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Tout pour rien

Publié le 20 octobre 2010 par Marielaurefouche

Il est rare que je fasse un billet d'humeur. Ce blog a pour vocation de présenter des points de droit de façon accessible, pas de déverser ma bile. Mais, quelque part, ma mauvaise humeur a aussi un caractère informatif. Je m'explique.

Dans un précédent billet, j'évoquais les rapports entre le temps passé par l'avocat à traiter le dossier et le type de travail réalisé, le tout en corrélation avec la facturation.

Pour dire les choses clairement, lorsqu'on travaille comme moi au temps passé, sauf dossier simplissime (si, si, ça existe) la qualité du travail est la conséquence directe du temps passé dessus.

Je ne parle pas du temps passé à bayer aux corneilles et que l'on facturerait au client, je parle du temps, passé ou non, à faire certaines prestations, et à les faire bien.

Il peut s'agir par exemple de lire les pièces du client et les pièces adverses, plus ou moins vite. Une lecture attentive permet en principe de ne rien laisser passer, voire de trouver des éléments qui pourront se révéler très utiles. Ce type de lecture attentive peut aussi permettre de déterminer quelles pièces il est judicieux de produire, et quelles pièces il vaut mieux garder pour soi. Une lecture rapide prendra certes moins de temps, et donnera lieu à facturation inférieure. Il n'est pas garanti toutefois que cela soit dans l'intérêt du client, puisqu'on risque de passer à côté de quelque chose, ou pire, en communiquant trop d'éléments, de donner des arguments à l'adversaire.

Il s'agit également du temps de recherches.

Là, une clarification s'impose. L'avocat, même spécialisé dans un domaine, ne connaît pas TOUT. Il ne connaît pas TOUS les articles du Code Civil, TOUS les arrêts concernant une question... Il sait que ces éléments existent. Ceux qui sont la base de son travail (articles incontournables, « grands » arrêts...), l'avocat les a en tête ou juste sous la main. Pour le reste, surtout pour des questions pointues, une recherche s'impose.

Alors, certes, on peut tenter de zapper le temps de recherche, mais du coup, au lieu de fournir des arguments étayés sur des textes, on ne fournira que des affirmations? Or une argumentation non fondée ne vaut pas cher devant un Juge.

Cela peut également concerner le temps consacré à la rédaction des écritures, et à organiser ces dernières.

Un exemple simple : en principe, il vaut mieux viser ses pièces au fur et à mesure des écritures, en rapport à une liste établie en fin de document, afin que le Juge, lorsqu'il les lit, sache immédiatement quel document les justifie, argument par argument. Cela nécessite de prendre le soin, au fur et à mesure, de lister les pièces, de les rappeler - souvent à plusieurs reprises - dans le corps des écritures. Accessoirement, ça fait gagner un temps fou lors de la préparation du dossier pour la plaidoirie. Mais il s'agit d'une petite prestation chronophage. Faut-il pour autant l'éviter, afin de ne pas la facturer au client ?

De la même façon, si l'on veut que les écritures que l'on produit soient efficaces, il faut leur consacrer le temps nécessaire, afin de formuler les bons arguments, dans l'ordre, sans omettre de procéder à une qualification juridique qui puisse emporter la conviction du Juge. Cela prend aussi du temps ; faut il dès lors bâcler ses écritures afin d'aller plus vite, moins bien, et de facturer moins ?

Je ne suis pas sûre que le client, au final, soit satisfait.

Le client veut toujours la prestation qui va lui permettre de gagner, et là c'est normal. Ce qui est moins normal, c'est le client qui veut la prestation qui va lui permettre de gagner, mais pour le prix d'un travail bâclé.


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