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Les QPC des 10 derniers jours devant le juge administratif (gens du voyage, étrangers, dualité fonctionnelle du Conseil d’Etat)

Publié le 26 mars 2010 par Combatsdh

Poursuivons notre recensement réguliers des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées devant les juridictions administratives (voir la rubrique question prioritaire de constitutionnalité de CPDH).

En Une du site du Conseil d’Etat, les tableaux de la rubrique Question prioritaire de constitutionnalité font l’objet d’une “mise à jour quotidienne”. Cette semaine il nous est expliqué que les dispositions codifiées et non codifiées sont “présentées par ordre chronologique des dispositions législatives puis par ordre numérique de leurs articles, il précise, s’il y a lieu, la référence exacte de la version contestée”.

Ces tableaux sont néanmoins toujours aussi difficilement lisibles et toujours sans lien hypertexte vers la disposition critiquée sur Légifrance.

1. Les premières QPC en droit des étrangers et sur les “gens du voyage”

(aussi bien dans les dispositions non codifiées que codifiées):

L’arrivée de ces questions est d’autant plus intéressante qu’à titre préventif - pour ne pas dire dissuasif - le Conseil constitutionnel  inaugure une nouvelle rubrique des “Dispositions déclarées conformes” (pour l’instant dans le cadre du contrôle préventif de l’article 61 de la Constitution).

  • Et comme de bien entendu en guise d’“exemple un tableau de 40 pages sur les dispositions du CESEDA qui auraient déjà été contrôlées:

Tableau : code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile au 1er mars 2010 (pdf)

Rappelons que pour qu’une QPC soit transmise il  faut que la disposition n’ait pas “déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances“.

Le tableau indique néanmoins avec des notes de bas les dispositions ajoutées aux dispositions législatives déjà contrôlées. Et rappelons qu’en cas de changement de circonstances, le justiciable peut surmonter le fait que la disposition ait déjà fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité à titre préventif et il faudra bien vérifier que la disposition légale a déjà été contrôlée aussi bien dans le dispositif et les motifs. Or le considérant “balai” se trouven souvent que dans les motifs et n’est pas repris dans les motifs.

Ainsi, par exemple, si le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la conformité de dispositions de la loi « Hortefeux » de novembre 2007 à  la Constitution (décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007), on constate:

- Certes, que les motifs de la décision contiennent un « considérant balai » :

« 30. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune question de conformité à la Constitution »

- Néanmoins, dans le dispositif, il s’est prononcé que sur la seule constitutionnalité des articles 13 et 63 de la loi (en oubliant d’ailleurs au passage d’invalider l’article 65 qui aurait dû être censuré en même temps que l’article 63 pour les mêmes motifs - cavalier législatif) .

« D É C I D E :
Article premier.- L’article 63 de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile est déclaré contraire à la Constitution.
Article 2. - Sous les réserves énoncées aux considérants 9 et 16, l’article 13 de la même loi n’est pas contraire à la Constitution. »

15 députés signataires de la saisine avaient bien essayé de déposer un « mémoire complémentaire » reprenant, pour l’essentiel, la « porte étroite » adressée au Conseil constitutionnel par la Cimade et le Gisti . Mais leur démarche avait été déclarée irrecevable et leurs griefs n’ont pas été examinés.

« - SUR LA RECEVABILITÉ DES « MÉMOIRES COMPLÉMENTAIRES » :
2. Considérant que, si le deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution prévoit que les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel par les membres du Parlement, il réserve l’exercice de cette faculté à soixante députés ou à soixante sénateurs ;
3. Considérant que, le 31 octobre 2007, ont été enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel deux « mémoires complémentaires », le premier présenté au nom de quinze députés déjà signataires de la première saisine, le second au nom de vingt-trois sénateurs dont vingt-deux déjà signataires de la seconde saisine, contestant d’autres articles de la loi déférée ;
4. Considérant qu’il résulte des dispositions sus-rappelées du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution que ces mémoires doivent être déclarés irrecevable »

Au demeurant, le Conseil prend bien soin d’avertir les “internautes” ou plutôt les justiciables :

“AVERTISSEMENT
“Seuls engagent le Conseil constitutionnel les textes issus de ses délibérations.
Les autres documents sont présentés à titre informatif.
Ils ne sauraient en aucun cas engager le Conseil constitutionnel

  • Voir aussi les deux autres tableaux :

- Tableau trié par code ou loi autonome
- Tableau trié par décision du Conseil constitutionnel

  • Donc quelles sont les dispositions du droit des étrangers et du droit d’asile faisant l’objet d’une QPC devant le CE?

QPC 24, 25, 26, 27 - Convention de Genève du 28 juillet 1951 art.1F + loi n°54-290 du 17 mars 1954 (loi de ratification de la convention de Genève)

“1F.- Les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser:
a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;
b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées ;
c) Qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.”

CPDH: rappelons qu’en vertu de l’article 61-1 C, seules des “dispositions législatives” peuvent faire l’objet d’une QPC. Ici il s’agit d’une convention internationale (qui peut être contrôlée par le biais de l’article 54 de la Constitution au moment de sa ratification) -  mais la ratification est antérieure à la Constitution de 1958. Le Conseil d’Etat a aussi déjà interprété une convention internationale au regard d’un principe constitutionnel - CE 1996 Koné).

Loi n°52-893 25 juillet 1952 art.2

(cette disposition a été modifiée par la loi du 10 décembre 2003 et a été codifée au 1er mars 2005 dans le CESEDA et donc abrogée par une ordonnance de novembre 2004!)

“IV. - La protection subsidiaire n’est pas accordée à une personne s’il existe des raisons sérieuses de penser :

a) Qu’elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ;

b) Qu’elle a commis un crime grave de droit commun ;

c) Qu’elle s’est rendue coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;

d) Que son activité sur le territoire constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat.

L’office, procédant à son initiative ou à la demande du représentant de l’Etat à un réexamen, peut mettre fin à tout moment au bénéfice de la protection subsidiaire pour les motifs énumérés aux a, b, c et d du présent IV.

Il peut refuser à chaque échéance de renouveler le bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d’exister ou ont connu un changement suffisamment profond pour que celle-ci ne soit plus requise.”

Code entrée et séjour des étrangers et droit d’asile L. 711-1 

“La qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu’à toute personne sur laquelle le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu’adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionné”

au regard de

Article 9 de la Déclaration des droits de l’homme (présomption d’innocence) et 4ème alinéa du
préambule de 1958 (droit d’asile)
CE (saisine directe) 312305

 

Voir pour une application récente de la clause d’exclusion : “Implication dans la préparation du génocide rwandais et clause d’exclusion du statut de réfugié (Conseil d’Etat, 16 octobre 2009, Mme Agathe Habyarimana)”, CPDH 2 octobre 2009.

— —

QPC 27 - Loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage dit “loi Besson”, art.9 et 9-1

(stationnement des gens du voyage - carnet de circulation - voir les délibérations de la Halde dans CPDH 23 octobre 2009 )


Article 9
Modifié par LOI n°2007-1787 du 20 décembre 2007 - art. 26 (V)

I.-Dès lors qu’une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l’article 2, son maire ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d’accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l’article 1er. Ces dispositions sont également applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d’une aire d’accueil, ainsi qu’à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d’une telle aire ou qui appartiennent à un groupement de communes qui s’est doté de compétences pour la mise en oeuvre du schéma départemental.

Les mêmes dispositions sont applicables aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire prévu au III de l’article 2 jusqu’à la date d’expiration de ce délai ainsi qu’aux communes disposant d’un emplacement provisoire faisant l’objet d’un agrément par le préfet, dans un délai fixé par le préfet et ne pouvant excéder six mois à compter de la date de cet agrément.

L’agrément est délivré en fonction de la localisation, de la capacité et de l’équipement de cet emplacement, dans des conditions définies par décret.

L’agrément d’un emplacement provisoire n’exonère pas la commune des obligations qui lui incombent dans les délais prévus par l’article 2.

II.-En cas de stationnement effectué en violation de l’arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.

La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d’usage du terrain.

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effets dans le délai fixé et n’a pas fait l’objet d’un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure.

Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain fait obstacle à l’exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la salubrité, à la sécurité ou la tranquillité publiques dans un délai qu’il fixe.

Le fait de ne pas se conformer à l’arrêté pris en application de l’alinéa précédent est puni de 3 750 Euros d’amende.

II bis.-Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au II, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l’exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

(…)

Article 9-1

Modifié par Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 - art. 28 JORF 7 mars 2007

Dans les communes non inscrites au schéma départemental et non mentionnées à l’article 9, le préfet peut mettre en oeuvre la procédure de mise en demeure et d’évacuation prévue au II du même article, à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain, en vue de mettre fin au stationnement non autorisé de résidences mobiles de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux personnes mentionnées au IV de l’article 9. Les personnes objets de la décision de mise en demeure bénéficient des voies de recours mentionnées au II bis du même article.”

au regard de

Liberté d’aller et venir, principe d’égalité des citoyens devant la loi (article 1er de la DDHC et article 1er de la constitution du 4 octobre 1958)
CAA Versailles / 337840 (La première QPC d’une CAA)

— —

2. Procola devant le Conseil constitutionnel

QPC 28, 29 -  Code justice administrative L.111-1, L.112-1alinéa 3 (dualité fonctionnelle du Conseil d’Etat)

Article L111-1

“Le Conseil d’Etat est la juridiction administrative suprême. Il statue souverainement sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort par les diverses juridictions administratives ainsi que sur ceux dont il est saisi en qualité de juge de premier ressort ou de juge d’appel

Article L112-1 Modifié par LOI n°2009-689 du 15 juin 2009 - art. 1 (V)

(…) Le Conseil d’Etat donne son avis sur les projets de décrets et sur tout autre projet de texte pour lesquels son intervention est prévue par les dispositions constitutionnelles, législatives ou réglementaires ou qui lui sont soumis par le Gouvernement.”

au regard de

principe du droit à un procès équitable
CE (saisine directe)/ 320667


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