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Chanson pour la favorite du sultan (Edmond Jabès)

Par Arbrealettres


Les sept Reines du ciel,
toutes à pleurer, à craindre
mordues, brûlées.
Les plus cruelles sont les étoiles
filles de l’ombre épique
et le poignard de leur regard.

Reines mendiantes,
Reines adulées,
et déjà l’aurore éblouie
qui ne sait où elle va
qui sait trop ce qui l’achève.

Je ne t’avais pas reconnue
au grand jour des montagnes,
ta chevelure étourdissant l’épaule
et tes bras nus te dessinant,
fière danseuse aux aigles fous
jamais plus loin que le songe
et bâtissant dans l’espace
le mobile emplacement de mon amour.

Danseuse dans le vent aveugle
seule entre mille à me perdre
à force d’appels irrésistibles
et de faux baisers gracieux.
Tous tes gestes sont des miracles.
Le désert nie la soif des eaux.

Je ne t’avais pas reconnue
sous ton manteau d’algues sauvages
dans le creux béant d’un rocher.
Le soleil est à mon doigt levé
comme une pierre jaune de joie.
De l’onde à la nue, de la poussière
au dernier rayon des morts, tu nais.

Je ne t’avais pas soupçonnée,
cristalline source de rigueur,
dans le vieil agenda des voleuses d’hommes.
Voici le monde. Il est à ta merci.
Et tu vas, incendiant sa nuque,
le dépouiller de ses lèvres charnues,
à chaque marche brusque du sang.

Ne pas t’entendre. Debout, pour la vue
comme une image sur la pupille
comme un visage jamais le même
que la nuit inquiète dévoile.
Et tu dansais pour me retenir
dans ce pays étrange où j’avais bu
à l’arbre de pluie à la saison chaude.

(Edmond Jabès)

 

 



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