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Prévisibilité d’un maintien en détention au terme de l’exécution de la peine principale

Publié le 12 juin 2010 par Combatsdh

par Nicolas Hervieu

Un détenu arrivé au terme de sa peine de onze ans d'emprisonnement a fait l'objet d'une décision judiciaire d'internement motivée par " un risque élevé de récidive " (§ 13). L'intéressé contesta - en vain - cette décision en ce qu'elle est fondée sur " l'article 198 du code de procédure pénale du canton de Bâle-Ville " alors que ce texte ne concerne que les détentions de personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pénale non encore définitive - du fait notamment d'un appel - mais non une " détention postérieure à l'accomplissement de la peine " (§ 29).

Saisie d'une" requête alléguant d'une violation de l'article 5 (droit à la liberté et à la sureté), la Cour européenne des droits de l'homme concentre son analyse sur le paragraphe premier de ce texte qui exige notamment que toute privation de liberté soit décidée selon les voies légales ". Plus encore, la Cour rappelle " qu'il est essentiel, en matière de privation de liberté, que le droit interne définisse clairement les conditions de détention et que la loi soit prévisible dans son application " (§ 39).

Précisément, le grief du requérant visait " uniquement une absence de base légale propre à justifier sa détention " (§ 41) et non la justification de cette privation de liberté elle-même (sur ce dernier point de la justification des détentions après expiration de la peine initiale - ou "rétention de sureté" -, v. Cour EDH, 5e Sect. 17 décembre 2009, M. c. Allemagne, Req. n° 19359/04 -Actualité Droits-Libertés du 23 décembre 2009). A cet égard, la juridiction strasbourgeoise souligne clairement et " d'emblée que la détention litigieuse n'avait pas de base spécifique en droit interne, aucune disposition n'étant consacrée explicitement au type de détention subie par le requérant " (§ 45) dès lors que l'article 198 précité ne visait effectivement pas les détentions " à l'expiration d'une peine privative de liberté " (§ 43). En particulier, l'argumentation de l'État défendeur, qui faisait valoir que la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse considérait que les dispositions des codes pénaux des cantons sur la détention provisoire " pouvaient servir de base légale à une détention postérieure au jugement " (§ 46), est rejetée. La Cour considère en effet que les précédents jurisprudentiels mis en exergue par le gouvernement suisse " concernaient des cantons différents, avec des codes de procédure pénale différents " d'où des précédents " sans doute analogues ou comparables à celle de la présente affaire, mais [...] en aucun cas identiques à celle-ci " (§ 46). Or, non seulement il est rappelé qu' est " incompatible avec la Convention la pratique consistant à prolonger la détention d'un individu sur la base d'une disposition prévue pour un autre type de détention " (§ 46) et, plus généralement, qu'" eu égard à la gravité de l'ingérence dans la liberté personnelle du requérant et à la nécessité d'une interprétation stricte des exigences à une détention, l'application faite en l'espèce d'une disposition légale par analogie ou par renvoi ne saurait être tolérée " (§ 47).

Partant, et faute donc de satisfaire " au critère de "prévisibilité" d'une "loi" aux fins de l'article 5 § 1 " (§ 48), la Suisse est condamnée pour violation du droit à la liberté et à la sureté (§ 49).

Prévisibilité d’un maintien en détention au terme de l’exécution de la peine principale
Actualités droits-libertés du 10 juin 2010 par Nicolas HERVIEU

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