, parfaitement solitaire comme toujours. Si j’évoque ces lieux, Saint-Louand, Pontille, Anché, Briançon… un rideau de peupliers s’ouvre sur une surface aveuglante, frissonnante et la même ferveur, le même émerveillement me reprennent. Aujourd’hui le Cher me voit fréquenter ses rives ; pas encore barbon, mais quinqua bien sonné je scrute chaque remous : le ventre blanc d’un chevesne est ma récompense, l’eau qui glisse entre les pierres fait ce même bruit entre mes yeux. Il me suffit que le ciel – allume un cul de grève, nid de soleil dans la paume du temps.
  
Jean-Pierre Georges, Aucun rôle dans l’espèce, Tarabuste, 2003, p. 90
  
Contribution de Jean-Pascal Dubost.
  
Poezibao publiera la semaine prochaine une seconde sélection de textes de Jean-Pierre Georges.
  
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