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Anthologie permanente : Jean Tardieu

Par Florence Trocmé

Ce qui n’est pas

petit printemps comme il fait beau
songez à tout ce qui n’est pas.

Nous pourrions être anthropophages
et nous manger au restaurant,
à chaque rue à chaque pas
il pourrait s’ouvrir un abîme,
nous pourrions perdre la mémoire
les gens d’une même famille
s’égorgeraient dans les tavernes
et le soir autour de la lampe
ils ne se reconnaîtraient pas.

Le ciel pourrait être invisible
il pourrait pleuvoir des crapauds
on pourrait mourir en naissant
on pourrait mourir en aimant
le soleil pourrait être noir
et les fruits gonflés de poison.

L’eau des fleuves pourrait bouillir
et le bain serait donc mortel
et les lèvres de l’amoureuse
seraient couvertes de serpents
et dans les jours du bel été
on entendrait des voix géantes
nous annoncer qu’il est trop tard…

Mais rien de la nuit de l’esprit
ne descend jusque dans ma main
et j’aime Paris sous la brume
le petit printemps de dimanche
le roulement des voitures
mon pas sur le macadam
mon regard dans le matin.

Jean Tardieu, monsieur monsieur, Gallimard, 1951, p. 77-78.

contribution de Tristan Hordé

Jean Tardieu dans Poezibao :
Bio-bibliographie de Jean Tardieu,
extrait 1, extrait 2, extrait 3, extrait 4, extrait 5, extrait 6, extrait 7

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