Magazine Cuisine

Du temps de mes Noël d'enfant du pays

Par Prisca

 Pere-noel-antillais
 Bon Nwèl mé zanmis !
- Joyeux Noël mes amis ! -

Ce soir, nous fêtons Noël.  Je devine toutes ces manmans créoles, déjà afférées depuis plusieurs heures toutes à leurs fourneaux, toutes à leurs préparatifs, toutes à leur plaisir de faire plaisir. Roussissant par ici le ragoût cochon, pelant habilement par là l’igname de Milo. Aaaah ces doux souvenirs de mes Noëls d’enfance à observer amusée le grand ballet des préparatifs chez ma grand-mère.

Peut-être est-ce à cause de cette effervescence qui entoure le Grand Soir que je voue, une véritable tendresse pour ces fêtes. Peut être est-ce aussi du fait de l’esprit de partage et l’envie d’être ensemble que véhiculent les fêtes. Enfin, véhiculait… car de nos jours, je suis plus que dubitative devant la dimension consumériste que revêt ce moment de l’année...  je repense amusée aux échanges de cadeaux de mes Noël étudiants -10€ maxi- pour lesquels il fallait faire preuve d'’imagination.

Boules-de-noel

Quoi qu’il en soit, enfant, mon premier bonheur venait certes de l’attente des cadeaux mais pas seulement ! Venait rapidement le grand moment du départ chez les grands-parents qui lançait les festivités et sonnait le début de deux semaines d’aventures : moments épiques et remplis de ses traditions que je chéris encore aujourd’hui.

Chaque année, ma première joie était de découvrir la crèche de Noël de ma grand-mère. D’abord parce qu’elle était à mes yeux la plus belle ensuite,  parce qu’aussi loin que je me souvienne, je n’ai eu la chance de la réaliser avec elle qu’une seule fois. Surtout ne pas endommager les figurines qui étaient bien plus vieilles que moi, surtout ne pas déchirer le papier craft qu’elle façonnait avec soin pour en faire une grotte... imaginez le sentiment d’honneur mêlé de fierté qui gonflât alors mon petit cœur d’enfant ce jour-là ! Puis posée majestueuse sur la chaise en cuir de toujours, elle la surmontait d’une étoile argentée aux paillettes un peu passées et qu’elle accrochait avec une épingle à nourrice. J’aimais moyennement la fausse herbe folle qu’elle disposait aux pieds des personnages… on en avait toujours un peu accroché à nos vêtements chaque fois qu’on s’approchait d’un peu trop près de la crèche !  

Puis venait le soir du Réveillon et je m’impatientais de la "naissance du petit Jésus"… il était évident que ce dernier ne trouvait sa place entre l’âne et le bœuf qu’aux alentours de minuit, juste après la messe que ma grand-mère ne manquait jamais. A mon réveil, je l’accueillais toujours avec joie avant de m’en désintéresser au profit de mes cadeaux, jusqu'à l'année suivante.

Creche-de-noel

Oui, que l’on soit pratiquant ou pas, il faut savoir que Noël aux Antilles est d’abord et avant tout une fête religieuse. La crèche est donc aussi essentielle que le sapin, bien que cette tradition se perde un peu aujourd’hui.

Le ballet de Noël (comme j’aime à l’appeler) se poursuivait avec la préparation des cochonnailles. Pour des raisons sanitaires, il est désormais interdit de le tuer soi-même mais à l’époque, le cochon élevé toute l’année était tué à la maison et finissait purement et simplement dans nos assiettes en boudin, jambon, ragoût et autres pâtés créoles. Je revois encore mes oncles de débattre avec la bête qui extirpée manu-militari de son parc, avant certainement compris ce qui l’attendait.

Jambon-de-noel

La préparation du boudin maison était une véritable entreprise. Mon grand père était chargé de la farce du boudin blanc (ou boudin au lait) tandis que ma grand-mère et ses sœurs, préparaient le boudin rouge (au sang du cochon). Mes tantes et cousines confectionnaient les fameux boudins, l’une préposée à l’entonnoir, l’autre versant la farce et deux autres encore nouant les boyaux. Mon arrière-grand-mère était chargée de la cuisson, au gros chaudron « spécial Noël », posé sur son feu de charbon rougissant.

Boudins-creoles

Le boudin cuisait à petit bouillon dans un bain de feuilles de bananier agrémenté d’épices dont elle seule avait le secret. Vingt ans plus tard, je n’ai jamais mangé de meilleur boudin que celui là quoique peut-être un peu trop pimenté… qu’importait nos petites papilles en feu, on le dévorait entrecoupé de gorgées d’eau.

Aujourd’hui, je ne suis plus la ti’manmay qui rêvassait sur la véranda de sa grand-mère au jour où elle serait assez grande pour participer aux préparatifs. Le temps passant et la fatigue agissant, ma grand-mère ne mène plus la danse de sa main ferme de fanm doubout'.

Sapin-2010-2

Et là, posant l’étoile au sommet du sapin du premier Noël de mon ti’boug, je me dis que l’année prochaine, il y aura du boudin maison un peu trop pimenté sur la table du Réveillon. Celui que j’aurais cuisiné comme je l’ai vu faire tant de fois, en vraie manman créole.

Sapin-2010

Joyeuses fêtes à tous !


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Prisca 16484 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine